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Philippines: décès tragique du camarade Crispin Beltran

Eric Smith, Lundi, Mai 26, 2008 - 20:17

Le Drapeau rouge-express

C'est avec colère et une grande tristesse que nous avons appris l'annonce du décès du camarade Crispin Beltran, ou «Ka Bel» -- une figure de proue du mouvement ouvrier et du mouvement national démocratique aux Philippines, un héros du prolétariat international et certainement aussi un grand ami de la classe ouvrière canadienne. Âgé de 75 ans, Ka Bel était venu au Canada il y a à peine un mois, pour promouvoir la campagne contre les disparitions et les assassinats politiques aux Philippines. Membre du Congrès philippin, où il avait été réélu l'an dernier sur la liste du parti Anakpawis (un mot qui signifie «masses travailleuses»), Ka Bel suscitait à la fois la crainte et le respect de la part des membres de la clique dirigeante au pouvoir dans ce pays. Cette crainte était certes à la hauteur de son dévouement envers les masses populaires et de son attachement à la lutte pour la libération nationale et sociale aux Philippines.

Élu au Congrès pour la première fois en août 2001, Crispin Beltran a été nommé «parlementaire de l'année» par ses pairs pendant quatre ans consécutifs. Le 25 février 2006, alors qu'il était déjà âgé de 73 ans et qu'il était toujours membre du Congrès, Ka Bel avait été arrêté par le régime pantin dirigé par l'alliée numéro un de George W. Bush qu'est Gloria Macapagal-Arroyo. Détenu pendant plus de 15 mois sous une accusation frivole de «rébellion», sa santé s'était alors détériorée, au point où on avait dû l'hospitaliser. Précisons ici que les autorités l'ont transféré dans un hôpital privé où il resta sous la surveillance de ses geôliers 24 heures sur 24. Puisqu'il s'agissait d'un hôpital privé, Crispin Beltran a dû lui-même payer ses frais d'hospitalisation: c'est dire qu'il a payé de sa poche pour son propre emprisonnement! Ka Bel avait finalement été libéré le 1er juin 2007, après avoir été innocenté (le tribunal avait alors précisé que rien, dans le dossier d'accusation, ne justifiait son arrestation, qui ne pouvait s'expliquer que par des motifs politiques). À noter que même s'il était emprisonné pendant la campagne électorale, cela ne l'a pas empêché d'être réélu au Congrès philippin pour un troisième mandat.

Ceux et celles qui ont eu la chance de le rencontrer lors de sa récente visite au Canada peuvent témoigner du fait que malgré une santé plus chancelante qu'auparavant et l'impact visible de sa détention, sa détermination et sa fougue étaient demeurées intactes. Les circonstances de l'accident qui a causé son décès apparaissent d'autant plus tragiques qu'il était visiblement en mesure de donner encore beaucoup au mouvement auquel il fut associé pendant plus de 50 ans; elles témoignent en même temps du genre d'homme qu'il était.

Mardi dernier en matinée, Crispin Beltran est monté sur le toit de son humble résidence dans la province de Bulacan où il vivait, pour effectuer quelques travaux rendus nécessaires à l'approche de la saison des pluies. Il tenait à faire ces travaux tout de suite avant de se rendre au Congrès, où il devait présenter un projet de loi visant à abolir la taxe sur le pétrole et l'électricité, afin d'alléger le fardeau des masses appauvries. Ayant vraisemblablement subi un malaise, Ka Bel a effectué une vilaine chute qui lui a causé d'importantes blessures à la tête. Transporté à l'hôpital, il est décédé quelques heures plus tard, après avoir subi au moins cinq arrêts cardiaques.

La nouvelle de son décès s'est répandue comme une traînée de poudre, et les éloges n'ont depuis cessé de se multiplier. Le président du Sénat, Manuel Villar Jr, a salué Crispin Beltran en soulignant qu'il incarnait «la notion même de service public». Le président de la Chambre a déclaré que les masses populaires venaient de perdre leur voix au Congrès. Un autre membre du Sénat, Alan Peter Cayetano, a tenu à exprimer son admiration «non seulement pour les principes que Beltran défendait, mais aussi pour son style de vie modeste». Les nombreuses organisations populaires dans lesquelles Ka Bel s'est impliqué ou avec lesquelles il a collaboré ont elles aussi réagi avec émotion et consternation.

