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Mexique : voyage au pays des pueblos mágicos

Anonyme, Samedi, Août 21, 2010 - 19:32

Jean-Pierre Petit-Gras

Derrière les slogans alléchants sur les pueblos magicos, le pouvoir mexicain organise brutalement l'expulsion et l'expropriation de nombreuses communautés indigènes et paysannes. Pour offrir aux touristes, notamment ceux du nord, quelques nouveaux disneylands...

Voici à peine 40 ans, le Mexique était autosuffisant en matière d'alimentation. La production de maïs , qui constituait le principal du bol alimentaire de la population, était même excédentaire.

Aujourd'hui, la campagne mexicaine agonise, sous les coups combinés du « paquet technologique » (herbicides, pesticides, engrais chimiques de synthèse et mécanisation), des importations massives de produits transgéniques provenant des USA, des monocultures d'exportation (agrumes, café, tomates, avocats, agrocarburants), des méga-projets (complexes écotouristiques, barrages gigantesques, mines à ciel ouvert, autoroutes, maquiladoras , etc), et des mafias politico-militaires du narco-trafic.

Le progrès provoque l'émigration massive vers les villes et le nord, en même temps qu'une véritable guerre d'extermination contre la fraction de la paysannerie, essentiellement indigène, qui s'obstine à vouloir rester sur ses terres.

Car, 200 ans après l'appel du curé Hidalgo, signal de la lutte pour l'indépendance, et un siècle après le début de la révolution « pour la terre et la liberté » menée par Emiliano Zapata et Pancho Villa, une partie encore significative de la population mexicaine continue de revendiquer le droit de vivre comme elle l'entend : au sein de communautés solidaires, intimement et respectueusement liées à la terre, capables de gérer ce qu'elles considèrent comme leurs territoires, et d'affronter les défis des relations inter-communautaires et d'un développement dont elles entendent fixer elles-mêmes le contenu et les limites.

Nous proposons quelques modestes témoignages sur cette résistance, recueillis au fil de rencontres, d'un petit périple parmi ce que les officiels du développement touristique appellent poétiquement les pueblos mágicos. Cette appellation masque, dans la plupart des cas, une politique de spoliation et d'expulsion des habitants légitimes de ces pueblos. Ce que l'on offre aux touristes, nationaux ou internationaux, en mal d'exotisme et d'évasion (notre monde n'est-il pas une prison ?), c'est un vaste Disneyland, où l'on s'extasie à bon marché, tout en se ruinant à coup d'achats inutiles. Les idéaux du capitalisme nous suivent partout, même en vacances.

Notre première étape était Mexico.

 

MEXICO : Le monde monstrueux de Carlos Slim

C'est probablement la plus grande ville du monde. 25 millions d'habitants sur ce raz de marée urbain dont les flots de béton et de fumées débordent largement les limites du District Fédéral, et montent à l'assaut des montagnes qui ceinturent la ville. Bien pire encore que les constructions précaires, qui finissent toujours par s'agencer, tant bien que mal, dans n'importe quel décor, surgissent vers le nord et l'est les immenses alignements, monotones, sinistres, des unidades habitacionales . Cette politique d'urbanisation visa à servir au mieux les installations industrielles qui pullulent et crachent leur haleine cancérigène, au mépris de la santé de tout ce qui vit ici. Mais vivre vieux est peut-être un non-sens, dans cette périphérie grise. En 1984, l'explosion d'une usine de Pemex (l'entreprise nationalisée de pétrole) avait fait des milliers de victimes dans la colonia -le quartier- de San Juan Hixhuatepec. L'armée avait dû boucler la zone, tellement les morts était nombreux, et les dégâts horribles. Mais Pemex est restée. Les dégradations sont considérables, dans cette région si belle, terre d'accueil voici 15000 ans d'une population nombreuse, qui avait su magnifiquement s'y adapter, respectant et entretenant sa riche biodiversité . L'eau, surexploitée et contaminée, doit être pompée au loin, au détriment des communautés paysannes et indigènes des montagnes. Mais elle fait de plus en plus défaut. Dans les quartiers et banlieues du nord et de l'est de la ville, le précieux liquide n'arrive au robinet que deux, trois jours maximum par semaine. Quand il arrive. La fourniture d'eau potable par camions citernes, théoriquement gratuite, est soumise à l'arbitraire d'un système glauque de corruption. A Nezahualcoyotl, Chicoloapan ou Iztapaluca, vers l'est, ou à Ecatepec, Coacalco ou Tecamac vers le nord, les mafias, alliées au partis politiques, imposent peu à peu leur loi : menaces, racket, enlèvements et assassinats sèment la méfiance et la peur dans des quartiers qui naguère conservaient des structures et des pratiques solidaires, avec une auto-organisation héritée des traditions communautaires , des réseaux directs d'approvisionnement alimentaire facilités par des liens encore étroits avec les campagnes plus ou moins proches, etc.
Au sud et à l'ouest, la situation est meilleure : c'est là que se trouvent les quartiers chics. L'eau n'y fait pas défaut. On ne peut quand même pas laisser mourir les gazons.

