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Sommes-nous faibles face aux médias? 2e partie

Anonyme, Samedi, Juillet 8, 2006 - 03:45

RUBY BIRD

Par RUBY BIRD - Journaliste

------------ PSYCHOLOGIE SOCIALE DES MEDIAS
Quelques courts extraits tirés du de l’étude faite « Justice, équité, démocratie : le rôle de la presse dans les décisions judiciaires. Un point de vue psychosocial » - A lire impérativement.
Par Karine Manchec, Alain Somat et Benoît Testé (Presse Universitaires de Rennes –PUR)

« L’interrogation provient de l’intensification de la couverture médiatique des faits judiciaires. Que motive une telle couverture ? Quels sont les objectifs ? Et surtout : quelle est son influence sur le déroulement du processus judiciaire ?….nous pouvons avoir fréquemment le sentiment qu’un parti pris non assumé existe dans la couverture des médias et que nous avons de bonnes raisons de penser que ce parti pris n’est pas sans influence sur le cours de la justice…. »

« En comparaison de la presse ou des médias, la justice se doit de rechercher la vérité et pour ce faire, le juge analyse les faits au regard du droit. Dans son rôle, il respecte des règles pour préserver les droits des personnes mises en cause ou des victimes et surtout travaille dans le cadre d’un secret au service d’un principe majeur : la présomption d’innocence. Alors que dire de la presse lorsqu’elle se met en devoir d’aider la justice et rentre dans ce rôle inquisiteur qui est parfois le sien en prenant la responsabilité de diffuser une photo pour un appel à témoin ? Y a-t-il information ou acte de police ? »

« Il y a là un débat qui, bien au-delà de la liberté de la presse que personne ne discute, pose le problème de l’influence des médias que certains dénoncent comme ce quatrième pouvoir au service de nos démocraties modernes….La presse devra donc critiquer, dénoncer les abus, éclairer les décisions et se faire l’écho, par son pluralisme, des différents groupes sociaux….Mais on le sait la presse a ses dérives et ses logiques commerciales qui de temps à autre peuvent la conduire à ne plus respecter les principes déontologiques de base qui régissent son activité. »

« …..il nous semble néanmoins important de souligner que ces devoirs sont au service du respect de la vérité, de la liberté de l’information, du commentaire, de la critique et de la vie privée des personnes par le recours à des méthodes loyales comme la vérification des sources et le secret professionnel tout en refusant toute pression hormis celle de sa rédaction. Rien, dans ces droits et ces devoirs, n’interroge la difficile question du pouvoir d’influence du journaliste sur son lecteur. »

« ……les principales infractions du journaliste tiennent dans sa fonction de description. Il doit par conséquent respecter quelques règles qui lui interdisent de dire ce qui est faux, de provoquer inutilement et de diffuser des informations susceptibles de porter atteinte aux mineurs, aux victimes et à la vie privée des personnes. Il ne doit pas non plus porter le discrédit sur une décision de justice….Tout se passe comme si les pouvoirs publics considéraient que le lecteur adulte dispose d’un bagage suffisant pour, en toute circonstance, se protéger et conserver son jugement critique et sa répartie lui permettant de tirer le bon grain de l’ivraie du propos journalistique. »

« De fait, aux Etats-Unis la situation est quelque peu différente et puisque la question de l’influence des médias sur les décisions judiciaires est, depuis longtemps, prise en considération. Au cours des années 60, la Cour Suprême des Etats-Unis a annulé plusieurs condamnations considérant que la couverture médiatique avant le procès avait gravement compromis la possibilité de procès équitable. C’est à la suite de ces cas que l’Association du Bureau Américain (ABA) a dressé une liste de 6 grandes catégories d’informations dont la parution avant ou pendant un procès est excessivement préjudiciable à l’accusé. Ces catégories d’infos sont : le casier ou les antécédents judiciaires de l’accusé ; le caractère ou la réputation de l’accusé ; l’existence d’aveux ou toute déposition faite par l’accusé (ou le refus de faire une déposition) ; la performance à des examens ou tests (ou le refus de se soumettre à un examen ou test) ; la possibilité d’une négociation avec le procureur pour réduire la gravité des charges ; toute opinion concernant la culpabilité ou l’innocence de l’accusé ou concernant la recevabilité des témoignages. »

