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Un débat qui risque de déraper : le mariage

oscar, Mardi, Janvier 25, 2005 - 21:27

Oscar Fortin

La question que nous devons nous poser est de savoir si deux personnes de même sexe peuvent s'aimer avec autant d'intensité et de sincérité que deux personnes de sexe différent.

UN DÉBAT QUI RISQUE DE DÉRAPER

La question qui se pose n’est plus de savoir si la définition juridique du mariage civil telle qu’elle apparaît dans les textes de loi, à savoir que « le mariage se réalise entre deux personnes de sexe opposé » va ou non à l’encontre de la charte des droits mais plutôt de savoir si l’élargissement de cette définition à toute personne qui souhaite vivre en couple enlève à l’institution du mariage tout son sens.

Il ne fait pas de doute que la formulation juridique que l’on a donné au mariage a été fortement influencée par les croyances chrétiennes qui y voyaient la procréation comme la toute première fin de celui-ci. L’acte de procréation étant la résultante de l’union de deux personnes de sexe différent, le législateur a senti alors le besoin de renforcer cette spécification :

" l'union volontaire et pour la vie d'un homme et d'une femme à l'exclusion de tous les autres "

Depuis lors bien des choses se sont passées tant dans la société canadienne que dans les églises chrétiennes. Le Canada s’est doté d’une Charte des droits qui consacre l’égalité des droits de la personne et l’Église catholique, pour ne citer que celle-ci, a vécu Vatican II qui donna au mariage une définition où l’amour y occupe une toute première place :

« La communauté profonde de vie et d'amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur; elle est établie sur l'alliance des conjoints, c'est-à-dire sur leur consentement personnel irrévocable. Une institution que la loi divine confirme, naît ainsi, au regard même de la société, de l'acte humain par lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuellement. » Vatican II, Gaudium et Spes, Ch. 1, 48.1

Plus loin, dans le même document, elle reconnaît que la procréation, tout en étant une fin importante de cette institution n’en est pas un élément essentiel à « sa valeur et à son indissolubilité. »

Le mariage cependant n'est pas institué en vue de la seule procréation. Mais c'est le caractère même de l'alliance indissoluble qu'il établit entre les personnes, comme le bien des enfants, qui requiert que l'amour mutuel des époux s'exprime lui aussi dans sa rectitude, progresse et s'épanouisse. C'est pourquoi, même si, contrairement au voeu souvent très vif des époux, il n'y a pas d'enfant, le mariage, comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il garde sa valeur et son indissolubilité. » id. ch. 1,50.3

Il est intéressant de noter que dans ces textes on parle de « personne », de « couple », de « conjoints », « d’époux ». Les Pères conciliaires n’ont pas fait d’exclusion, comme c’est le cas dans les textes de la loi canadienne sur le mariage. Soit que cet aspect n’a pas effleuré leur esprit ou soit que l’Esprit qui les inspirait a voulu qu’il en soit ainsi. Le fait est que cette formulation du mariage dans sa forme laïque ne poserait aucun problème à la charte des droits de la personne. Ceci ne veut évidemment pas dire que les autorités religieuses seraient disposées à l’ouvrir à toutes les personnes qui répondraient aux exigences de l’amour entre deux personnes.

Là où les sensibilités se heurtent c’est, entre autres, dans le fait de reconnaître que des personnes de même sexe peuvent tomber en amour l’une pour l’autre et s’aimer avec autant d’intensité que des personnes de sexe différent. Nous avons de la difficulté à penser que ces personnes peuvent former des couples fidèles et être profondément engagées dans la société et dans leur communauté de vie.

Que penser des personnes qui se font opérer pour changer leur sexe ? Ce seul changement est-il suffisant pour leur reconnaître le droit de se marier dans le cadre des lois actuelles tant civiles que religieuses ? Si la réponse est oui, c’est que nous reconnaissons que leurs dispositions personnelles, indépendamment de leur sexe, en faisaient déjà des personnes complémentaires dans leur vie amoureuse et capables d’en vivre profondément.

Lorsque nous faisons abstraction de tous les préjugés qui entourent ces relations amoureuses entre personnes de même sexe, nous en arrivons, et c’est mon cas, à reconnaître l’existence d’un amour tout aussi authentique entre personnes de même sexe, que c’est le cas entre personnes de sexe différent. C’est évident que si nous ne voyons que les orgies et les symboles des défilés gais qui viennent chercher notre curiosité et alimenter nos préjugés, le passage sera difficile. De ces excès, il y en a tout autant dans la vie des hétérosexuelles, mais dans ce dernier cas c’est moins spectaculaire et nous y sommes davantage habitués.

