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Québec: Une démocratie bâillonnée

Michael Lessard..., Samedi, Décembre 16, 2006 - 15:53

par le Réseau de Vigilance, 15 déc. 2006.

Au Québec, le mois de décembre n’est plus seulement la période de réjouissance du temps des Fêtes : c’est devenu, hélas, le mois du musellement de la démocratie parlementaire. Pour la quatrième fois en effet, depuis son arrivée au pouvoir, le premier ministre Charest vient d’imposer le bâillon pour mettre fin abruptement aux débats entourant l’adoption de projets de loi controversés.

  • Le musellement de la démocratie parlementaire

  • Un discrédit de l’opposition citoyenne
  • Une remise en cause de la liberté d’association et de négociation
  • À quand une véritable réforme du mode de scrutin?
  • Pour le renouvellement de la démocratie

Cette façon de gouverner s’impose de plus en plus comme la marque de commerce du gouvernement : l’équipe libérale/conservatrice de M. Charest avait d’ailleurs pris le pouvoir en annonçant la fin des consultations-concertations-sommets-débats publics, tous qualifiés de tergiversations inutiles et coûteuses : le temps était à l’action…ils étaient «prêts» ! Nous pensons que le temps est plutôt au déficit démocratique.

Si le gouvernement précédent nous avait habitués au « cause toujours » avec sa pratique des sommets pour concocter ses fameux « consensus québécois », le gouvernement actuel pratique plutôt la politique du « on se tait ! ». Pas étonnant donc que, sur le plan démocratique, ce gouvernement nous ait fait vivre des reculs, tant par son action que par son inaction.


Le musellement de la démocratie parlementaire

Le gouvernement Charest a refaçonné la société québécoise en faisant adopter, par recours autoritaire et non justifié à l’arme du bâillon, plus de vingt projets de loi aussi importants que controversés. En décembre 2003, nous nous sommes fait imposer les lois qui ont profondément ébranlé certains des acquis démocratiques et sociaux majeurs de notre collectivité : modification du Code du travail, restructuration du système de santé, augmentation des tarifs de services de garde, etc. Puis, ce sont les syndicats qui ont été muselés avec une rare brutalité. Maintenant, des projets de lois aussi importants pour l’avenir des citoyenNEs que la forêt, la stratégie énergétique, l’introduction accrue du privé en santé et les heures d’ouverture des commerces sont adoptés avec l’approche «terminator».

Cette manie du bâillon, que le gouvernement précédent ne s’était pas non plus gêné d’utiliser, discrédite le débat parlementaire dans un contexte où la majorité gouvernementale est plus que confortable. Elle témoigne d’une désinvolture par rapport à l’ensemble des procédures démocratiques. Or, nos institutions démocratiques sont le produit de nombreux combats pour l’inclusion politique et le développement des droits entre autre à la libre expression. Même si nous estimons que ces institutions comportent encore beaucoup d’imperfections, ce n’est pas une raison pour les traiter de manière si cavalière.

Un discrédit de l’opposition citoyenne

Le débat contradictoire sur les politiques est un élément essentiel du processus démocratique, tant au Parlement que dans la population en général. Cette mise en débat des politiques proposées soutient l’intérêt pour la politique et contribue à la politisation des citoyenNEs. Or le gouvernement actuel semble être allergique au débat public. Dès son arrivée au pouvoir, Jean Charest tentait de discréditer les syndicats en les présentant comme des groupes d’intérêt particularistes, alors que l’Institut économique de Montréal, think tank néo-libéral, captait l’écoute attentive du gouvernement et ne se méritait pas une telle étiquette.

Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre la modification du Code du travail pour faciliter la sous-traitance, contre les hausses de tarifs dans les Centres de la petite enfance, contre la centrale thermique du Suroît, contre la vente à des intérêts privés du Mont Orford, contre la transformation des bourses en prêts pour les étudiants, pour le maintien de l’action communautaire autonome, contre la demi-indexation pour les personnes assistées sociales sans contraintes sévère à l’emploi et pour le respect des recommandations du comité de l’ONU chargé de veiller à l’application du Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, dont le Québec est signataire. Tous des représentants d’intérêts mesquins alors que le gouvernement représente l’intérêt général ?

