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Massacre de jeunes à Ciudad Juárez: De la militarisation au terrorisme d'Etat

Anonyme, Jeudi, Mai 13, 2010 - 10:06

Quel que soit le parti du capital au pouvoir (qu'il soit de droite, du centre ou de gauche), il mènerait cette même politique. C'est la raison pour laquelle les travailleurs ne doivent pas se laisser mystifier par l'idée que, pour régler cette situation, il suffirait de remplacer Calderón par un autre Président, ou l'actuel parti au gouvernement par un autre parti. Ils ne doivent pas non plus se faire avoir par la proposition, mise en avant par des secteurs d'entrepreneurs de Ciudad Juárez, d'en appeler aux... casques bleus ! C'est-à-dire encore plus de soldats d'autres armées de la bourgeoisie pour solutionner la situation.

Nous publions ici le "communiqué" que nous avions réalisé en tant que Fraction interne du CCI au mois de février sur les derniers assassinats de civils à Ciudad Juárez au Mexique. Pour des raisons techniques, nous n'avions pu l'insérer dans la version française du dernier bulletin, le n°49, de la Fraction interne. Même s'il est donc daté, ce communiqué n'en reste pas moins d'actualité, non seulement parce que la militarisation de la vie "mexicaine" avec son cortège de meurtres, de répression et de barbarie quotidienne ne se dément pas depuis, mais aussi pour les leçons politiques que nous y rappelions, leçons que nous avions déjà tirées depuis un certain temps (cf. bulletin communiste 44 de la Fraction interne du CCI,
septembre 2008(1)).

Massacre de jeunes à Ciudad Juárez
De la militarisation au terrorisme d'Etat

La nuit du 30 janvier, un convoi de 7 véhicules a débarqué dans une maison où avait lieu une fête de jeunes étudiants. En descendirent quelques 20 individus fortement armés qui, après avoir encerclé l'endroit, rassemblèrent les jeunes gens dans le patio et commencèrent à les cribler de balles froidement. Ceux qui tentèrent de fuir furent aussi abattus. Au final, 16 furent
assassinés et une vingtaine d'autres blessés, dans leur majorité des adolescents. On pourrait penser que ce massacre a eu lieu dans un pays "officiellement" en guerre comme l'Afghanistan ou l'Irak. Il n'en est rien. C'est arrivé au Mexique, dans le quartier "Villas de Salvácar", un quartier ouvrier de Ciudad Juárez dans l'Etat de Chihuahua.

Au cours des dernières décennies, Ciudad Juárez (à la frontière avec les Etats-Unis) est devenue une ville majoritairement ouvrière de par son industrie "maquiladora" [d'assemblage des pièces venues des Etats-Unis et renvoyés sous forme de produits finis, ndt]. Mais ces dernières années, elle est devenue le fer de lance de la militarisation que l'Etat mexicain mène de manière croissante dans tout le pays. On dénombre actuellement prés de 10 000 militaires, soldats et éléments de la police fédérale (2) qui opèrent à Ciudad Juárez - sans compter les autres forces policières - et qui maintiennent un état d'exception permanent avec des tanks, des barrages, des patrouilles et des perquisitions dans tous les quartiers.

Résultat de cette militarisation : la violence et les assassinats ont augmenté au fur et à mesure qu'augmentait la présence de l'armée dans les rues, et cela jusqu'à faire de cette ville "la plus dangereuse au monde". Plus de 2600 personnes sont mortes de violence à Ciudad Juárez en 2009, un nombre de morts plus important que dans la guerre en Irak pour la même année.

