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Marchés financiers et démocratie

Anonyme, Dimanche, Décembre 4, 2011 - 18:30

Les dictatures qui ont marqué le 20e siècle ont disparu . La démocratie et les droits humains individuels, collectifs et sociaux seraient redevenus la règle et avec les progrès scientifiques et techniques on peut envisager l’avenir des populations de la planète avec sérénité. La plupart des derniers bastions se sont écroulés dans les pays arabes dont le peuple s’est joint à ce mouvement de liberté nécessaire au progrès de l’humanité. Pourtant les inégalités ne font que s’aggraver entre le nord et le sud , des millions d’enfants de femmes et d’hommes meurent de faim, n’ont droit ni à l’eau potable, ni à la nourriture suffisante à leur survie, ni à l’instruction pendant qu’au nord et dans les nouveaux pays émergents une partie de la population n’envisage pas de vie sans blackberry. Pourtant dans ces mêmes pays les inégalités croissent chaque jour et la pauvreté s’est étendue aux couches jusque là épargnées.

Une autre dictature est née. Les marchés qui ont spolié les pays riches en matières premières contrôlent les prix du pétrole, du nickel du cuivre etc. et spéculent sur les prix des productions comme le blé, le soja, le riz, le café , le coton et bien d’autres tout étant transformé en monnaies virtuelles. Ils fixent le taux des devises, des emprunts entre les états, les banques et les particuliers. Ce qu’on a pris l’habitude de nommer « les marchés » ne recouvrent que les spéculateurs anonymes. Quelqu’un a-t-il déjà rencontré Monsieur ou Madame Marché ?

Dans nos sociétés post industrielles, l’économie repose exclusivement sur la finance. Les industriels du siècle passé produisaient en exploitant à des degrés divers la force de travail des travailleurs qui leur étaient nécessaires. Aujourd’hui dans une économie libérale globalisée on a de moins en moins recours à cette force de travail de proximité, on la trouve dans des pays où elle est abondante et disponible comme dans la plupart des pays d’Asie. Le capital voit décupler ses profits et la main d’œuvre partiellement inutilisée des pays dominants grossit la masse des chômeurs.

La fonction politique des gouvernements est d’assurer le bien-être des populations et développer l’économie. Ils ont reçu démocratiquement un mandat impératif de bonne gouvernance. Incapables de prendre les mesures minimales indispensable on voit les responsables politiques s’agiter à travers le monde. Ils ne cessent d’aller de réunions en forums de clubs fermés d’élites dont rien ne sort. L’exemple le plus frappant est l’incapacité à mettre sur pied une politique économique sociale et monétaire commune en Europe malgré la multiplicité des réunions, déplacements et dîners chacun défendant depuis des lustres son pré carré dans une vision à court terme au nom d’une conception étriquée et dépassée de l’indépendance nationale.

Un gouvernement démocratiquement élu devrait au minimum veiller à l’équilibre des finances publiques et de la dette extérieure, il devrait contrôler les flux financiers, défendre le pouvoir d’achat des citoyens et veiller au plein emploi. Au lieu de cela nos gouvernants suivent docilement ce que leur dictent les marchés. Le nombre des chômeurs ne fait qu’augmenter. 17 millions soit 10,5 % dans la zone euro, dont 5 millions de moins de 25 ans représentent plus de 20 % de cette tranche d’âge. Près de 5 millions en France soit près de 10 % de la population active, 4 500 000 en Espagne soit 22,60 % de la population active et 41,5 % des moins de 25 ans. La dette extérieure de la France est de 4 700 milliards d’euros représentant 235 % du PIB et la dette souveraine qui en 2002 était à 59,1 % du PIB soit 912 000 milliards est passée sous le gouvernement Sarkozy à 1 800 milliards et 90 % du PIB, ce qui n’empêche pas notre président de donner des leçons de bonne gestion aux présidents grecs et espagnols et de prétendre dispenser ses conseils au nouveau président du conseil italien.

Acceptant une dépendance aveugle aux agences de notation, organismes financiers privés championnes des conflits d’intérêt, les gouvernants, obnubilés par le triple A, sont contraints d’augmenter leurs recettes et de réduire les dépenses. Très bien, il fallait y penser. De nombreux économistes leur ont montré la voie à suivre démontrant qu’il serait facile d’économiser de 50 à 100 milliards d’euros en très peu de temps sans toucher au pouvoir d’achat. Nos gouvernants inspirés par les maîtres de la finance n’ont rien trouvé de mieux en France, Grèce, Espagne, Italie, Portugal que diminuer les prestations sociales, réduire les salaires et les pensions, augmenter la durée du travail pendant (en France du moins) qu’on multiplie les niches fiscales, on ne taxe pas les plus importantes sociétés aux bénéfices scandaleux jamais atteint, on ne crée pas de nouvelles tranches d’imposition pour les hauts revenus. Le gouvernement Sarkozy fait très exactement le contraire de ce qu’il fallait, sa potion magique est l’austérité sauf pour les couches favorisées. En réalité il ne décide rien il exécute ce que disent les marchés financiers, le regard fixé sur le cours des intérêts variable au gré des spéculateurs.

Les choses sont de plus en plus claires. Les marchés eux-mêmes changent les gouvernements, exit Papandréou, Berlusconi et Rodriguez Zapatero encore que pour ce dernier les formes démocratiques ont été respectées. En Grèce c’est Lucas Papadémos ex vice président de la BCE qui devient chef du gouvernement. En Italie Mario Monti universitaire et économiste reconnu remplace Berlusconi. Tous les deux ont en commun d’avoir travaillé pour la banque américaine Goldman Sachs de même que le nouveau président de la BCE Mario Draghi ancien gouverneur de la banque d’Italie. Faut-il rappeler qu’il est de notoriété publique que Goldman Sachs a mis au point les instruments financiers de manipulation des comptes grecs permettant à ce pays d’entrer dans la zone euro par effraction. Les gouvernements sont aux ordres, les véritables dirigeants sont les banquiers, le marché et les spéculateurs. La démocratie est réellement en péril.

Si les formes sont différentes, si la liberté d’opinion et d’expression n’est pas réprimée, cette liberté n’est que mirage. De quelle liberté jouissent les jeunes qui n’ont jamais pu trouver un travail ou l’étudiant diplômé qui ne peut pas trouver d’emploi ? De quelle liberté jouit le père et la mère de famille qui ne peut pas se loger faute de pouvoir payer un loyer exorbitant ? De quelle liberté jouissent les millions de personnes qui se nourrissent aux restaurants du cœur ?
D’une dictature l’autre , on peut craindre qu’il soit plus difficile de se débarrasser de la dictature des marchés financiers que de celles des militaires sans un vigoureux sursaut concerté des populations de la société civile. Il est vain de compter sur les partis politiques ou sur les syndicats installés dans leur confort et leur certitudes, incapables de faire leur propre révolution.

Les mouvements « indignés » ou « occupy wall street » approuvés par une large majorité des populations, montrent peut-être une voie . Ils n’ont pas encore su se donner les moyens qui permettraient de déboucher concrètement sur les changements qu’ils réclament. Refusant toute compromission notamment avec les partis politiques, ils pèseront durablement s’ils parviennent à drainer des couches plus larges de population. Il leur faudra aussi exprimer clairement des propositions. Le pari n’est certes pas impossible, il y a un grand potentiel dans les déçus des partis et dans la jeunesse.



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