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AMAP interanationale: un partenariat bientot mondial?

goby, Samedi, Juin 14, 2008 - 16:08

Goby Christophe

Article paru dans CQFD et Silence sur les partenariats entre producteurs et consommateurs à travers le monde.

Planète AMAP.

A Aubagne du 26-30 janvier 2008, des Amaps (Associations pour la Maintien de l’Agriculture Paysanne) Teikei ou Reciproquo se sont rencontrés pour échanger et lancer de nouveaux projets de solidarité entre producteurs et consommateurs.

« Je suis un citadin je ne connais rien à l’agriculture » commence Joseph Richard salarié d’Urgenci et membre de l’Amap des Chartreux à Marseille. Depuis qu’il dirige les opérations de pilotage les choses se sont améliorées pour lui et le monde rural lui semble moins opaque. Il a réuni des Amaps du monde entier, mis à part l’Amérique du Sud, sous l’égide d’Urgenci, association dont l’objectif est la liaison entre producteurs et consommateurs. Urgenci est née à Pamela ( Portugal) lors du précèdent colloque des Amaps. Aujourd’hui basé à Aubagne l’association est soutenue par des financements de la ville auxquels s’ajoutent ceux de la région et de la communauté d’agglomération. C’est une carte que joue Aubagne depuis longtemps : « Paix sociale paix municipale » dans cette ville communiste où les entreprises sont légion. Urgenci se donne aussi pour fonction la nécessaire et urgente conservation de la biodiversité avec l’aide de l’institut Vavilov de Saint Petersbourg.

Joseph Richard répond en anglais aux japonais qui sont membres d’une Teikei, une sorte de grosse Amap, plus proche de la coopérative que des associations pour le Maintien de l’agriculture. Il indique la salle de conférence aux américains des Community Supported Agriculture et s’étonne devant des québécois qu’il n’ y ait plus de café ; Tabernacle ! Le café n’est pas équitable non plus.

« Une Amap c’est déjà déséquilibré » m’explique Joseph ; un producteur et quarante familles, cela explique la présence plus ou moins accrue des consom-acteurs lors de ce round d’Urgenci.

Ca commençait mal avec la sympathique mairie communiste d’Aubagne qui offre un repas « industriel », et des couverts en plastique à la fine fleur de l’écologie urbaine. Daniel Fontaine a beau avoir été un soutien à Bové, ses services ont préparé de la nourriture pas vraiment alter. Toutefois lui et son équipe ont déclassé une zone constructible en zone agricole : 20 hectares dont deux sont revenus pour la création d’une Amap . La chose est assez rare pour être soulignée en PACA.

A l’Agora d’Aubagne on râle un peu mais on mange malgré tout le repas ouvrier. Car comme le dit Joseph « si c’est Sylvia Barthélemy, la candidate de droite qui passe, on dégage en trois heures ! »Les représentants de toutes ces Amaps sont des esprits constructifs qui ne s’arrêtent pas à ce genre de détail, même si Jocelyn Fort, maraîchère vers Nîmes ne s’en laisse pas compter et peste contre ce manquement : « Comme si il n’y avait pas assez de producteurs bio à Aubagne ! » Elle est pourtant ravie de ces rencontres et héberge un couple de portugais membres des Reciproquos : José Gomes, un apiculteur et une consommatrice du sud, Idalia José, appartenant au Conselho de Odemira. Entre Douro et Tage, ces Reciproquos sont des projets soutenus par l’Europe et le ministère de l’Agriculture Portugais pour revitaliser les terres abandonnées, notamment dans les plaines du Sud ou les montagnes du Nord. Ici on prend son Cabaz, l’équivalent du panier hexagonal. « Les produits sont traditionnels » affirme Idalia mais pas biologiques. Un producteur commence cette année. José raconte sa région de Sao Pedro do Sul désertifiée et comment les agriculteurs ont mis en place avec le projet Criar Raizes (Créer Racines) une boutique, une vente aux hôtels et des paniers délivrés à Viseu, une ville de 50 000 habitants toute proche.

Le facteur biologique semble inversement proportionnel à l’industrialisation du pays. Ainsi les Teikei japonais, qui pour nombre d’entre elles sont restés de petites structures, malgré la taille de certaines comprenant pas moins de 10 000 personnes trahissant l'esprit des fondatrices, sont toutes en bio mais sont opposés à la certification décidée par l’état. Teikei signifie « partenariat » et s’interdit les intermédiaires et les organismes de contrôle qui coûtent cher. Le Teikei s’appuie comme dans la tradition japonaise sur trois piliers reconvertis en trois grands principes ; recycler, réutiliser, et réduire ; Comme la miniaturisation dont est le fer de lance ce pays à l’étroit sur ces quatre îles. Les Teikei naissent en 1965, suite au scandale du Minamata, du mercure retrouvé dans le lait et qui fait ses premières victimes alors. « Le visage du paysan » sur la bouteille de lait devient le symbole d’un nouveau rapprochement du consommateur avec le producteur. Un foyer sur quatre au Japon s’alimente avec ce système.

