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Strasbourg – Ouagadougou, Le Burkina Faso et l’Afrique de l’Ouest de près et de loin

Anonyme, Mercredi, Janvier 17, 2007 - 11:36

yves remmords

Samedi 13 janvier, au Bargersee, à Strasbourg, l’association Sinigna Sigui, qui signifie littéralement « prévoir l’avenir de demain » présentait sa bonne humeur, ses couleurs et ses projets, affichant avec une indomptable gaîté sa volonté de parvenir à ses fins. Les ambitions de la toute jeune association, en désirant semer les graines d’un monde meilleur, dépasse le cadre humanitaire pour devenir l’acte réfléchit et altruiste du partage éclairé.

Y. Remmords

Un projet

L’association à pour objectif de créer un centre d’accueil pour les enfants âgés de 6 à 12 ans dont les principaux objectifs sont,
- Assurer la santé (alimentation, collaboration avec les instances médicales)
- Assurer la promotion de la culture africaine (artisanat, musique et danses traditionnelles)
- Assurer un relais éducatif avec soutien scolaire et sensibilisation aux enjeux régionaux et écologiques.

Une journée

Dans le but de financer et de faire connaître ses projets, Sinigna Sigui, crée en juin 2006, est une association débordante d’imagination et qui plus est, qui se veut irréprochable. Dès l’entrée, les choses sont claires. Sur tout un mur, d’excellentes affiches décrivent (entre autres !) les personnes impliquées, leurs motivations et le niveau auquel elles interviennent, mais aussi les détails du projet, les finances à travers un budget et des estimations prévisionnelles, ainsi qu’un planning des échéances fixées. Bref, un premier sentiment se dégage, la convivialité dans la transparence.

Débordante d’imagination et d’énergie, en effet, cette (deuxième) manifestation n’était pas sans intérêts ! Sur la journée se sont succédées séances de différents types de danses africaines, séances de percussions (où chacun était invité à participé à l’oeuvre commune), défilé de mode (mais oui !) où l’on put admirer les élégantes créations de Geneviève, et exposition et vente d’artisanat locaux. Les papilles ne furent pas en manque d’exotisme grâce au « mafé », repas traditionnel à base de riz, de boeuf, de choux, de carottes, et accompagné d’une sauce à base d’arachide. Le tout arrosé de boissons au gingembre ou d’infusions de feuilles d’hibiscus.

La soirée animée par des percussionnistes de renom (Laas Kon'e , Amadou Dram'e, Solo et Agno du groupe SOKAN) et par des danseuses fut une réussite incontestable. Des démonstrations de danse orientales d’influence berbère et égyptienne furent même présentées. L’intense pression du rythme envoûtant et obsédant des percussions était tel un flot tumultueux auquel résister était s’exposer à une oppression, un malaise. Seul l’abandon fut envisageable et source d’une joie intense. Pour ma première expérience de soirée percussion, j’appris vite qu’il est vain de lutter contre le courant d’un torrent indomptable, et tout à fait jubilatoire de s’y laisser fondre dans un absolu démentiel. C’est le genre de sensation à laquelle on ne survit qu’en y succombant, qu’en oubliant sa propre identité et en faisant sienne cette soif inextinguible d’émerger à la lumière d’un au-delà édenien. Je comprends mieux aujourd’hui les transes, états où l’on atteint cet hors de soi, uni à cette entité unique constitué de l’ensemble des personnes présentes, sorte de communion allègre dans un même désir de jouir du sourire de l’autre. Les danseuses, mieux qu’aucun discours en étaient la savoureuse manifestation.

Oui, ce fut indubitablement une journée réussie.

Savoir, Comprendre, Intégrer

Dans le film « Shooting Dogs » (1), une reporter photographe internationale venue sur les lieux couvrir « l’événement » du génocide rwandais avait la réplique suivante, que je cite de mémoire, « Le plus terrible c’est que j’ai l’impression d’être insensible. Non pas parce que j’ai couvert des dizaines de massacres de part le monde, mais parce qu’ils sont noirs ».

Le philosophe Michel Serres fait, judicieusement, la différence entre le savoir, le comprendre et l’intégrer. Savoir que nous sommes tous des êtres humains à part entière, n’est pas la même chose que de le comprendre, et encore moins de l’intégrer. Je gage que si nous savons tous (ou presque) que nous sommes égaux et digne dans notre condition d’être humain, nous sommes moins à le comprendre et moins encore à l’intégrer.

Si aujourd’hui l’occident semble regarder d’un air suspicieux, à tord ou à raison, ce qui lui est étranger c’est avant tout dû à un manque de communication et un excédent d’ignorance (de part et d’autre, certes). Les victimes de cet état de fait alimentent une amertume face à un système promettant rétribution contre labeur mais où la rétribution est encore beaucoup trop souvent lié à d’autres contingences que la performance (2).

Banaliser la relation à l’autre, faire du partenariat une évidence, est l’une des plus importante mission qu’opère indirectement ce genre d’association. Seuls les idéaux éclairés sont porteurs d’une force apte à s’opposer à celles de l’individualisme aveugle, de la bête méchanceté, ou même de la bonne volonté déplacée. Ce sont ces idéaux humanistes qui furent véhiculés ce jour là.

L’Afrique de l’Ouest, enjeux et perspectives

L’Afrique est en pleine mutation, plus que tout autre partie du monde. Si la démographie n’est pas maîtrisée, en 2050, la population africaine aura dépassé celle de l’Inde et de la Chine réunies avec 3 milliards d’individus, dans le cas contraire elle se stabiliserait aux alentour de 1,9 milliards d’habitants (3). Le réchauffement climatique global devrait toucher de plein fouet la région sahélienne avec des baisses de productivité estimées à 20% (4).

