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Le combat oublié des Lubicons

Anonyme, Samedi, Mars 28, 2009 - 14:17

David Murray

Ils sont environ 500 Cris à résider aux abords du Lac Lubicon dans le Nord de l'Alberta. Communément appelés simplement Lubicons, les membres de cette nation autochtone luttent depuis plus de 60 ans pour la reconnaissance de leurs droits ancestraux sur leurs terres.

Ce sont d'éternels oubliés de l'histoire. Ils le furent une première fois lors de la signature du traité 8 en 1899 (1), qui touchait le nord-est de la Colombie-britannique et le Nord de l'Alberta. Vivant essentiellement de la chasse et de la trappe, les Lubicons sont ainsi passés hors des radars et n'ont en conséquence jamais signé en bonne et due forme de traité avec le gouvernement canadien cédant leurs droits sur leur territoire à ce dernier. Il faudra attendre 1939 pour que les Lubicons soient reconnus comme nation autochtone par le gouvernement fédéral, à la suite de quoi un règlement et la mise en place d'une réserve leur sont promis. La promesse ne sera pas cependant pas honorée et les Lubicons retourneront dans l'oubli.

Il faudra attendre les années 1970 pour que le dossier des Lubicons refasse surface. En 1979, une route est construite en plein territoire lubicon servant à desservir les grandes compagnies qui viennent y exploiter les ressources naturelles. C'est que dans les années précédentes on y découvre d'importants gisements pétrolier et gazier en plus de prendre acte du potentiel forestier du territoire, attisant de ce fait la convoitise de quelques grandes compagnies. Rapidement, d'ailleurs, au moins 400 puits de pétrole sont creusés dans un rayon d'environ 25 kilomètres de la communauté lubicon de Little Buffalo.

Ce rapide développement a évidemment des effets dévastateurs sur le mode de vie des Lubicons. La faune est particulièrement affectée. Les orignaux désertent la région alors qu'ils constituent la principale source d'alimentation. Cela a pour effet de saper les fondements de l'économie lubicon, déstructurant la société, celle-ci devenant du même coup dépendante des subsides gouvernementaux alors qu'elle avait toujours réussit à préserver son autonomie. Cette déstructuration a d'ailleurs entraîné de nombreux problèmes sociaux et de santé. Le suicide y fit son apparition, phénomène jusque alors inexistant chez les Lubicons. Les fausses couches se firent plus fréquentes (19 sur 21 grossesses en 1985-86), le cancer y fit son apparition de même que la tuberculose qui toucha le tiers de la population en 1987 de façon active ou passive.

Parallèlement, les milliards coulaient à flots du côté des grandes corporations alors qu'aucune retombée, pas même un centime, ne retombaient du côté des Lubicons. Aucune redevance n'était perçue pour dédommager les Lubicons de l'exploitation de leur territoire. Si bien qu'aujourd'hui nous sommes passés d'une communauté auto-suffisante à une société dépendante dont les conditions ne cessent de se détériorer.

Une résistance acharnée

Face à cet état de fait, les Lubicons vont décider de résister et de faire valoir leurs droits. Ils empruntèrent dans un premier temps la voie des tribunaux, les éléments juridiques devant normalement leur donner raison. C'était sans compter sur un contexte difficile où plus souvent que autrement les juges albertains étaient d'anciens avocats employés par les compagnies pétrolières opérant en territoire lubicon. On se doute bien que les ces magistrats n'aient pas été enclins à donner raison aux Lubicons face à leurs anciens employeurs. Devant cette situation d'injustice flagrante, les Lubicons décidèrent d'aller devant les Nations unies dont le Comité pour les droits humains a ensuite statué sur les injustices dont étaient victimes les Lubicons en matière juridique et condamner en conséquence le gouvernement canadien.

Devant l'impasse de l'avenue juridique, les Lubicons vont tenter de porter leur cause à l'attention de la communauté internationale. On profitera pour ce faire de la tenue des Jeux olympiques d'hiver à Calgary, en 1988. Des actions de perturbations sont entre autres organisées lors du parcours de la flamme olympique. Une mince victoire est atteinte lorsqu'on réussit à faire pression sur plusieurs musées à travers le monde pour qu'ils refusent de prêter certaines de leurs oeuvres dans le cadre d'une exposition consacrée aux Premières Nations et commanditée par certaines des compagnies opérant en territoire lubicon.

