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Bolivie : Chronique de la révolution qui ne vient pas

Anonyme, Vendredi, Juillet 1, 2005 - 17:45

fab

 
Les masses boliviennes se sont de nouveau révoltées durant les mois de mai-juin 2005 en faveur de la nationalisation des hydrocarbures. La ville de La Paz a été assiégée pendant près de trois semaines, se trouvant en pénurie de combustibles et d’aliments. Les partis politiques traditionnels ont essayé de profiter de la situation, mais le peuple a su les écarter. Les évènements n’ont pas dégénéré en répression ouverte même si un mineur a été tué lors de circonstances toujours obscures. La crise a provoqué le départ de Carlos Mesa et son remplacement par le président de la Cour Suprême de Justice qui a convoqué des élections anticipées. Ce qui n’est en fait qu’une tentative pour les classes dominantes de gagner du temps et pour les mouvements sociaux de mieux s’organiser.
Professeur J fait une analyse des positions des différents acteurs sociaux boliviens en mettant l’accent sur la stratégie des secteurs « trotskistes » boliviens qui vise à empêcher l’auto-organisation des masses et préconise une solution « rétrograde » et dangereuse.

Fab.

 
Les masses boliviennes se sont de nouveau révoltées durant les mois de mai-juin 2005 en faveur de la nationalisation des hydrocarbures. La ville de La Paz a été assiégée pendant près de trois semaines, se trouvant en pénurie de combustibles et d’aliments. Les partis politiques traditionnels ont essayé de profiter de la situation, mais le peuple a su les écarter. Les évènements n’ont pas dégénéré en répression ouverte même si un mineur a été tué lors de circonstances toujours obscures. La crise a provoqué le départ de Carlos Mesa et son remplacement par le président de la Cour Suprême de Justice qui a convoqué des élections anticipées. Ce qui n’est en fait qu’une tentative pour les classes dominantes de gagner du temps et pour les mouvements sociaux de mieux s’organiser.
Professeur J fait une analyse des positions des différents acteurs sociaux boliviens en mettant l’accent sur la stratégie des secteurs « trotskistes » boliviens qui vise à empêcher l’auto-organisation des masses et préconise une solution « rétrograde » et dangereuse.

Fab.

Bolivie : Chronique de la révolution qui ne vient pas

[ 10.06.05 ]

Quelques courants de la gauche bolivienne, en particulier une énorme diversité de groupes, courants et tendances trotskistes, se sont agglutinés autour de la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB) et de son secrétaire général, Jaime Solares. Nous avons le plus grand respect pour beaucoup de groupes et de personnes d’orientation trotskiste dans divers pays, mais il y en a d’autres qui se basent dans le plus pur dogmatisme mécaniciste, ce qui leur fait accorder la priorité plus à la rationalité instrumentale, aux objectifs prédéterminés et aux stratégies à courte vue, qu’à accompagner les évènements, la situation concrète et le positionnement des différents sujets sociaux.

Les organes d’informations de ces groupes, spécialement Econoticias et Bolpress, nous bombardent chaque jour avec l’imminence de la révolution ouvrière-paysanne et le rôle d’ « avant-garde » et de « leadership » de Solares et de la COB.

Nous avons déjà commenté que la base de l’actuelle COB réside plus dans les mineurs regroupés en coopératives que dans la quasi inexistante classe ouvrière (1). La seconde force de sustentation de la COB est celle des maîtres (professeurs) où pullulent les plus bigarrées courants du trotskisme avec d’autres formations de gauche traditionnelles, sans obtenir le plein contrôle dans plusieurs régions, ce qui a fait que l’initiative des Assemblées Populaires se soit présentée comme étant une appendice des assemblées régionales et de district de la COB (2). Sans doute s’agit-il d’une initiative importante destinée à donner un sens aux mobilisations : élever les assemblées régionales, mais en les soumettant aux structures locales de la COB, les COD (départementales) ou de la COR (régionales), considérées par Solares et son groupe comme les axes d’organisation de ces assemblées, l’idée naîtra castrée, ce ne seront donc que des courroies de transmission des décisions des dirigeants. Et nous savons déjà où cela conduit.

