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Chili : les prisonniers et prisonnières politiques mapuche entament leur soixante et unième jour de grève de la faim.

Anonyme, Vendredi, Mai 12, 2006 - 14:59

Antoine

Condamnés sous le coup d'une loi anti-terroriste à 10 ans et un jour de prison pour l'incendie de 100 hectares de plantations forestières dans le sud du Chili, les quatre prisonniers en grève de la faim depuis le 13 mars clament leur innocence et demande la révision de leur procès. Ils dénoncent publiquement la logique de criminalisation des revendications du peuple mapuche mise en oeuvre par l'état chilien.

Au soixante et unième jour de grève de la faim, l’état de santé de Patricia Troncoso, Juan Huenulao, Patricio Marileo et Jaime Marileo est alarmant, selon le dernier bilan médical effectué à l’infirmerie du centre de détention pénitentiaire de Temuco où ils ont été transférés la semaine dernière sous haute surveillance depuis la prison de Angol. Inconscient, Patricio, a été hospitalisé dans la nuit de mercredi à jeudi à l’hôpital central de Temuco où les médecins ont dû procéder à une réhydratation par voie veineuse.
Les quatre prisonniers politiques mapuche sont accusés par le Ministère Publique chilien de l’incendie en décembre 2001 d’une concession d’exploitation forestière de la société Mininco, appartenant au multimilliardaire Eliodoro Matté Larrain. Jugés sous le coup de l’application d’une loi anti-terroriste datant de l’époque de la dictature , ils ont été condamnés à 10 ans et un jour de prison et au versement d’une indemnité de 425 millions de pesos (environ 650 000 Euros) à l’entreprise Mininco.
Par cette grève de la faim entamée le 13 mars, ils demandent la révision de leur condamnation, l’abandon de la charge « d’association illicite terroriste », et entendent dénoncer publiquement la persécution politique dont ils font l’objet ainsi que la disproportion de la peine en regard des faits qui leur sont reprochés (dix ans de prison pour l’incendie de 100 hectares de plantation industrielle).
Ils appuient notamment leurs revendications sur le fait que, le 7 avril dernier, deux autres dirigeants mapuche, José Cariqueo et Juan Colihuinca ont été lavés de toutes les accusations qui pesaient sur eux, dans la même affaire d’incendie, avec à charge les mêmes preuves et des témoignages similaires. Le tribunal de Angol avait alors rejeté la qualification d’ « association illicite terroriste », reconnaissant que les faits reprochés aux prévenus n’avaient pu être planifiés et qu’ils n’avaient pas pour finalité « de provoquer la peur dans la population ».
Les quatre grévistes de la faim proviennent de communautés mapuche localisées aux abords de la commune de Ercilla dans la neuvième région du Chili. C’est au cœur de cette région que, dès le milieu des années 1990, de nombreuses communautés mapuche se sont soulevées pour protester contre l’invasion croissante de leur territoire par des compagnies d’exploitation forestière. Pour certains dirigeants comme Adolfo Millabur, maire mapuche de la commune de Tirúa, cette invasion constitue une nouvelle étape dans l’histoire de la dépossession territoriale du peuple mapuche .