Ce ne sera rien pour faire plier le gouvernement par contre, si bien qu'à l'automne 1988 les Lubicons se déclarent nation souveraine et retirent toutes leurs actions légales. On met sur pied sur des points de contrôle aux frontières du territoire revendiqué par les Lubicons et on contrôle les permis d'entrée et d'exploitation émis par les Lubicons eux-mêmes. Ne pouvant tolérer un tel affront, le premier ministre albertain, Don Getty, envoie la Gendarmerie royale du Canada mettre un terme au blocus. 27 personnes sont alors arrêtées.

On parvient par contre à la suite de cet incident à en venir à une entente entre le gouvernement de Don Getty et les Lubicons, représentés par leur chef Bernard Ominayak. Ce sont les accords Grimshaw qui délimitent entre autres choses la superficie qui sera dévolue à la future réserve accordée aux Lubicons. Ne manque plus à ce moment que l'accord du fédéral... qui ne viendra jamais. S'en est plutôt suivi une série de promesses non tenues et de gestes de mauvaise foi.

La mauvaise foi du fédéral

Parmi quelques exemples de cette mauvaise foi du gouvernement fédéral, il y a le fait qu'après avoir promis de négocier en bonne et due forme lors de la campagne électorale, le gouvernement de Brian Mulroney décide plutôt de proposer une entente qualifiée d'à "prendre ou à laisser". Celle-ci était clairement inacceptable pour les Lubicons, ce que savait très bien Ottawa. On promettait la construction de quelques maisons et de routes, mais on décidait de maintenir les liens de dépendance de la communauté envers le gouvernement fédéral. En clair, on refusait aux Lubicons la mise en place des conditions leur permettant d'assurer leur propre développement économique autonome, par exemple de pouvoir toucher des redevances sur l'exploitation de leurs ressources par des compagnies étrangères.

Le gouvernement fédéral a aussi tenté de diviser la communauté. N'ayant pas réussi à déloger de leurs postes les dirigeants de la communauté par la voie des urnes, le fédéral décida de créer une nouvelle bande autochtone, celle de Woodland Cree, s'appuyant en cela sur une disposition controversée de la loi sur les Indiens de 1876 qui permet au gouvernement fédéral de reconnaître de nouvelles bandes autochtones selon son bon vouloir. Ce qui fait qu'on attribua un statut de bande autochtone à un regroupement d'individus sans véritables liens, donc sans assise historique, tout en continuant à nier les droits des Lubicons, eux ayant bel et bien une identité propre. À cette nouvelle bande autochtone le fédéral va faire la même proposition dite "à prendre ou à laisser". On va offrir 50$ à toute personne allant voter, plus 1000$ par famille si celle-ci votait en faveur de la proposition. Ce qu'on ne leur avait pas dit par contre, c'est que ce 1000$ allait ensuite être déduit de leurs allocations du fédéral...

Parallèlement à ces tractations du gouvernement fédéral va apparaître la question de la coupe forestière. Va entre autres s'ensuivre une longue saga avec la compagnie Daishowa. On organisa un boycott des produits de la compagnie qui s'avéra en bout de ligne profitable malgré quelques démêlés judiciaires, puisque la compagnie décida de suspendre ses activités en territoire lubicon tant et aussi longtemps qu'un règlement ne serait pas trouvé entre le fédéral et les Lubicons.

À l'heure actuelle, le conflit n'est pas toujours pas résolu et les négociations piétinent. Le fédéral semble toujours faire preuve de mauvaise foi dans le dossier. Par deux fois d'ailleurs, en 2003 et 2006, les Lubicons sont retournés devant les Nations unies qui, à chaque fois, ont condamné les actions et le comportement du gouvernement canadien. Pendant ce temps, les Lubicons continuent leurs actions de sensibilisation à leur cause espérant ne pas retourner encore une fois dans l'oubli de la mémoire collective.

(1) Entre 1871 et 1921, 11 traités furent signés entre le gouvernement fédéral et diverses nations autochtones, permettant à Ottawa de mettre la main sur les terres de l'Ouest canadien jusque là sous souveraineté autochtone en regard de la loi canadienne. Ce ne sont pas l'ensemble des peuples autochtones qui ont participé à la signature de ces traités, ce qui explique en partie les contentieux actuels à propos des droits ancestraux non reconnus, comme par exemple ces nations autochtones de Colombie-britannique qui considèrent que les Jeux Olympiques d'hiver 2010 auront lieu sur des "terres volées".

Pour plus d'infos, voir entre autres le site de Friends of the Lubicon : www.lubicon.ca/

Friends of the Lubicon
www.lubicon.ca/


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