Comment dit auparavant, Solares s’oppose fermement à l’Assemblée Constituante, qui tout en étant une sortie institutionnelle, permettrait de mettre en avant les propositions locales, ethniques et autres, ce qui, bien que semblant plus long, serait un chemin plus sûr de consolidation des capacités locales. Il ne nous paraît pas non plus nécessaire d’adhérer à cette constituante de manière intrangiseante, vu que si les organisations locales se dotent de leurs propres instruments pour déployer leur protagonisme et leur puissance, ce ne serait pas un problème d’abandonner la proposition. Ainsi les assemblées populaires pourraient être une sortie efficace par en bas qui permettrait de consolider des positions quel que soit le développement des évènements.

Il ne serait pas étrange que les plus diverses organisations sociales rejoignent la proposition de ces assemblées et disputent des espaces avec les courants centralistes pour rendre prioritaire l’autonomie locale basée sur l’auto-organisation sociale, ce qui s’opposerait à la proposition électorale de Evo Morales qui s’appuie sur la constituante non pas tant pour les revendications sectorielles et régionales mais pour son besoin d’institutionnaliser le conflit.

Face à la possibilité d’une rencontre entre les courants autonomes de base avec les courants centralistes insurrectionnels de la COB, courants très contradictoires, le système rejoint rapidement la proposition du milieu économique de retirer le président Carlos Mesa et de convoquer de nouvelles élections sous la houlette du président de la Cour Suprême de Justice. Les partis traditionnels, spécialement le MNR et le MIR, courent le risque réel de se retrouver réduits à la plus simple expression. Ils se retrouvent en ce moment sans bases de soutien, ne comptant qu’à peine sur les appareils clientélistes qui ne survivent qu’en étant présents dans les différentes fonctions publiques, ce qui aujourd’hui est en train de disparaître, c’est la raison pour laquelle ils s’affèrent aux mécanismes qui leur permettraient la survie et la possibilité de remonter leur débâcle actuelle, par exemple au fait que ce soit le président du Sénat, Vaca Diez, militant du MIR, qui assume la présidence de la république, ce qui ne serait possible que si l’appareil militaire se range de son côté, dans une sorte de coup d’Etat blanc (3).

Les militaires, échaudés par les expériences antérieures, durant lesquelles ils ont été obligés de réprimer, récoltant une démoralisation interne et une perte de prestige, observent tout cela avec beaucoup d’attention et de prudence, vu que s’ils devaient descendre dans la rue pour tirer sur le peuple, la rupture interne serait imminente, avec le passage dans les rangs des insurgés de contingents entiers de différentes structures armées, spécialement de la police, où des groupes importants ont ouvertement refusé de réprimer. Ainsi pour maintenir la cohésion interne, ils ont choisi d’occuper un rôle plus de contention que de force anti-populaire. Solares, conscient de cela, n’a pas hésité à faire un appel au coup d’Etat militaire patriotique et à cette fin il a poussé les mobilisations à s’approcher des limites qui si elles avaient été dépassées auraient obligé les forces armées à agir plus fermement. Cette situation aurait alors entraîné un secteur des forces armées vers un gouvernement de type de celui de Gutierrez (4) d’alliance avec la COB plutôt qu’une guerre civile qui ne ferait qu’aiguiser encore plus les dynamiques de rupture.

Sans aucun doute, les forces armées argentines et brésiliennes se trouvent en état d’alerte, prêtent à intervenir comme en Haïti, au cas où une autorité institutionnelle bolivienne le sollicite. Cela implique qu’elles sont en contact direct avec les commandements boliviens, autant pour suivre l’évolution de la situation que pour des mesures opérationnelles. L’Organisation des Etats Américains (OEA) est également prête pour soutenir une mesure de ce type. C’est-à-dire que les conditions pour assurer depuis l’extérieur la stabilité nécessaire sont préparées.

De telle manière que si l’insurrection ou le pouvoir ouvrier-paysan étaient tellement réels et imminents comme le peignent les leaders de ces courants, il n’y aurait pas de problèmes pour avorter toute « aventure » qui échappe aux mécanismes institutionnels. Les Etats Unis ont dirigé leurs actions à attaquer le Vénézuéla comme agitateur des mouvements, ce qui indique clairement qu’ils n’ont pas beaucoup de préoccupations au niveau de ce qui se passe en Bolivie, qu’ils savent très bien ce qui doit se faire à chaque instant. Leurs déclarations ont été plus médiatiques que réelles.