Comme l’explique Shinji Hashimoto, un livre a bouleversé les Japonais en 1975 : « Fukugouosen », Pollution Complexe. Depuis leur regard a changé et la méfiance s’est installée vis-à-vis des institutions. Ils ne perçoivent donc ni subventions, ni ressources du monde des affaires. Shinji Hashimoto est fermier. Il s’oppose aux grandes Teikei, sortes de centrales d’achats, dérivés de ses structures. Il a été élu au comité international qui se compose d’au moins un membre de quatre continents.

On est moins exigeant du côté d’Alliance Provence qui reçoit des aides des conseils régionaux et généraux. Mais la France mêle la politique à tout comme le reproche les Québécois d’Equiterre qui ont mis en place les ASC (Agriculture soutenue par la Communauté) des fermes en réseau ou les consommateurs avancent l’argent et deviennent donc des partenaires. Il faut reconnaître que si le succès par exemple en Estrie des paniers bio se confirme c’est aussi parce que le Canada a souffert très tôt de la contamination OGM.

En Afrique le démarrage des Amaps est plus lent. On compte le Cameroun, le Mali et le Togo d’où vient Pierre Kpebou qui est devenu agriculteur après une formation de comptable. Sans travail il est revenu à la terre près d’Amlamé. « On livre le gombo, le piment et le haricot sous un Apacam. » Quatre de ces « deuxièmes bureaux » sont à Hietro, Adiva, Agadi et Amlamé. C’est à Edith Vuillon que le Togo doit en partie son lancement dans l’Amapisme, discipline non-olympique mais où l’on bat aussi des records. Dans ce pays long comme un haricot et dirigé par une main de fer par le clan Eyadema, des mains vertes se font jour : 102 agriculteurs fournissent 162 familles ! « C’est que chez nous une famille c’est au moins dix personnes » s’esclaffe Oumar Diabaté , qui est venu lui du Mali. Installé à Bamakoro, il est venu observer et comprendre car ils n’ont fait qu’une distribution dans son Amap. Oumar s’étonne des SEL, Systèmes d’Echanges Locaux, et explique à Pierre qui s’écrie « C’est quoi ça ? -Les Sels, c’est ce que les occidentaux ont supprimé en arrivant chez nous : le troc ! »

Oumar semble très critique vis-à-vis de la politique agricole. Ce vétérinaire constate les dégâts de la révolution verte soutenue par Amadou Toumani, le président Malien, et financée par la nébuleuse fondation Sasakawa Global 2000. Essais sur les hybrides, bateaux d’engrais qui arrivent au Port autonome de Lomé, 4X4 de cette ONG qui sont légion dans toute l’Afrique de l’Ouest inquiètent grandement nos cultivateurs. Il y a de quoi quand on sait que cette fondation, la plus riche du monde est l’œuvre d’un ancien criminel de guerre qui se nommait lui-même : « Le fasciste le plus riche du monde » Pas précisément un ami de l’Afrique.

D’autant que la révolution verte prônée par un esprit fort tel que Normand Borlaug, encore un prix Nobel, n’est révolutionnaire que par les cycles de ses échecs et n’a de vert que la couleur du billet d’un dollar, puisque ce concept ne poursuit qu’un objectif : la productivité. " Deux types de culture existent au Mali: le coton industriel et les cultures vivrières tels que le sorgho ou le riz." Ce coton qui appauvrit tant les sols. D’après lui, un phénomène comparable à ce qui s’est passé en France se produit : « Mes enfants ne veulent plus manger du Tô, ils veulent du riz ! » Au Togo Pierre Kepbou rappelle que tous les membres de l’Amap sont des fonctionnaires, pas encore des bobos comme il est de coutume d’entendre en France.

Plus au nord et plus urbanisés nos voisins belges ont crée une fois les Foodteams, des sortes d’équipes de food décidés à résister au marché libre. Mais la partie est à trois, les paysans dans leurs buts, les consommateurs dans les cages en face et l’arbitre Foodteam, lui-même. La crise de la dioxine en 1999 en Belgique a donné le coup d’envoi des foodteams qui se comptent par centaines désormais. Le plat pays n’étant guère plus grand que quelques terrains de foot il y est assez difficile de trouver du foncier.