« Les trois violations les plus fréquentes étaient : des déclarations sur le caractère, la culpabilité ou l’innocence de l’accusé (35% des affaires) ; des opinions sur les preuves (25% des affaires) ; des déclarations sur la crédibilité ou la déposition de témoins possibles (24% des affaires). »

« Cette dérive dont sont l’objet les journalistes lorsqu’ils commentent une affaire a conduit les pouvoirs publics américains à prendre des décisions parfois drastiques allant jusqu’au déplacement géographique des procès trop entachés par une couverture médiatique insuffisamment respectueuse de la présomption d’innocence..… »

« On donne au journaliste la mission de porter un jugement, son propos n’est plus de nous dire ce qui s’est passé mais est à l’évaluation d’une situation et par conséquent au jugement de celui qui l’a produite. Or, ce jugement est souvent teinté de biais et d’erreurs qui lui donnent cet aspect du propos de sens commun coloré de psychologie. En donnant son opinion, le journaliste –surtout s’il omet de nous informer qu’il s’agit de son opinion…..et que celle-ci n’est pas nécessairement fondée et partagée, construit une théorie des faits à l’aide de laquelle il va posséder son lecteur au point de lui construire son propre jugement par l’influence qu’il aura sur son opinion. De fait, cette théorie des faits livrera aux lecteurs des éléments (des raisons ?) susceptibles d’apporter à la compréhension voire l’explication de l’acte du criminel qui, de suspect, va devenir coupable et qui, par cette théorie, deviendra responsable et par conséquent « justement punissable ». Cette théorie des faits par recours à l’information évaluative plus que descriptive conduira le commentaire et la critique à recourir à quelques raccourcis argumentatifs que les psychologues sociaux appellent des stéréotypes ou des processus de psychologisation…. »

« …..la psychologisation traduit le fait que lorsque nous cherchons à expliquer des évènements, nous avons tendance à penser que les « qualités intrinsèques » des individus, et en d’autres termes leur personnalité, explique en grande partie les comportements observés ; la biologisation qui nous conduit à recourir à des appartenances de groupes…. pour expliquer les comportements des gens ; la sociologisation qui nous conduit à faire référence à certaines activités sociales notamment les professions, pour expliquer les comportements d’autrui. »

« Lorsque nous jugeons, c’est-à-dire lorsque nous tentons d’expliquer les comportements, nous disposons de deux types d’infos : celles qui relèvent de la situation et celles qui sont, à priori, imputables à l’acteur. En somme, expliquer consiste à attribuer la cause de l’événement observé soit à la situation (explication causale situationnelle) soit aux dispositions de l’acteur (explication causale dispositionnelle). »

« Il s’avère que l’observateur manifeste cette étonnante tendance à favoriser les explications causales dispositionnelles et à négliger les explications causales situationnelles. C’est le processus de psychologisation qui traduit le fait de placer l’individu comme étant la source majoritairement responsable du comportement émis. »

« Dans la presse écrite, il n’est pas rare de pouvoir lire des infos sur les victimes et / ou sur leur famille qui amèneront le lecteur à nourrir une sorte de lien empathique. L’inverse est vrai quand le récit concerner l’accusé. »

« Similaire à la psychologisation, la sociologisation consiste à rechercher à travers certains évènements une explication qui renvoie à des caractéristiques sociologiques comme la profession, l’activité associative, politique, sportive……et que l’on pense plausible au regard du comportement observé….On le voit, la sociologisation consiste à recourir à des catégories sociologiques dans le but d’expliquer ou au moins amorcer une explication du comportement jugé. Mécanisme complémentaire des deux précédents, la biologisation traduit également l’utilisation de catégorie que l’on croit naturelles pour poser les contours des déviances en les renvoyant à des éléments spécifiques. »

« Livrer des infos catégorielles ne serait pas problématique si elles n’étaient d’aucune conséquence sur les jugements. Or, l’on sait que le seul fait d’indiquer par exemple l’origine ethnique ou la nationalité d’un individu mis en examen pour agression module les jugements judiciaires portés à son encontre…..Il est alors de notre devoir d’interroger les effets possibles des infos catégorielles livrées dans la presse écrite à propos de criminels ou des protagonistes d’un procès. »