Et, dans la plupart des cas, ces morts ne sont pas dus à des affrontements entre militaires et trafiquants de drogue, mais à des "exécutions" et à des "enlèvements" - au cours desquels les victimes sont souvent assassinées après avoir été torturées, pour lesquels on ne connait jamais les causes, ni les auteurs, pour lesquels les enquêtes ne sont jamais menées à bout, donc jamais résolues, et sur lesquels les autorités se limitent à répéter qu'il s'agit de "règlements de comptes entre différentes factions du crime organisé". Cette impunité pour les responsables des assassinats commis (3) est en soi une preuve évidente que la militarisation et l'état d'exception qui sont mis en place par l'État bourgeois n'ont pour objectif ni la "sécurité de la population", ni "le combat contre le trafic de drogue". Au contraire, l'objectif est de terroriser et paralyser la population travailleuse qui se trouve ainsi prise en tenaille entre la terreur criminelle et la terreur de l'Etat.

Cette situation s'est aggravée ces derniers mois. Ce que le gouvernement appelle des "dommages collatéraux" se multiplient, ce qui signifie plus d'arbitraire, d'abus et d'attaques "par erreur", tant de la part des supposés criminels que de la part de l'armée et de la police, contre la population ouvrière. Dans le même temps et avec la même impunité, se sont succédées des attaques en série contre les activités et les organisations sociales comme, par exemple, l'assassinat de Josefina Reyes (qui avait dénoncé les assassinats de femmes ainsi que la militarisation de la société) et les récentes attaques de sicaires contre les centres sociaux de désintoxication de la drogue. Finalement, le massacre du 30 janvier a fait déborder la peur et la patience des travailleurs de Ciudad Juárez.

Tout le monde s'interroge : comment est-il possible que, dans une ville investie par l'armée, des convois de véhicules avec des dizaines d'hommes armés puissent apparaître et disparaître, autant de fois, sans laisser de traces, que ces hommes puissent agir tranquillement, en tirant des centaines de balles durant des dizaines de minutes, sans que ni l'armée, ni la police les poursuivent, ni même ne se rendent compte, et que ces "forces" dites "de l'ordre" n'arrivent sur les lieux que pour terroriser encore plus les victimes elles-mêmes. C'est ainsi que se répand de plus en plus, dans les diverses couches de la population, l'idée que les agissements impunis des groupes de tueurs, non seulement à Ciudad Juárez mais aussi dans tout le pays, ne sont pas dus à l'incapacité ou à la corruption de quelques fonctionnaires : tout le monde se rend compte aujourd'hui certains de ces groupes afin de justifier la militarisation et la répression sociale ; c'est ainsi que, dans les périodes de bouleversement social, les États activent toujours les groupes paramilitaires.

"Depuis presque trois ans - écrit par exemple la journaliste Lydia Cacho - 15 000 personnes ont été assassinées au Mexique. En plus, le nombre d'hommes et de femmes disparus est de 3000 à 5000. Au cours de cette "guerre", 725 policiers et soldats ont perdu la vie, ce qui nous fait 14 275 victimes civiles, parmi lesquelles nul ne peut dire clairement lesquelles sont des criminels et lesquelles sont des personnes qui "dérangeaient" les forces de l'ordre. En Amérique Latine, l'élimination des groupes sociaux considérés comme indésirables est coutumière, et cela sans raison ou parce que prétendument nuisibles ; il en est ainsi des jeunes qui prennent de la drogue, des femmes de délinquants, des proches de suspects. (...) Au Mexique, nous sommes en présence d'un massacre - qui se cache derrière un discours de guerre - qu'une partie de la société et l'Etat assument, comme cela est déjà arrivé au Guatemala et en Colombie. (...) Déshumaniser le délinquant pour le présenter comme "ennemi" prédispose la société et la pousse à en accepter l'élimination et l'assassinat, sans poser de question, sans exiger la moindre transparence et que soient rendus des comptes (...) (“Plan B”, Lydia Cacho, 30 novembre 2009, traduit par nous, http://noalamilitarizacion.blogspot.com/).

