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L’intégrité territoriale du Québec contre les Premières nations de l’Arctique

Eric Smith, Dimanche, Janvier 23, 2011 - 17:20

Dans le numéro de septembre du mensuel L’aut’journal, un membre du conseil d’administration des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO), André Binette, s’est livré à un douteux plaidoyer en faveur d’une démonstration de force de la part de l’État québécois, pour qu’il affirme sa souveraineté sur les territoires arctiques situés au nord de la province.

Réagissant aux récentes manœuvres du gouvernement fédéral qui poursuivent le même objectif, mais à l’échelle de tout le pays, l’auteur s’insurge du fait que le Canada soit le seul à prétendre contrôler ce protectorat, où vit le peuple inuit. Selon lui, l’État québécois devrait singer l’État canadien et se comporter en colonisateur, rien de moins! Il s’agit là d’un autre cas où la défense de l’intégrité territoriale du Québec implique la négation du droit d’un peuple ancestral à l’autodétermination.

André Binette constate que «la souveraineté canadienne sur le Passage du Nord-Ouest, une voie maritime qui relie l’Asie à l’Europe et à l’est de l’Amérique du Nord, et qui est empruntée par un nombre croissant de navires chaque année, est contestée même par des pays “amis” tels que les États-Unis». Cet ancien conseiller du gouvernement Parizeau pendant l’année référendaire en 1995 et auteur d’un essai intitulé Indépendance et liberté: une vision du Québec souverain, trouve parfaitement normal, en soi, que l’impérialisme canadien défende ses intérêts dans le Nord du pays. Ce qui l’inquiète, c’est que le Québec n’en fasse pas autant et qu’à terme, l’affirmation de la souveraineté du Canada nuise à l’intégrité territoriale du Québec, dans l’hypothèse où se réaliserait son rêve d’un Québec indépendant.

Pour lui, le droit à la souveraineté, ce n’est bon que pour le Québec et le Canada; le peuple inuit, qui forme pourtant plus de 90 % de la population vivant dans le Nord québécois, n’a pas droit à la même considération. Son territoire ancestral ne saurait être autre chose que le terrain de jeu du Québec et du Canada, au plus fort la poche.

Le fait que les États-Unis, la Russie, la Suède, la Norvège, le Danemark, l’Islande et la Finlande siègent avec le Canada au sein du Conseil de l’Arctique n’est pas un problème pour notre «intellectuel». Que ces pays se soient donné un tel forum pour débattre de leurs prétentions coloniales respectives sur des territoires qui, au fond, ne leur appartiennent pas, c’est dans l’ordre des choses. Le problème, pour lui, c’est que le Québec n’y soit pas, alors qu’un regroupement inuit (l’Inuit Circumpolar Council) y a tout de même voix au chapitre.

André Binette craint que l’accession annoncée du Groenland à l’indépendance incite les Inuits à vouloir exercer leur droit à l’autodétermination. «Plusieurs Inuit, écrit-il, y compris ceux du Québec, caressent le rêve d’une grande patrie inuite qui réunirait le Groenland, le Nunavut canadien et le Nunavik québécois.» Binette voit là – à raison – une menace à l’intégrité territoriale du Québec, mais il omet commodément de se prononcer sur la légitimité des revendications nationales des Inuits sur leurs territoires ancestraux.

Son opposition à «l’oppression nationale» s’arrête donc aux frontières du Québec: pas question, pour lui, de reconnaître le droit à la souveraineté au peuple inuit. Au contraire, le collaborateur de L’aut’journal suggère que le Québec s’assure «que le projet de traité sur l’autonomie gouvernementale du Nunavik, actuellement en voie de rédaction, ne donnera aucune prise à d’éventuels arguments partitionnistes semblables à ceux qui ont été mis de l’avant lors de la campagne référendaire de 1995». Pour lui, l’État québécois doit «assumer dès maintenant et pleinement sa propre nordicité». Son modèle, paternaliste au possible, ce serait que le Québec protège les intérêts des Inuits du Nunavik sur le plan international, «dans la même mesure que le Canada le fait avec ceux du Nunavut, et le Danemark avec ceux du Groenland».

Le droit à l’indépendance, pour Binette, c’est donc d’abord et avant tout le droit du plus fort: celui des nations dominantes, et en particulier de leurs classes dirigeantes, à occuper et coloniser d’autres territoires afin de sécuriser leurs profits.

Monsieur Binette se désole de ce que les Inuits qui habitent sur certaines îles situées à quelques centaines de mètres du territoire québécois ne soient pas considérés comme des «Québécois», alors qu’ils sont pourtant proches des Inuits qui habitent officiellement au Nunavik et qui eux, le sont. Mais qu’ils se trouvent au Nunavut, au Nunavik, au Groenland ou ailleurs, les Inuits sont d’abord des… Inuits! Et à la lumière de ce que’on a vu au cours des dernières semaines dans le quartier Villeray à Montréal, où l’administration de l’arrondissement (incluant une ancienne députée péquiste, Elsie Lefebvre) alliée à un notaire raciste a fait avorter le projet d’installation d’un centre d’hébergement pour les Inuits qui doivent venir subir des traitements médicaux à Montréal, on se demande bien pourquoi les Inuits devraient se considérer «québécois».

Le discours juridique de l’avocat Binette, qui s’appuie sur la Constitution canadienne et le droit international, démontre à quel point le racisme et l’oppression nationale des peuples autochtones (dont les Inuits) sont institutionnalisés. Il démontre aussi, peut-être sans le vouloir, à quel point le «maîtres chez nous» de Jean Lesage et de la Révolution tranquille a servi de ferment idéologique à la construction d’un État fort, dont les prétentions coloniales n’ont plus rien à envier à celles de l’ancien Empire britannique et du Canada moderne.

Que L’aut’journal se fasse le porte-parole d’une position aussi chauvine n’est toutefois guère surprenant. Ce journal, qui se prétend encore parfois «ouvrier et populaire», est surtout un journal nationaliste et indépendantiste. Et son nationalisme est celui d’une nation dirigée par une bourgeoisie impérialiste qui, objectivement, participe à la subjugation des nations autochtones et des peuples des pays dominés.

L’aut’journal a pourtant été créé par un noyau de militantes et militants, dont son actuel directeur et rédacteur en chef Pierre Dubuc, qui avaient été associéEs, à l’époque, à une petite formation marxiste-léniniste, l’Union bolchevique du Canada. Ce groupe s’était bruyamment fait connaître, dans les années 1970, pour avoir été l’un des premiers, sinon le tout premier, à appuyer le droit des nations autochtones à l’autodétermination. Cette position, qui n’avait apparemment été dictée que par sa volonté de critiquer les autres groupes marxistes-léninistes qui se limitaient à reconnaître aux autochtones un droit limité à «l’autonomie gouvernementale», a toutefois rapidement été mise de côté, au profit d’un soutien absolu et inconditionnel au nationalisme bourgeois québécois.

La publication du récent article d’André Binette démontre une fois de plus que Pierre Dubuc a depuis longtemps abandonné ses prétentions marxistes; n’est-ce pas Marx lui-même qui avait écrit cette phrase toute simple et élémentaire, à savoir qu’«un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre»?

Lucho Victoria Rojas
et Serge Gélinas

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Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 251, le 23 janvier 2011.
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