Sur les trois régions du Chili où se concentre l’essentiel de l’activité forestière (8ième, 9ième et 10ième régions) deux puissantes compagnies se partagent près de 1 500 000 hectares de plantations forestières à vocation industrielle, alors que l’ensemble des terres des réserves où vivent 350 000 mapuche ne totalise que 500 000 hectares.
Les monocultures de pins radiata et d’eucalyptus, deux essences introduites au Chili dans les années 1960 et aujourd’hui cultivées à grande échelle, n’ont rien à voir avec les écosystèmes forestiers naturels auxquelles on les a substituées. Alignement au cordeau de monotones rangées d’arbres, elles épuisent les nappes phréatiques, érodent les sols, anéantissent la biodiversité. Elles ont fait disparaître les plantes utilisées dans la pharmacopée traditionnelle mapuche et les conséquences des fumigations aériennes de pesticides sur la santé des populations riveraines sont encore inconnues.
L’espace vital désormais consacré à l’agriculture et l’élevage traditionnels est tellement restreint par les monocultures qu’il ne suffit plus à assurer la subsistance des communautés rurales et mapuche qui ne bénéficient que très peu des retombées économiques engendrées par l’activité forestière, lucrative pour les compagnies, mais très peu créatrice d’emplois.
La violence engendrée par ce modèle de développement forestier ne se limite aux impacts immédiats sur l’environnement et la santé : c’est l’ensemble des rapports spirituels que les mapuche entretiennent avec le territoire et les éléments qui le composent que l’on entreprend de détruire (mapuche signifie littéralement mapu : terre, che : personne, soit « gens de la terre »). À Ercilla, comme à Lumako, Los Angeles, Tirua, Traigen, Kollipulli et de nombreuses autres localités, les communautés mapuche, littéralement encerclées de plantations forestières, se sont converties selon l’expression locale désormais consacrée, en véritables « prisons à ciel ouvert ».
Face aux mobilisations des différentes communautés mapuche en conflit avec les compagnies forestières, l’État chilien n’a répondu ces quinze dernières années que par un recours croissant à la force. En invoquant des lois spéciales telles que la Loi anti-terroriste 18.314 et la Loi de sécurité intérieure de l’État 12.927 le gouvernement s’est lancé dans un réel processus de criminalisation des revendications territoriales et politiques indigènes. Du fait de la pénalisation de ces revendications, de nombreux conflits qui étaient par le passé réglés en justice ordinaire, voire à l’amiable, sont aujourd’hui traités « avec toute la rigueur de la loi » comme des actes terroristes. L’utilisation permanente du terme « conflit mapuche », largement repris par les grands quotidiens de la presse nationale, a par ailleurs contribué à stigmatiser un grand nombre de mapuche comme « terroristes » ou « délinquants » aux yeux de la population chilienne.

Michèle Bachelet actuellement en tournée diplomatique en Europe ne s’est en date toujours pas prononcée sur la question des quatre prisonniers mapuche en grève de la faim depuis deux mois. Les nombreuses manifestations de soutient qui se sont déroulées cette dernière semaine dans les principales villes du pays ont été violement réprimées par les forces de police, qui ont procédé à plusieurs centaines d’arrestations parmi les sympathisants et les étudiants venus en nombre exprimer leur solidarité aux grévistes de la faim.
Depuis Genève, Rodolfo Stavenhagen, rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits des peuples autochtones, a incité le gouvernement chilien « à mettre en œuvre tous les moyens en son pouvoir pour arriver à un accord permettant de sortir de la crise posée par les prisonniers mapuche », et suggère « l’amnistie pour les défenseurs des droits autochtones condamnés par les lois antiterroristes ».
La Fédération Internationale des Droits de l’Homme et l'Organisation Mondiale Contre la Torture ont manifesté « leur préoccupation quant aux conditions de santé et aux impacts quant à l'intégrité physique et psychologique des grévistes de la faim mapuche ». Les deux organisations mentionnent pour ces cas « l'application d'une politique pénale disproportionnée ». Amnesty International à quant à elle lancé une pétition d’Action urgente au prés de ses membres.
À Londres, San Francisco, Montréal, Stokholm, Genève, Paris, Buenos Aires et La Paz des manifestants ont exprimé cette semaine leur solidarité aux quatre mapuche à l’entrée des consulats du Chili. De nombreux intellectuels, dont Noam Chomsky ont affirmé leur soutien, et le prix Nobel de littérature José Saramago a interpellé Michelle Bachelet lors de sa visite à Madrid en lui demandant de « regarder » les mapuche.
Face à l’ampleur de ces manifestations de solidarité au Chili comme à l’étranger la seule concession faite par La Moneda est celle formulée oralement par le Ministre de l’intérieur Andrés Zaldivar de « ne plus invoquer la Loi anti-terroriste dans des procès liés à des demandes de terres lorsqu’il s’agit de délits communs ». Il n’a cependant pas été fait mention de la possibilité d’appliquer cette disposition de façon rétroactive au cas des quatre prisonniers mapuche en grève de la faim.
Bien que la crise actuelle est le résultat d’une politique initiée sous le mandat de l’ancien président Lagos, selon José Aylwin, directeur de l'Observatoire des droits des peuples indigènes au Chili, « la volonté de la Présidente Bachelet reste fondamentale pour trouver une issue à la grève de la faim prolongée des prisonniers mapuche. Au-delà des critères juridiques et techniques et des responsabilités des différents ministères, ce qui est en jeu aujourd'hui est le respect des droits des peuples indigènes, notamment du droit à la justice, ainsi que la crédibilité du gouvernement quant à sa volonté de changer la relation conflictuelle existant présentement et d’instaurer un véritable dialogue démocratique avec les peuples autochtones au Chili ».

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