Encore aujourd’hui, le gouvernement tarde beaucoup trop à agir pour contrer les SLAPP (Strategic lawsuit against public participation) alors qu’elles visent à museler les groupes critiques en faisant peser sur eux la menace de lourdes amendes. Pourtant les groupes de citoyenNEs jouent un rôle capital dans notre système démocratique en attirant l’attention de la population sur les impacts des politiques publiques et en favorisant une vigilance citoyenne vis-à-vis de l’action gouvernementale. Un gouvernement qui se traîne les pieds dans ces circonstances, se fait le complice de la censure dans le débat public.

Une remise en cause de la liberté d’association et de négociation

La liberté d’association est un droit fondamental, reconnu, entre autres, par la Déclaration universelle des droits de l’Homme (art. 20) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 22). Pourtant, ce gouvernement s’est cru autorisé à forcer des regroupements syndicaux dans le système de santé et à interdire la syndicalisation des personnes (majoritairement des femmes) offrant des services de garde en milieu familial et dans des ressources intermédiaires et de type familial pour des personnes en perte d’autonomie. Le Bureau international du travail a d’ailleurs sévèrement condamné ce geste qui constitue (…) dans les faits une annulation par voie législative d’accréditations existantes, ce qui est contraire aux principes de liberté syndicale.

Ce gouvernement a déclaré une guerre ouverte aux syndicats en particulier. Il a tout mis en œuvre pour les diaboliser dans l’opinion publique et les a littéralement matraqués avec la loi imposant unilatéralement les conditions de travail dans le secteur public, adoptée sous le bâillon en décembre 2005. Cette loi entérine le retrait du droit à la liberté de négociation dans le secteur public. Non seulement les syndiquéEs se voient interdire toute possibilité de grève jusqu’en 2010, mais la portée de la loi est encore plus grande puisque « toute personne » qui perturbe le fonctionnement d’un établissement public (hôpital, école, CEGEP, université) est passible de poursuites judiciaires et d’amendes plutôt salées.

À quand une véritable réforme du mode de scrutin?

Notre mode de scrutin contribue à des distorsions importantes entre la volonté populaire et la représentation parlementaire, d’où un affaiblissement de la démocratie représentative. Dans son discours inaugural, Jean Charest promettait de le réformer. Trois ans et demie plus tard, plutôt que de déposer un véritable projet de loi, le gouvernement en réfère au Directeur général des élections du Québec. L’impartialité de ce dernier pourrait bien contribuer à retirer la «partisannerie» du dossier. Mais il n’en demeure pas moins que nous sommes encore très loin de la sortie du mode de scrutin actuel, jadis qualifié de « démocratiquement infect » par René Lévesque.

Pour le renouvellement de la démocratie

En ce mois de décembre 2006, nous dénonçons la pratique du bâillon et exigeons à tout le moins que le gouvernement remette en place les règles minimales qui avaient été édictées, avec l’accord unanime des partis, en 2001, et qui en encadraient et limitaient l’utilisation. Le gouvernement Charest a fait sauter ces règles et abuse impunément du bâillon, une façon de gouverner qui affaiblit la démocratie parlementaire et accentue le désabusement de la population envers la politique.

De toute évidence, nous entrons en mode électoral, une période propice aux bilans. Nous invitons nos concitoyenNEs à prendre la mesure du déficit démocratique imposé par ce gouvernement et à proposer aux futures candidatEs des engagements fermes pour des propositions alternatives susceptibles de renouveler la démocratie parlementaire, développer la démocratie participative et stimuler la démocratie délibérative. La démocratie est en effet un bien public précieux qu’il importe de ne pas laisser dans les seules mains des politicienNEs.

Diane Lamoureux, Lorraine Guay, Érik Bouliane, Lucie Mercier

Pour le Réseau de Vigilance
Coalition syndicale et populaire



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