C'est que toute la vie de Ka Bel témoigne d'un engagement profond et indéfectible au service de la classe ouvrière et des oppriméEs. Jeune adolescent, il s'est engagé comme messager auprès de la résistance contre l'occupation japonaise. À l'âge de 20 ans, il a participé à sa première grève, alors qu'il était chauffeur de taxi. Beltran devait par la suite fonder l'Association des chauffeurs de taxi (et assimilés), qu'il dirigea pendant huit ans. Il participa ensuite à la mise sur pied de la Confédération du travail des Philippines, dont il fut le vice-président de 1963 à 1972.

À l'époque de la loi martiale, il initia la mise sur pied de ce qui allait devenir la principale centrale syndicale des Philippines, le Mouvement du 1er mai (KMU). Il fut arrêté en 1982, quand le dictateur Marcos lança son offensive pour écraser l'opposition. Deux ans plus tard, Ka Bel réussit à s'évader. Il s'est alors «réfugié» à la campagne, où il s'est consacré à l'organisation des paysanNEs et des travailleurs agricoles. Lorsque le président du KMU, Rolando «Ka Lando» Olalia fut assassiné en 1987, Ka Bel a courageusement pris sa relève. Il devait ensuite présider l'alliance multi-sectorielle BAYAN. Fidèle internationaliste, Ka Bel s'est également impliqué dans la mise sur pied de la Ligue internationale des luttes des peuples (ILPS), dont il fut le premier président. Dans toutes les tâches -- petites et grandes -- auxquelles il s'est consacré, il a toujours eu à cœur les intérêts du peuple, et il a toujours gardé le cap sur l'objectif du socialisme, qu'il chérissait au plus haut point.

Nous avons eu, quant à nous, la chance de le côtoyer à quelques reprises. En 1994, une camarade du groupe Action socialiste avait eu l'occasion de le rencontrer lors d'un bref séjour aux Philippines -- un séjour bref, mais marquant. Quelques années plus tard, nous l'avions rencontré de nouveau et avions eu l'occasion de l'interviewer alors qu'il était venu au Canada (Ka Bel avait alors fait une forte impression sur les travailleurs de la Bridgestone/Firestone à Joliette, qu'il était allé rencontrer). Quelques camarades ont de nouveau eu la chance de le voir et de l'entendre il y a quelques semaines, à l'occasion de ce qui aura été son dernier séjour au Canada.

La mort de Ka Bel a ébranlé la communauté philippine au Canada. Des événements commémoratifs ont eu lieu, notamment à Vancouver et Toronto. À Montréal, une cinquantaine de membres et amiEs de la communauté lui ont rendu hommage, lors d'un événement organisé par le Centre d'appui aux Philippines et le groupe de femmes PINAY. Plusieurs CanadienNEs «de souche» et des ressortissantEs philippinEs en ont profité pour livrer d'émouvants témoignages à propos de Ka Bel. La plupart ont souligné son humilité, son dévouement, sa détermination et le grand sens de l'humour qui le caractérisait. Des représentants du Parti communiste révolutionnaire se sont joints à elles et eux pour exprimer leur solidarité avec le peuple philippin, les amiEs, la famille et les proches du camarade Beltran, dont nous sommes fiers de pouvoir dire qu'il était aussi notre camarade.

Ka Bel laisse dans le deuil sa conjointe, Ka Osang, ses 11 enfants, 29 petits-enfants, 5 arrière-petits-enfants et d'innombrables camarades et amiEs. Ses funérailles auront lieu ce mercredi 28 mai et seront suivies d'une grande marche populaire. À cette occasion, le Comité central du Parti communiste des Philippines appelle l'ensemble des membres du parti et les combattantEs de la Nouvelle armée populaire à lever le poing ou leurs armes et à observer une minute de silence sur le coup de midi. Comme l'a souligné l'actuel président de l'ILPS, Jose Maria Sison, la mort de Ka Bel est immensément triste, mais sa vie demeurera une source d'inspiration intarissable pour tous les partisans et toutes les partisanes de la cause du peuple et de la révolution.

Nous devrions nous aussi lever le poing, ce mercredi, pour affirmer notre engagement à suivre l'exemple de Ka Bel!

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Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 180, le 25 mai 2008.
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