D’un autre côté, tous savent que Solares n’a pas de force ni de capacité d’organisation en dehors de La Paz et un peu à El Alto, c’est pour cela qu’il a besoin que ces assemblées régionales soient subordonnées à la COB. Partout, la revendication populaire la plus concrète est celle de l’assemblée constituante, spécialement parce qu’elle est née de l’initiative des ethnies et des régions et depuis plus d’un an, nous pouvons dire deux, cette idée est discutée dans les assemblées de secteurs des organisations sociales, ce qui se sera très difficile que les régions assument aussi facilement l’appel de la COB, à moins, comme dit plus haut, que les organisations locales s’assoient avec force pour surmonter l’hégémonie de l’actuelle COB. Le développement de ces assemblées dans le reste du pays est encore à voir et, s’il se réalise, celles-ci seront le cadre de luttes internes les plus variées, spécialement entre les centralistes et les organisations populaires locales. S’il existe suffisamment de force locale et d’astuce des dirigeants sociaux régionaux, cette appel pourrait être l’antichambre du contrepouvoir local, ce qui en dernière instance ne satisfera ni le milieu économique ni Solares ni Evo Morales.

Evo a été le plus malin, avec beaucoup de patience il s’est érigé comme la carte de la stabilité institutionnelle. Avec un enthousiaste discours populaire, il remplit habilement le rôle de subordonner une population captive du centralisme d’Etat. Il a été le premier à accepter la proposition de l’église catholique au dialogue. Il a été le premier à accepter la démission de Mesa. C’est un emphatique défenseur du choix du président de la Cour Suprême de Justice à l’interrègne et à l’organisation d’élections dans les cinq mois, où il n’y a pas un adversaire qui lui dispute la présidence de la république. Evo gagnerait aujourd’hui avec une énorme quantité de votes. Et si dans le même temps on élit les membres du parlement, les préfets et les membres de l’Assemblée Constituante, la présence de son parti, le Mouvement au Socialisme (MAS), serait déterminante dans toutes les institutions.

Non sans raison l’appelle-t-on maintenant le « Lula bolivien », le chargé d’appliquer le néolibéralisme au nom de la gauche et du peuple. Et Solares en est conscient, pour cela son insistance à le qualifier de traître et de divulguer des notes contre lui au moyen de ses agences d’informations. Il est conscient du fait qu’Evo gagnerait et que les choses prendraient un rythme relativement tranquille à la brésilienne ou à l’argentine, et qu’il devrait rentrer à la maison avec son insurrection. Une autre raison qui justifie l’urgence d’installer ces assemblées populaires comme appendices de la COB dans les autres régions, unique alternative qu’il a trouvée pour étendre son pouvoir de convocation au reste du pays.

Felipe Quispe et Oscar Olivera ont été plus sagaces. Ils n’entrent pas dans la dispute entre Morales et Solares. Felipe a un énorme ascendant dans les communautés originaires, spécialement aymaras, de laquelle il est le Mallku, la plus grande autorité traditionnelle des communautés, ayllus et markas. Oscar, de la Coordination de l’Eau de Cochabamba, jouit d’une grande sympathie dans les organisations qui développent l’autonomie locale de base, qui ne sont pas peu nombreuses, comme dans les grands contingents de travailleurs de diverses régions du pays. Nous avons été témoins à Santa Cruz de son charisme et de sa capacité de communication avec les gens qui remplissaient le salon du marché local où des centaines de travailleurs l’écoutaient avec respect et joie.

Les deux dirigeants sociaux, beaucoup plus liés aux bases, ont su soutenir les différentes mesures convoquées par Solares et par Morales, sans s’ériger en autres alternatives « nationale », dessinant leur profil en relation avec l’Etat et le pouvoir central, renforçant les déclarations, accords et activités qui accompagnent le développement des capacités locales. En ont fait de même divers groupes indigènes, les groupes du Mouvement des Sans Terres, des assemblées régionales paysannes, beaucoup de régionales de la centrale ouvrière et même de maîtres, plusieurs fédérations d’habitants et des groupes de femmes.