La militarisation de la société au Mexique progresse donc, non seulement dans la mesure où augmente la présence de l'armée et des autres forces militaro-policières surarmées dans les villes, dans les villages, sur les routes, etc..., mais aussi dans la mesure où s'intensifient les campagnes idéologiques qui cherchent à justifier cette militarisation et la répression qui en découle. Ainsi, si au début les meurtres de civils innocents étaient présentés par le gouvernement comme un "malheur" ou une "erreur", comme un "dommage collatéral", aujourd'hui les innocents n'existent plus. C'est ce qu'a exprimé le Président Calderón quand, interrogé sur le massacre des jeunes du 30 janvier, il a assuré, sans avancer la moindre preuve, qu'il s'agissait d'un conflit entre "bandes" ; il en a été de même avec le Ministre de l'intérieur Gómez Mont quand il a fait la leçon aux familles des jeunes victimes : "ce n'est qu'en vous soumettant à la loi que vous trouverez le respect de vos vies et de celles de vos familles" (le journal La Jornada, 3 février 2010). En d'autres termes, ils ont insinué que les jeunes étaient morts pour ne pas "s'être soumis à la loi" (4).

Dans les périodes où le mécontentement social s'accroit et où la possibilité d'une explosion de la lutte entre la classe dominante et la classe des travailleurs exploités existe, la bourgeoisie déploie de manière préventive ses instruments de répression car elle sait que la digue de la domination idéologique qui maintient la "paix sociale" peut se rompre à tout moment. Mais de plus, la bourgeoisie sait, par expérience, que la répression ouverte a deux tranchants. Si elle peut d'un côté maintenir la population paralysée et terrorisée, de l'autre cette même répression peut allumer la mèche du mécontentement social si les masses prolétariennes la perçoivent comme une injustice flagrante et insupportable. C'est, par exemple, ce qui est arrivé en Grèce à la fin 2008 quand l'assassinat "accidentel" d'un jeune étudiant par la police a provoqué une explosion de lutte prolétarienne, de révolte et d'affrontements durant des semaines à échelle nationale contre l'Etat. C'est pour cela qu'il est important pour la bourgeoisie d'inculquer l'idée que les assassinats, les tortures et les disparitions, qu'ils soient l'œuvre du "crime organisé" de bandes paramilitaires ou de l'armée et de la police elles-mêmes, ont leur cause véritable dans la prétendue criminalité des victimes qui "ne se sont pas soumises à la loi". De cette manière, au moyen de la propagation d'un véritable terrorisme d'Etat, la bourgeoisie essaie d'obtenir que la majorité des ouvriers accepte, ou pour le moins reste indifférente, confuse et terrorisée face à la militarisation et à la répression contre d'éventuelles manifestations et luttes de la classe.

Que peuvent faire les prolétaires face à cette situation ?

Premièrement, il leur faut comprendre que l'actuelle situation de militarisation et de répression n'est pas seulement le produit des intérêts du "Président" ou de "son parti". C'est essentiellement une expression claire de la défense des intérêts de classe de la bourgeoisie dans son ensemble ; et quel que soit le parti du capital au pouvoir (qu'il soit de droite, du centre ou de gauche), il mènerait cette même politique. C'est la raison pour laquelle les travailleurs ne doivent pas se laisser mystifier par l'idée que, pour régler cette situation, il suffirait de remplacer Calderón par un autre Président, ou l'actuel parti au gouvernement par un autre parti. Ils ne doivent pas non plus se faire avoir par la proposition, mise en avant par des secteurs d'entrepreneurs de Ciudad Juárez, d'en appeler aux... casques bleus ! C'est-à-dire encore plus de soldats d'autres armées de la bourgeoisie pour solutionner la situation.

Les ouvriers ne doivent avoir aucune illusion sur la possibilité que le jeu de partis de la bourgeoisie, les élections et la démocratie bourgeoise, puisse un jour améliorer leur situation. Telle est la leçon que, spontanément, les pères, les voisins et les camarades des jeunes massacrés à Ciudad Juárez ont commencé à tiré en rejetant furieusement les déclarations hypocrites de Calderón, en repoussant le Gouverneur de l'Etat de Chihuahua quand il a présenté ses hypocrites condoléances, en exprimant, par des affiches et des peintures murales, leur colère contre le gouvernement ainsi que la nécessité de se défendre par eux-mêmes, sans rien attendre des "autorités".