New-York fait figure de tête de pont au pays de Mac Donald et de Monsanto. Des CSA patronné par l’organisation Just Food organise des relations paysans- producteurs mais installent aussi des jardins communautaires avec l’aide de groupes tels que les Green Guerillas. Les habitants du Bronx ou de Manhattan déplorent la disparition de 67 % des exploitations agricoles en 20 ans. Si près de la bourse de New-York, ils ont maintenu un système d’achats d’actions et développent des villes poulets afin de relancer ces fameux " Chicken."Plus de 1000 CSA s’étalent sur le continent nord-américain.

Dans les salles de travail on s’oppose parfois. Alliance Provence dépositaire du terme AMAP souhaite des certifications plus strictes alors que bien des groupes régionaux se sont organisés sur des modes de confiance auto évalués. Lors d’une présentation de produits détergents vendus en AMAP, une consommatrice de Chambéry conteste la provenance de produits exotiques dans l’élaboration des lessives. Posant la question des rapports nord-sud elle insiste « A Chambéry j’assiste à des réunions racistes dans la filière bois-énérgie » Et ajoute-elle ironiquement pourquoi pas des Amaps dans la téléphonie ?

Sur le foncier, chacun y va de sa solution. Un ouvrier agricole de Vitry voit dans les coopératives de production financée par les collectivités le seul recours pour accéder à des terres en banlieue parisienne. Selon lui dans une Amap on retrouve le même déséquilibre que dans l’agriculture conventionnelle.

Fabrice Thullier du GERES, une ONG qui travaille à la valorisation, la conservation et les transports de l’alimentation, s'alarme des agro-carburants qui ne seront développés qu’en Afrique de l’Ouest selon lui car le foncier n’est pas accessible en Europe. Il évoque la culture de la Jatropha, le nouvel or vert qui pourrait se substituer au diesel en prenant racines sur des terres en culture extensive. Ce nouvel or vert n’est-t-il donc pas un nouveau mirage ? Est-ce que les éleveurs maliens ont vraiment envie d’être dépossédés de pâturages au profit de champs en monoculture?

Somme toute, les participants ont regretté l’absence de formation spécifique à l’agriculture biologique sans s’en étonner puisque les chambres d’agriculture en France sont très majoritairement dominées par la FNSEA. Ce que souligne Dominique Florian, agricultrice-formatrice ainsi qu’un jeune maraîcher de Vesoul qui a du se former tout seul. La lutte contre les transgéniques restant un socle commun de toutes ces associations, même si au Portugal on est encore peu sensibilisé au sujet, malgré le premier fauchage OGM l’été dernier d'un hectare de maïs près de Silves. Reste qu’aucune organisation agricole n’était présente.

Autant Urgenci et certaines Amaps souhaitent entrer en relation avec les institutions pour augmenter ce type de structure autant d’autres et notamment les absents ne veulent à aucun prix mêler l’état ou les collectivités locales à ce qui pour eux est déjà un départ du système marchand. Qu’on pense à cette Amap du Puy de Dôme, fondé par des organisations de gauche anti-OGM et qui a innové en accordant le prix du panier au revenu. En Provence les divisions ont donné lieu à une réorganisation à trois : Créamap avec le canal historique ; les Vuillon, fondateurs des « Olivades » la première Amap hexagonale, les Paniers Marseillais du côté de Monique Diano ou encore Alliance Provence qui poursuit sa restructuration. Toutes prônent la reconversion des paysans vers une agriculture diversifiée et respectueuse de l’environnement mais chacune à sa manière. En tout cas « malgré des difficultés interculturelles » comme me le précise Joseph Richard l’assemblée générale a su définir des objectifs pour les deux prochaines années et élire huit membres sur quatre continents afin de promouvoir cette forme d’agriculture et sa diffusion.

La France compte 750 Amaps comprenant en moyenne 40 familles chacune. Un peu partout naissent des structures de ce type, de la Roumanie jusqu’ en Malaisie. Globalement ce sont les classes les plus aisées "culturellement " qui s’y inscrivent. A ceux qui y voient un mouvement de repli sur soi et sur son estomac, comme une aporie alimentaire, les Amapiens répondent par des ponts jetés entre les continents et par des liens solides avec le monde rural souvent perdu, tel un paradis à la Milton. Un monde où comme disait le frugal Cicéron : « Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger ». Formule heureuse reprise par Molière après des vers D’Harpagon dénigrant la dépense. Tel pourrait être un des reproches à faire à ces partenariats entre producteurs et consommateurs : « Que diable toujours de l’argent ! » Car enfin se mange-t-il ?

Article paru dans Silence-Lyon et CQFD –Marseille.
Christophe Goby.



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