La CEDEAO (5) sponsorisé par l’Union Européenne (FMI) et les Etats Unis (Banque Mondiale) vise à créer une zone de libre échange d’Afrique de l’Ouest. Malgré de nombreux voeux pieux (6) il est à craindre, une dérégulation du marché avec levée des taxes douanières et l’afflux massif de biens extérieur. En d’autre mots, une mise en concurrence directe des productions locales et des grands groupes internationaux. On voit poindre du déséquilibre, par exemple les subventions agricoles américaines sont 3 fois supérieures au total de l’aide publique apporté au continent noire. Cela implique une précarisation extrême de l’agriculture sahélienne, qui emploi 85% de la population au Burkina Faso, notamment dans la culture du coton (7). Les ravages d’une telle politique a déjà fait leur preuve en Amérique latine (8), certes en enrichissant les pays riches. Peut être sera-t-elle mieux menée ici, on l’espère, mais on a le droit d’en douter.

En outre, une zone de libre circulation des biens et des personnes, c’est aussi une dispersion des conflits qui sont nombreux dans la région. J’étais au Bénin courant décembre (petit pays tranquille et démocratique), j’ai été le témoin de barrages militaires, visant à prévenir le banditisme de grand chemin venu, entre autre, du Nigeria (quelques braquages de banques et de particuliers).

J’ai aussi été très impressionné par la pauvreté matérielle certes, mais aussi intellectuelle. Par exemple, mardi 26 décembre, un pipeline fut éventré par des contrebandiers. Leur besogne achevée, la population accourue pour profiter de l’occasion. Les gens vinrent pomper l’essence qui s’échappait en s’éclairant de lampes tempête… 269 morts furent recensés, les blessés se cachèrent par peur des représailles (9). De même, qui dit précarité, dit aussi superstition et abus de pouvoir (10). La zone foisonne de sectes en tout genre qui réalise des gains fabuleux. Je fus le témoin du rassemblement des chrétiens célestes, une secte fondée au milieu du XXème siècle au Bénin et qui rassembla plusieurs millions de fidèles fin décembre (11). Les politiques sont toujours à l’affût de popularité, c’est ainsi que le président béninois, par sa visite leur donna même une légitimité regrettable.

Bien sûr, le Burkina Faso est encore relativement bien éloigné de tout ce tumulte, plutôt localisé dans les pays qui longent le Golfe de Guinée, avec lesquels il entretient néanmoins des liens étroits. Malgré quelques faux pas, Le Burkina Faso est un pays paisible qui porte bien son nom (le pays des hommes intègres). L’un des indices les plus probant ne trompe pas ; nombre de ses voisins doivent lui envier la liberté de parole que l’ont y trouve (12). Le Burkina Faso est aussi un pays qui lutte activement contre l’excision, encore présente, des femmes (13). Quoi qu’il en soit, ô combien tout projet qui a pour ambition l’éducation et la promotion de la culture locale est-il précieux pour un développement à long terme !

Ma conclusion

La mondialisation se joue à toutes les échelles, continentales, étatiques, associatives, personnelles. Alors que l’Afrique se couvre d’antennes satellite, laisser les lois du marché imposer leur vision de la réussite au détriment des valeurs qui caractérise toute civilisation, est faire acte d’une passivité pour le moins répugnante. La présidente de l’association, burkinabaise connais bien les besoins de son pays et c’est ce qui rend son projet solide. Apporter une contribution, à cet esprit contre-courant d’une solidarité inter-culturelle, inter-nationale, inter-humaine est emprunt de sagesse tant pour ce qu’elle apporte ici que là bas. Car finalement, ce qui est important c’est de se dire que ce qui est bon pour moi, est bon pour toi, qu’un épanouissement unilatéral est un épanouissement imparfait, et que le bonheur a horreur de ce genre d’imperfection. Tout cela peut paraître galvaudé, mais on ne le dira pourtant jamais assez.

Ma dernière pensée vont aux hommes et femmes de l’ombre qui ne furent pas applaudis mais sur qui beaucoup de choses reposait, y compris la vaisselle, la cuisine, et le nettoyage des locaux une fois la fête terminée. Merci à eux.

Les mots de la fin, bravo, merci et encore !

(1) Shooting Dogs - Michael Caton-Jones. Le meilleur film, à mon sens, qui fut réalisé sur le génocide Rwandais

(2) Voir à ce propos le considérable documentaire « Le plafond de verre, les défricheurs » de Yamina Benquiqui, qui traite, de la manière la plus impartiale, des échecs et des succès de l’intégration des générations diplômés dont les parents ou grands parents sont issus de l’immigration.

(3) Le Monde – 28 mars 2006

(4) Trop Chaud - Courier International, hors série. Décembre 2006.

(5) Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Dont les membres sont le Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Cote d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Léone, Togo.

(6) « En cas de déséquilibre du commerce au détriment d’un état membre résultant d’une réduction ou suppression abusives des droits et taxes opérées par un autre Etat membre, le conseil se saisit de la question et l’examine en vue d’une solution équitable » Article 39, paragraphe 3 du traité révisé de la CEDEAO

(7) Le monde diplomatique – décembre 2005

(8) Quand le capitalisme perd la tête – Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie.

(9) Le Monde – 26 décembre 2006

(10) Allah n’est pas obligé – Amadou Kourouma

(11) Site web des chrétiens célestes ; http://perso.ecc-fr.mageos.com/

(12) Burkina Faso - reporters sans frontière - Rapport annuel 2006

(13) Le Monde diplomatique – août 2006

yves remmords


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