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Normaliser la mort

viaub, Lundi, Juin 9, 2008 - 08:02

Bernard Viau

Peut-on aider quelqu’un à se donner la mort lui-même ? La décision de mourir est personnelle et cette décision est au-dessus des lois et de la justice. La cour n’a pas à décider pour moi. Le suicide assisté et le meurtre par compassion seront, d’ici quelques années, reconnus socialement.

À chaque année, des drames humains qu’on pourrait qualifier de passionnels, font la manchette de nos quotidiens : suicide assisté, euthanasie demandée, meurtre par compassion. Les mots se confondent, mais la réalité vécue reste la même : l’un de nous souffre de l’existence tandis que l’autre y participe, plus ou moins impuissant et torturé de l’être. Il y a quelque temps, quelques années, j’ai été confronté à de tels drames ; je me dois maintenant d’en parler.

À chaque année, une nouvelle à la télévision, un drame humain et le débat est relancé à la terrasse des cafés, dans les réunions de famille, d’amis ou les rencontres fortuites, sur l’oreiller ou ailleurs. Peut-on aider quelqu’un, qui aspire à le faire, à affronter la mort ? M’aiderais-tu à le faire ?

Nous avons tous entendu parler de la tradition japonaise du harakiri. Ils le font, paraît-il, pour éviter le déshonneur comme le général battu sur le champ de bataille par exemple. On ne retient alors que l’acte : c’est un suicide. C’est oublier, que dans cette même tradition, il y a toujours un acolyte qui coupe la vie en tranchant net la tête. Une intention claire, une action nette ; deux personnes en fusion complète face à la mort. Parfois le geste était maladroit, presque timide, mais si l’intention était claire, le devoir de l’acolyte était d’abréger la souffrance de l’autre en tranchant net la vie. Un tel rôle était un honneur, une lourde responsabilité qu’on acceptait avec gravité et jamais sans larmes. Il nous revenait la tâche de lui enlever la vie, le plus vite possible, le plus humainement possible, par amitié ou par amour, lorsqu’il nous ferait signe, lorsqu’il initierait de lui-même le geste fatal.

Nous avons tous vaguement entendu parler de la tradition des anciens d’ici. Ils abandonnaient leurs vieillards dans la forêt l’hiver lorsque ceux-ci étaient vieux. Encore là, on ne retient que l’acte : c’est un meurtre. C’est oublier que la décision ultime, déchirante, revenait d’abord à celui qui voulait en finir avec la vie et qu’il devait pouvoir compter sur quelqu’un pour l’aider à le faire. Le vieux ne demandait jamais à ses proches ou rarement ; l’honneur de l’accompagner revenait toujours à un jeune guerrier de son choix. Celui-ci avait la lourde tâche de l’accompagner à l’endroit de son choix, de l’y installer confortablement autour d’un feu, de recevoir ses dernières confidences puis de l’abandonner au froid glacial de la nuit. La tâche était délicate, lourde d’émotions et difficile, mais il fallait le faire par amour, par respect ou par amitié lorsque l’ancêtre nous le demanderait d’une parole, d’un geste ou d’un regard.

Quelques pays sont des précurseurs dans ce domaine. Ils autorisent légalement le suicide assisté, mais en l’encadrant d’une bureaucratie contraignante. Au Canada, nous avons connu des cas nous aussi. Peut-on aider quelqu’un à se donner la mort lui-même ? Plusieurs d’entre nous acceptons déjà l’idée que le médecin puisse légalement mettre la drogue dans le soluté, mais en laissant le patient se l’injecter lui-même en pressant un bouton par exemple. Même le Festival de Cannes a été saisi par le débat social et le film y a remporté un succès retentissant. La popularité du Déclin de l’Empire américain doit se comprendre ainsi : le film relance toute la question du suicide assisté à une époque de l’histoire de l’humanité où la terre ne peut plus nourrir les hommes et où le pays se peuple de vieux arrivant en fin de vie. Dans une décennie, la chose sera légale, admise et presque normale, comme dans ces films de science-fiction, on pourra abréger ses souffrances et avoir de l’aide pour mourir à son heure.

Les législateurs n’ont qu’à aller en ce sens en autorisant les moyens selon notre culture et avec notre science, en autorisant l’acolyte officiellement demandé par le patient, mais ces mêmes lois ne peuvent jamais tenter de gouverner l’intention de celui qui mourra en lui interdisant de le faire pour quelque raison que ce soit. La décision de mourir est personnelle et cette décision est au-dessus des lois et de la justice. La cour n’a pas à décider si j’ai le droit légal de mourir ; ce n’est pas un droit, c’est un fait, c’est une décision personnelle qui affecte le seul univers que je connaisse, le mien. Je veux mourir, un point c’est tout.

Bien sûr, psychologues, prêtres et médecins peuvent tenter de m’en dissuader, chacun à sa manière et c’est d’ailleurs leur devoir professionnel de le faire, mais la décision reste mienne. Je désire mourir et je demande de l’aide pour le faire. Que la cour désigne qui elle voudra, quelqu’un et que ce quelqu’un fasse la chose rapidement, sans bavures lorsque je lui ferai signe. Je veux mourir dignement, je veux le faire comme un homme en regardant la mort calmement. Ce n’est pas un droit, c’est ma décision, c’est ma dernière volonté.

Le suicide assisté et le meurtre par compassion seront, d’ici quelques années, reconnus socialement. Ceux qui auront la tâche d’accompagner activement les mourants auront une lourde responsabilité et ils auront la gorge nouée de recevoir un tel honneur. Nous devons légiférer en ce sens. J’aimerais proposer une telle loi. Qui aimerait me seconder?

viaub@sympatico.ca


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