Tout comme sur le plan de la défense de leur intérêts économiques, comme ouvriers salariés, les travailleurs ne doivent attendre de l'Etat et de la bourgeoisie une quelconque amélioration de leurs conditions de vie en général, y compris de leur "sécurité" face à la violence et à la criminalité qu'engendre inévitablement le capitalisme, et même qu'il entretient. Il ne peut y avoir d'intérêt commun entre prolétaires et bourgeois sur le plan de la sécurité et face à la violence sociale. La seule "sécurité" que la classe ouvrière pourra acquérir sera celle qu'elle se donnera en affirmant sa force collective et de classe.

Non seulement dans ses luttes économiques mais aussi en assurant sa propre sécurité face à l'Etat, à l'armée, à la police et face aussi aux forces paramilitaires et de narco-trafiquants qui, in fine, travaillent main dans la main avec l'Etat, quand ellesn'en sont pas le produit direct.

"Il est clair, donc, - écrivions-nous il y a plus d'un an - que la «guerre au narco-trafic» n'est seulement qu'un prétexte de la bourgeoisie pour augmenter la militarisation du pays et la répression contre la classe ouvrière et autres travailleursexploités. (...) De telle manière que la militarisation du pays est dirigée directement contre la classe ouvrière. D'un côté, dans le sens où la bourgeoisie mexicaine impose maintenant aux travailleurs de plus grands sacrifices économiques pour cette militarisation suivant ainsi le chemin poursuivi par la bourgeoisie du monde entier en vue de se préparer pour une future guerre impérialiste généralisée ; et cela sans compter qu'à terme, la seule perspective que le capitalisme leur offre - pour continuer à exister - est celle de la guerre impérialiste, celui du massacre le plus incroyable.

D'autre part, la militarisation est dirigée aussi de manière palpable et immédiate dans le sens où, au Mexique comme dans le reste du monde, la classe ouvrière n'étant pas défaite mais au contraire voyant son mécontentement et sa combativité augmenter, la bourgeoisie est obligée de l'affronter parallèlement en menant des attaques chaque fois plus frontales et dures
sur les terrains idéologique, politique, économique et... répressif.

Ainsi donc, la classe ouvrière ne peut accepter de manière résignée toute cette militarisation croissante de la société dont elle est la principale cible et dès aujourd'hui la principale victime. Son propre destin se trouve dans ses mains ainsi que celui de toute l'humanité. En finir avec l'actuel système capitaliste en décadence qui ne peut plus offrir qu'un présent de misère et de répression et un futur de guerre impérialiste de barbarie généralisée. Face à toute cette situation, et au contraire de ce que nous assènent l'appareil d'Etat et les médias de la bourgeoisie sur la résignation et "l'unité" avec ses exploiteurs, la classe ouvrière doit continuer à développer avec une énergie redoublée ses luttes de classe, les étendre à tous les secteurs, cimenter son unité et organisation. Ces luttes constituent, dès maintenant, le seul frein à la barbarie du capitalisme et la seule perspective pour, au travers d'un mouvement révolutionnaire du prolétariat mondial, transformer à la racine la société"

(Bulletin communiste 44, septembre 2008).
4 février 2009.
Fraction Interne du Courant Communiste International

1. http://www.bulletincommuniste.org/index.php?SEC=b44
2. La Policía Federal a été créée il y a quelques années, essentiellement formée de soldats, dont une des fonctions est la répression des masses.
3. C'est la même impunité qui s'est manifestée dans la disparition et l'assassinat de centaines de femmes - en majorité des ouvrières - durant de nombreuses années dans cette ville.
4. Non moins sinistre fut la manière avec laquelle le gouvernement justifia à posteriori ces déclarations : l'armée a affirmé avoir eu un "affrontement" avec deux personnes, dont l'une - qui a été tuée par les soldats - aurait été "l'auteur intellectuel (l'organisateur)" du massacre alors que l'autre - qui fut présentée de dos aux médias pour ne pas montrer les marques de torture qu'elle avait - aurait avoué exactement ce qu'avait dit auparavant le Président...



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