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Le "waterboarding": une forme de torture aussi barbare que les États qui la pratiquent

Eric Smith, Lundi, Février 4, 2008 - 11:30

Le Drapeau rouge-express

Le fait même qu'on assiste depuis quelques semaines à un débat public sur l'utilisation, voire les «mérites» du «waterboarding» (ou «simulation de noyade») par le gouvernement des États-unis -- alors qu'il n'y a aucun doute qu'il s'agit là d'une pratique purement criminelle -- en dit long sur la capacité de la classe dominante d'embrouiller les choses et d'inverser le vrai et le faux.

Le 9 novembre dernier, le Sénat américain ratifiait la décision de George W. Bush de nommer Michael Mukasey comme ministre de la Justice, malgré le fait que ce dernier ait refusé de qualifier cette pratique d'illégale, et même d'admettre qu'il s'agit d'une forme de torture. Un mois plus tard, le directeur de la CIA, Michael Hayden, reconnaissait publiquement que ses services avaient détruit plusieurs bandes vidéo enregistrées en 2002, sur lesquelles on pouvait voir des enquêteurs utiliser cette méthode toute particulière. Depuis lors, les médias états-uniens discutent de l'affaire comme s'il y avait matière à discussion, et les responsables politiques se renvoient la balle, justifiant tant bien que mal l'utilisation de cette «technique».

Depuis plus d'un siècle, la simulation de noyade est considérée comme illégale au regard du droit international. Cela n'a toutefois jamais empêché les gouvernements de l'utiliser, plus ou moins couramment, selon le besoin. De quoi s'agit-il exactement?

La victime est habituellement ligotée sur une planche légèrement inclinée, de façon à ce que sa tête se trouve un peu plus bas que le reste de son corps. Les tortionnaires recouvrent ensuite son visage d'une serviette sur laquelle ils versent de larges quantités d'eau, de façon à emplir les poumons de la victime et de la faire suffoquer. Cette dernière, qui ne voit rien, est alors certaine qu'on est en train de la noyer.

Un ex-instructeur des «marines», Malcolm Nance, qui a enseigné la technique à des centaines de militaires, raconte quel est son effet: «Jusqu'à quel point la victime sera "noyée" dépendra du résultat qu'on souhaite obtenir [...] et de son degré de résistance. Le médecin doit superviser la quantité d'eau que la victime sera appelée à ingurgiter et surveiller les effets physiologiques que la simulation de noyade produira sur le suspect: ces effets passeront par d'abord la douleur psychologique, ensuite par un sentiment horrible de suffocation, et ils pourront aller jusqu'à la mort. Pour ceux qui n'y sont pas habitués, le seul fait d'en être témoin peut s'avérer insupportable... Lorsqu'on la pratique correctement, la simulation de noyade équivaut en fait à une mort contrôlée.» («Waterboarding is Torture... Period», Small Wars Journal, le 31 octobre 2007. En ligne: http://smallwarsjournal.com/blog/2007/10/waterboarding-is-torture-perio/).

Le gouvernement français, pour un, a eu recours à cette pratique d'une façon systématique à l'époque de la guerre d'Algérie. Un militant du Parti communiste français, Henri Alleg, qui éditait alors le journal Alger républicain (interdit par les autorités), en fut victime en 1957. Il a raconté son expérience dans un livre choc, La question, qu'il a écrit alors qu'il était toujours emprisonné, et dont la préface fut d'ailleurs signée par Jean-Paul Sartre. Ce livre fut immédiatement interdit de publication par le gouvernement français, mais un éditeur suisse (La Cité) l'a quand même publié.

Nu, ligoté sur la planche où on avait commencé à lui infliger des chocs électriques, Henri Alleg fut amené en dessous du robinet; ses tortionnaires lui ont simplement dit de bouger les doigts dès qu'il serait prêt à «coopérer»: «Le chiffon s'imbibait rapidement. L'eau coulait partout: dans ma bouche, dans mon nez, sur tout mon visage. Mais pendant un temps je pus encore aspirer quelques petites gorgées d'air. J'essayais, en contractant le gosier, d'absorber le moins possible d'eau et de résister à l'asphyxie en retenant le plus longtemps que je pouvais l'air dans mes poumons. Mais je ne pus tenir plus de quelques instants. J'avais l'impression de me noyer et une angoisse terrible, celle de la mort elle-même, m'étreignit. Malgré moi, tous les muscles de mon corps se bandaient inutilement pour m'arracher à l'étouffement. Malgré moi, les doigts de mes deux mains s'agitèrent follement. 'Ça y est! Il va parler' dit une voix.

«L'eau s'arrêta de couler, on m'enleva le chiffon. Je respirai. Dans l'ombre, je voyais les lieutenants et le capitaine, cigarette aux lèvres, frapper à tour de bras sur mon ventre pour me faire rejeter l'eau absorbée. Grisé par l'air que je respirais, je sentais à peine les coups. 'Alors?' Je restai silencieux. 'Il s'est foutu de nous! Remettez-lui la tête dessous!'»

C'est cette «technique», parfaitement barbare et contraire à toute trace d'humanité, que pratiquent aujourd'hui la CIA et l'administration américaine, dans le cadre de leur «guerre contre la terreur» (sic). À la mi-janvier, le directeur du renseignement américain, Mike McConnell, admettait qu'il s'agit d'une forme de torture, tout en affirmant solennellement qu'elle n'était «pas employée par les États-Unis» (AFP, le 14 janvier 2008). Ce menteur a été contredit pas plus tard que lundi dernier par son prédécesseur et actuel numéro deux de la diplomatie américaine, John Negroponte, qui a admis que les États-Unis avaient employé la simulation de noyade parmi leurs «techniques d'interrogatoire poussées», selon ses propres dires (AFP, le 28 janvier 2008).

Pendant ce temps à Ottawa, la potiche abrutie qui tient lieu de «ministre des Affaires étrangères du Canada», Maxime Bernier, s'est confondue en excuses auprès de l'ambassadeur américain à Ottawa à la mi-janvier, parce que des fonctionnaires ont osé inclure, dans un document destiné aux diplomates canadiens, le nom des États-Unis dans la liste des pays qui pratiquent la torture. Il va sans dire que l'ambassadeur des États-Unis, David Wilkins, s'est dit «pleinement satisfait» de la réaction du sous-fifre.

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Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 169, le 3 février 2007.
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