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Le soulèvement tunisien - Solidarité avec les prolétaires en lutte!

mihelich, Samedi, Janvier 15, 2011 - 22:48

Mihelich pour le GIO

Ce texte a été rédigé quelques jours avant le départ de Ben Ali. Son départ est bien entendu une manœuvre de la bande de voleurs toujours au pouvoir à Tunis qui ne visent qu’à maintenir leur régime inhumain. Nous croyons donc que les lignes suivantes conservent toute leur actualité. En effet, les derniers événements, avec le départ de Ben Ali, montrent que la lutte ne doit pas s’arrêter pour ne pas se laisser avoir par les tentatives de mettre en place l’unité nationale de tous les partis bourgeois et « démocratiques ». Les travailleurs doivent continuer la lutte pour unir tous les secteurs.

Ce tract a été diffusé jusqu'à épuisement à la manif aujourd'hui (Montréal).

Comme d’habitude, les chiffres varient. Les manifestants affirment qu’il y a au moins cinquante morts, le gouvernement prétend qu’il y en a quatorze. Une chose est certaine : ces luttes spontanées, résolues et violentes ont suscité une répression encore plus déterminée et violente.

En toile de fond du conflit croissant en Tunisie il y a la crise internationale qui n’épargne personne, encore moins les pays les plus faibles économiquement. Les mêmes mouvements se développent en Algérie, tandis qu’en Égypte, au Maroc et en Jordanie, la situation est aussi grave sinon pire, même si elle n’a pas encore explosée. Plus spécifiquement, la colère qui a provoqué les manifestations de rue est dirigé contre le pouvoir dictatorial de Ben Ali, contre la corruption dans laquelle il baigne jusqu’au cou et contre la bande de voleurs assoiffée de pouvoir qui gravite autour de la figure du président. Cependant, plus fondamentalement, les manifestations ont été déclenchées par les facteurs jumelés de chômage et du coût élevé de la vie. Selon les statistiques officielles, le chômage s’élève à 14%. Or, le vrai chiffre est presque le double; le chômage chez les jeunes a atteint les 35 à 40%. Le second facteur, le coût de plus en plus élevé de la vie, fait que le salaire familial mensuel des travailleurs du secteur privé ou de l’État ne couvrira même pas les besoins de la première partie du mois. Partant d’un niveau de vie déjà peu élevé, les travailleurs font maintenant face à la pauvreté absolue. L’espoir pour l’avenir s’est évaporé. La réalité de tous les jours, c’est maintenant la faim et le désespoir croissant. Les prolétaires qui ont un emploi sont incapables de soutenir leurs familles, tandis que ceux qui sont tombés dans le cercle des damnés, n’ont que peu de chance de s’en échapper. Même la petite bourgeoisie voit son niveau de vie s’écrouler. Le secteur public, qui jusqu’il y a quelques années assurait des emplois stables à long terme, réduit maintenant sévèrement sa main d’œuvre. Des employés du secteur public, des avocats et des jeunes diplômés sont à la rue et rivalisent avec l’ensemble des chômeurs pour le premier travail venu. Les licenciements dans le secteur public (avec le même genre de mesures annoncées ou prises au Royaume-Uni, en France, en Grèce, en Espagne, en Irlande et en Italie, etc.), la prolétarisation de la petite bourgeoisie, jumelés à une exploitation plus intensive dans les secteurs clés de l’économie, sont des signes tangibles de la sévérité de la crise et la raison de la révolte.

Les luttes sont apparues spontanément, c'est-à-dire sans direction politique et sans programme. Les syndicats (l’Union générale des travailleurs tunisiens – UGTT) ont été pris par surprise et ont dû tenter de rattraper la situation, déplorant d’abord la violence excessive de la police, puis du même souffle décrier les «excès» des manifestations spontanées, en appelant au calme et à la confiance dans la promesse présidentielle de créer 300 000 emplois. Avant ce tour tragique des événements, ils ne se préoccupaient de rien d’autre que leur travail habituel consistant à verser de l’eau sur les feux brûlants de la résistance.

Les mesures répressives ont été brutales, alors que la police tirent sur les manifestants. Il n’y a pas eu d’hésitation à faire feu à balles réelles, avec le but de tuer, car l’ordre venait de haut. Le gouvernement tunisien ne pouvait se permettre le luxe de tolérer les manifestations qui pouvaient s’étendre comme une traînée de poudre à travers tout le pays, même si ce genre de calcul ne fonctionne pas toujours et produit quelques fois l’effet contraire. Comme toujours, mais encore plus en temps de crise économique, l’impératif de L’État est la sauvegarde du capital à tout prix, en prenant tous les mesures nécessaires pour assurer sa survie et en convaincant les travailleurs, par tous les moyens à sa disposition, qu’il n’y a pas d’alternative aux sacrifices. C’est à prendre ou à laisser. Autrement, les armes de la répression s’abattront lourdement, contre tout le monde, sans exception. Les quelques cinquante morts en sont la preuve dramatique. De plus, le gouvernement tunisien a employé une stratégie de criminalisation de la lutte. Ceux et celles qui ont pris la rue, qui manifestent, qui commettent des gestes de violence contre les objets et contre les intérêts généraux de la société – de ses lois et contre son capital - sont accusés d’être des terroristes à la solde de tout éventuel pays ayant intérêt à déstabiliser la Tunisie. Même ceux et celles qui font paraître des messages critiques et des photos sur Twitter ou d’autres médias sont arrêtés et muselés. C’est une tactique bourgeoise classique, toujours efficace, déjà adoptée en Europe par le passé et particulièrement en Italie. Elle est maintenant appliquée sous de nouvelles latitudes avec le même objectif : opposer toute forme d’opposition en l’identifiant au «mal» qui doit en soi être combattu par tous les moyens nécessaires, y inclus la violence.

Nous croyons que la lutte doit continuer à unir tous les secteurs. Elle doit mener à la création de comités de grève et de lutte pour montrer la voie aux travailleurs, aux travailleuses et aux sans-emploi de tout le monde arabe, de l’Algérie à la Syrie, et faire appel à leur solidarité. Tout cela est sans doute difficile et même probablement irréalisable vu le désert politique de la réalité actuel, alors que la désertification politique a atteint les vieux pays capitalistes de l’Europe et aussi des États-Unis. C’est la raison pour laquelle il est temps de concentrer nos efforts sur la création de l’avant-garde politique qui peut commencer à agir en tant que point de référence pour ces luttes, de manière à ce qu’elles ne s’épuisent pas dans la démoralisation ou la répression et qu’elles ne disparaissent sans traces. Il est grandement temps pour le prolétariat international, partout où il a été frappé, de la Grèce à la Tunisie, de l’Espagne à l’Algérie, du Royaume-Uni aux États-Unis, de prendre la voie de la renaissance de la lutte des classes, une voie qu’il devra voyager avec son avant-garde révolutionnaire. Sinon, tout effort, tout désire de révolte restera englué dans l’orbite capitaliste, réprimé ou réabsorbé par le système dépendant de la ligne prise par l’organe qui défend ses intérêts de classe, c'est-à-dire l’État capitaliste. C’est ce que nous enseigne Ben Ali.

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