Promenade sur le Zócalo

Le centre historique a été nettoyé de la plupart de ses vendeurs ambulants -beaucoup étaient des indigènes- par l'efficacité modernisatrice et brutale des derniers gouvernements PRD de la capitale. Carlos Slim, propriétaire entre autres des réseaux téléphoniques du Mexique et d'autres pays latino-américains, et par conséquent l'un des hommes les plus riches du monde, a racheté à bon prix un grand nombre d'immeubles monumentaux -dont la célèbre Maison des Azulejos.

Sur le Zócalo, l'immense place centrale de Mexico, un énorme personnage gonflable, sponsorisé par Danone et maquillé en « musée des voies digestives », écrase de sa masse obscène le campement des membres du syndicat mexicain de l'électricité, en grève de la faim depuis 80 jours pour dénoncer le licenciement des 44000 employés de l'entreprise nationale Luz y Fuerza del Centro.

Nous pouvons parler avec Ernesto Ponce, l'un des grévistes. Il nous explique que le transfert des opérations d'entretien du réseau électrique de la capitale et ses environs à des entreprises privées a déjà entraîné une série d'accidents graves : électrocutions, incendies et pannes en tous genres.

Ernesto insiste sur la détermination des employés de l'entreprise, dont près de la moitié ont refusé de toucher l'indemnité de licenciement. Le moment est probablement mal venu de suggérer que la crise actuelle pourrait fournir l'occasion de remettre à plat la question de la production, la distribution et la consommation de l'énergie électrique. Il est difficile également de lui demander si l'on peut choisir, entre l'Etat et le capital privé, le meilleur patron. Et pourtant... On ne peut que souhaiter à Ernesto et ses compagnons d'avancer dans leur résistance... Un peu plus loin, d'autres stands dénoncent l'emprisonnement depuis le 2 Octobre 2009 de Victor Herrera Govea, arrêté à la fin de la manifestation de commémoration du massacre de Tlatelolco . De nombreux témoignages concordent sur le caractère totalement provocateur et arbitraire de cette arrestation. La police du D.F. a naguère bénéficié, il est vrai, des précieux conseils de la police de New York et de l'ancien maire de cette ville, Rudolph Guiliani, inventeur de la fameuse « tolérance zéro ». A l'époque, l'actuel maire de Mexico, Marcelo Ebrard, était... ministre de l'intérieur de la ville. Par ailleurs, depuis deux décennies, la police française collabore étroitement à la formation de celle du Mexique. Les leçons des CRS , Raid, et autres BAC constituent l'essentiel de la contribution culturelle française à la vie quotidienne des habitants de Mexico. Et les forces de l'ordre n'aiment guère que l'on rappelle les crimes commis par d'autres forces de répression. La reconquête de la ville, au bénéfice de Carlos Slim et ses semblables, semble entre de bonnes mains.

Une souricière

La capitale, construite à contre-sens sur les ruines de la Tenochtitlan aztèque et lacustre , avait su conserver malgré tout un charme certain, au cours des siècles suivants. Elle est aujourd'hui devenue une immense souricière pour les milliers de paysans qui fuient la guerre menée, essentiellement contre eux, par le pouvoir au service des multinationales. On rétorquera que cette « montée en ville » n'est pas totalement obligatoire, que les candidats à l'émigration n'ont pas toujours besoin du petit coup de pouce des paramilitaires pour faire leur baluchon pour le nord.

C'est bien ce qui inquiète. Le capitalisme n'existerait pas sans notre consentement massif. Et il n'est pas sûr que le mélange de crainte et de colère que l'on devine en train de sourdre des colonias
populaires débouchera sur un rejet total de ses valeurs et piliers : l'argent, l'individualisme, le salariat et la consommation d'objets inutiles, la soumission à des impératifs dont on ne discute même plus les absurdes fondements, la peur... Les quelques initiatives dont on nous parle, comme ce jardin collectif à Iztapalapa, implanté sur une ancienne décharge, et l'impulsion de tianguis alternatifs dans plusieurs quartiers, semblent de petites gouttes d'eau dans le lac asséché de Mexico.

Ailleurs, ça doit résister davantage...



Dossier G20
  Nous vous offrons plusieurs reportages indépendants et témoignages...

Très beau dessin: des oiseaux s'unissent pour couper une cloture de métal, sur fonds bleauté de la ville de Toronto.
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