Les expectatives sont nombreuses, quelques-unes exagérées, d’autres chargées de discours démagogiques, mais le plus probable est que les divers couches des entrepreneurs rejoignent la convocation électorale, les « patriotiques », groupes soutenant Mesa, termineront par soutenir les élections, l’église, la commission des droits humains, beaucoup d’ONGs et de syndicats le feront aussi, et que dire des cocaleros et des dirigeants sociaux du MAS, qui compte un solide réseau de conseillers municipaux dans quasiment tout le pays. Les centres d’étude et les universités se plieront au soutien institutionnel. Si est obtenue qu’avec l’élection présidentielle soit incorporée aussi la discussion des autonomies économiques, il est probable que cela diminue l’agressivité en vue d’une stabilité générale et de quelques conquêtes minimes. L’armée continuera de jouer les observateurs, cette fois comme garante des résultats.

S’il en est ainsi, Solares resterait un peu isolé, la plus grande partie de la gauche rejoindrait Morales et les organisations locales pourraient continuer le travail de renforcement de leurs racines dans les territoires. Sans aucun doute, toutes ces organisations locales soutiendraient Evo, bien que sans se subordonner à lui, vu que l’élection présidentielle serait accompagnée de l’élection des membres de la Constituante.

Comme le dit Alvaro García (analyste politique bolivien), ce processus ne sera pas exempt de forts chocs et contradictions de base ethnique, classiste et régionale, réadaptations et poussées où les différents acteurs vont profiler encore plus leurs demandes. Et ces cinq mois peuvent ne pas passer sans heurts mais remplis de batailles locales où la garantie de futur sera mise dans la consolidation de l’auto organisation locale.

Le destin de la Bolivie semble être aujourd’hui la « brésilation ». Nous avons la certitude que beaucoup d’organisations sociales ne se subordonneront pas comme l’a fait le Mouvement des Sans Terres (MST) brésilien qui a cédé devant le leadership et la prépotence de Lula. Le MST du Brésil est aussi appelé à constituer des assemblées populaires et sa soumission sera assurée par la « formation » qu’il assurera aux intéressés en particulier dans chaque région, en plus de la structure pyramidale qu’il propose, les assemblées locales, provinciales et une assemblée nationale. Le MST, de même que le parti des travailleurs (PT), que Solares et Morales, est paniqué par les autonomies sociales et, dans cette même mesure ils se transforment en étaux de la stabilité nécessaire pour la continuité du profit capitaliste à visage humain, jusqu’à avoir quelque chose à lui substituer, disent-ils.

Nous ne sommes pas pour soutenir la consigne d’une insurrection fantaisiste dont le succès est conditionné à la participation d’un secteur de militaires, mais pour soutenir le travail de fourmi de l’auto organisation locale.

1- Malgré son appellation, la Centrale Ouvrière Bolivienne est plus paysanne qu’ouvrière, néanmoins sa direction est toujours réservée à un mineur (en référence au rôle joué par ceux-ci lors de la révolution de 1952). (N.d.T.).
2- On peut retrouver ce même phénomène en Argentine où les partis de tendance trotskiste (PO, MST, …) ont créé des organisations de chômeurs qui se sont regroupées dans l’Assemblée Nationale des Travailleurs (ANT), instance aux mains des bureaucrates des partis (absence de démocratie interne) et qui vise à l’hégémonie vis à vis des organisations de chômeurs indépendantes ou autonomes. (N.d.T.).
3- Vu que ce texte a été écrit avant l’épilogue de la « crise », il convient d’en rappeler les grandes lignes. La démission de Carlos Mesa et son remplacement par le président de la Cour Suprême de Justice ont eu lieu. Le président du Sénat, Vaca Diez, a été contraint par les mobilisations à renoncer à ses ambitions, les militaires ne l’ont pas suivi. Des élections générales vont avoir lieu avant la fin de l’année. Les partis traditionnels se retrouvent donc dans une situation difficile, puisque depuis le renversement de Gonzalo Sanchez de Lozada en 2003, il ne se sont plus retrouvés à la tête du pays (du moins directement) (N.d.T.).
4- Le gouvernement de Gutierrez en Equateur était (puisque Gutierrez a été dernièrement renversé par un soulèvement d’une partie des habitants de Quito) un gouvernement d’alliance avec les indigènes et les syndicats équatoriens qui remporta les élections générales qui suivirent l’insurrection populaire de 2000 (insurrection durant laquelle le pouvoir s’est retrouvé un moment entre les mains du peuple avant une trahison de l’armée). (N.d.T.).

Professeur J,
prof...@yahoo.com.
http://clajadep.lahaine.org
Traduction : Fab (sant...@no-log.org)



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