« Indiquer le passé familial d’un accusé peut constituer une explication du comportement criminel, mais fournit aussi une cause disproportionnelle à l’événement, c’est-à-dire une cause spécifiant la responsabilité des acteurs mis en cause. En somme, les Cours d’Assises se posent comme un contexte propice à la psychologisation, c’est-à-dire une situation dans laquelle tout est fait pour que les évènements trouvent leur origine dans les dispositions des acteurs. »

« L’influence médiatique sur les jugements judiciaires a suscité, suscite et suscitera encore des interrogations. Il en va de la liberté de penser, d’écrire et de juger nos démocraties moderne. Beaucoup se demandent si ce quatrième pouvoir tenu par les médias n’est pas devenu le maître des autres ? »

« Plusieurs enquêtes de terrain menées à propos d’affaires réelles ont évalué l’influence de la couverture médiatique sur les connaissances et les jugements de l’opinion publique avant l’ouverture du procès..….D’une part, les gens disposent d’un nombre élevé de connaissances, vraies ou fausses, sur les affaires avant même le début du procès. D’autre part, il apparaît que les médias favorisent dans la plupart des cas, un a priori de culpabilité envers les personnes accusées…..Certains résultats permettent de faire le lien entre l’exposition à l’info médiatique et la prédisposition de l’opinion publique à préjuger les accusés coupables. »

« La quantité d’info détenue sur l’affaire dépend du degré d’exposition des gens aux médias, plus les gens peuvent mentionner de sources médiatiques, plus ils disposent d’infos, et plus ils penchent en faveur de la culpabilité probable….En outre, ils observent à nouveau l’absence de relation entre le fait d’avoir acquis des connaissances sur les affaires par le biais des médias et le sentiment de pouvoir être un juré impartial. Bref, il s’agit d’un résultat récurrent : les gens ne sont généralement pas conscients de l’influence, la plupart du temps préjudiciable à l’accusé, exercée par les médias sur leur capacité à appréhender une affaire en toute neutralité. »

« L’info judiciaire a pris une importance croissante dans les médias. L’intérêt suscité dans le public fait que les affaires sont souvent commentées et discutées avant le début des procès en famille, au bureau, au café…..Ces discours et commentaires favorisent une homogénéisation de l’opinion publique tout en la poussant vers des positions plus extrêmes…..De plus, les personnes non exposées à l’info médiatique ont toutes les chances d’en prendre connaissance de « seconde main », c’est-à-dire par le biais de personnes directement « informées ». Ce genre de transmission de l’info entraîne une succession de déformations et de réarrangements….ainsi que la formation de jugements plus tranchés, l’info transmise ayant au final tendance à être plus schématique…..Les journalistes ne sont certes pas responsables de ces processus. Ils doivent toutefois être conscients qu’ils peuvent parfois les alimenter et qu’un individu implicitement décrit comme « capable » peut, dans l’esprit du public, rapidement devenir « coupable » des faits qui lui sont reprochés du fait de la reconstruction opérée sur le message. »

« Certaines analyses de contenu révèlent une sur-représentation dans les articles de presse des éléments à charge par rapport aux éléments à décharge ; la presse s’attardant en général davantage sur les détails des crimes ou arrestations des suspects que sur les éléments de la défense des prévenus…. »

« L’influence médiatique peut aussi s’exercer à travers des infos non spécifiquement liées à l’affaire en cause. Des recherches ont montré que la manière dont la « réalité » du crime, des criminels ou du fonctionnement judiciaire est construite dans les médias peut affecter les jugements judiciaires. »

« Il n’est plus à démontrer que les médias influencent mais reste à savoir si l’image a plus d’influence que le texte : qui de la télé et du journal a plus d’influence ?……l’info télévisée suscite en général davantage de réactions émotionnelles, du fait de sa nature visuelle, que n’en suscite l’info écrite…..Les résultats indiquent que, dans l’ensemble, les sujets sont plus influencés par les reportages télévisés que par les articles de journaux. Toutefois, comme prévu, l’effet est additif lorsque les deux médias sont associés…..Les études évoquées n’abordent en fait qu’indirectement la question de l’influence de l’info médiatique sur le verdict des jurés…. »

« …..Il faudra bien un jour ou l’autre que nos législateurs statuent. Au même titre que les journalistes, juristes, politiques et peut-être même les psychologues, devront un jour ou l’autre se faire un devoir d’engager en France une démarche comparable à celle engagée depuis maintenant fort longtemps par nos collègues américains. »

Journaliste Indépendante


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