Je crois que comme société et comme églises nous devons donner le pas à la reconnaissance des droits de ceux et de celles qui avancent dans le sens cet amour qui scelle profondément la vie de couple. Toute campagne de peur à l’allure apocalyptique ne peut que nuire à ce débat et aller à l’encontre de ces mêmes droits qui exigent vérité et respect. Les couples hétérosexuels vont continuer d’exister, les enfants ne cesseront pas de naître et la société ne s’enfoncera pas dans le gouffre de la décadence. Nous continuerons tous à avoir besoin des uns et des autres pour bâtir une société au service de l’humain.

Je souhaite que toutes les personnes de bonne volonté s’impliquent dans ce débat, même si d’autres débats autrement plus importants pour l’avenir de nos sociétés devraient nous mobilier tous tout autant. Quant au vote libre que réclame les opposants à la modification de la loi sur cette question, me vient cette image de Pilate qui demande à la foule, « lequel, de Jésus ou de Barrabas, vous voulez que je libère ? Tous ont crié : Barrabas, Barrabas. Alors, il libéra Barabbas et condamna Jésus à la Croix. La démocratie avait parlé. Pourtant était-ce là la réponse qu’il eut fallu donner ? Le mouvement des foules ne rejoint pas toujours celui du droit d’autant moins si elles sont davantage manipulées qu’informées. À chacun de répondre en son âme et conscience.

Oscar Fortin
740, Ave Désy
Québec (Qué)
GIS 2X5

TÉL. 418-527-2168

Québec, le 25 janvier 2005



Sujet: 
L'amour et le mariage
Auteur-e: 
RiouxYves/Bleuler
Date: 
Mer, 2005-01-26 17:33

Monsieur Fortin,

Merci d'amener ici ce débat important que les militants de CMAQ semblent avoir un peu boudé. N'aillant pas moi-même de position définie, il m'était totalement impossible de lancer un texte d'ouverture sur cette question.

Je me ferais encore ici "l'avocat du diable" parce que cela me semble la meilleure façon de tirer le meilleur jus des acteurs de ce forum.

Si je vous comprends bien, vous estimez que l'amour, premier "ministère" catholique des époux, suffit à lui seul à définir le mariage. Vous estimez qu'il prend suffisamment d'importance pour le voir éclipser les ministères parentaux et missionnaires qui incombent normalement aux époux dans la catéchèse catholique.

L'amour entre personnes de même sexe peut exister, la chose ne fait pas de doute. Je crois aussi qu'il peut être aussi fort durable que celui que nous connaissons entre personnes de sexes opposés.

Il existe également entre d'autres types de personnes qui expérimentent un amour profond et sexué et qui pourtant se voient également refuser le mariage. Je pense, par exemple, à l'amour incestueux entre un frère et une soeur ou entre des personnes liées familialement par la loi mais sans lien de consanguinité. Estimez-vous que ces personnes, qui s'aiment parfois avec autant de passion que les couples gais, devraient aussi avoir "droit" au mariage? Expliquer, je vous pris, votre réponse!


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Sujet: 
à mon interlocuteur RiouxYves/Breuler
Auteur-e: 
oscar
Date: 
Mer, 2005-01-26 18:24

Je suis heureux de vous retrouver sur cette question. Vous soulevez deux questions importantes: la première à l'effet que l'amour peut-il à lui seul donner son plein sens au mariage, et la seconde qui suit un peu la prémice initiale: l'amour incestueux peut-il se concevoir et se justifier à l'intérieur du mariage ?

Avant le concile Vatican II le mariage se définissait en référence à deux fins; la première la procréation et la seconde l'amour entre les conjoints. À Vatican II on a discuté et mis en tête de liste l'amour comme fin première du mariage, mais un amour tout ouvert et orienté vers la procréation, fin seconde. Le premier texte conciliaire que je cite exprime, je pense, cette réalité. Il fallait toutefois se positionner sur tous les couples qui n'arrivent pas à avoir d'enfants ou sur ceux qui se forment à un âge où la perspective d'en avoir fait partie du passé. C'est le sens du second texte que je cite. Est-ce dire que l'on peut évacuer de ce fait la procréation comme élément fondamentalement lié au mariage tel que l'Église le conçoit? Mon opinion est que non. Si des personnes pour des considérations personnelles ne peuvent avoir d'enfant, leur vie de couple continue à avoir un sens et une sigification, mais si ce même couple peut effectivement avoir des enfants et décident de ne pas en avoir, il y aurait là un problème face au mariage lui-même.

Au fond, et ce sera la réponse à la deuxième question, il ne suffit pas de s'aimer ou de dire que l'on s'aime pour dire "voilà on se marit." Il doit y avoir un projet de vie. Ceux et celles qui ont suivi ou suivent des cours de préparation au mariage sont en mesure de réaliser que le projet de couple qui se lie dans le cadre de cette institution le fait pour participer conjointement au développement d'une vie harmonieuse et autant que possible au développement d'un milieu familial.

Il est possible que l'amour revendiqué par certains couples ne soit pas toujours celui auquel nous pensons lorsque nous évaluons l'engagement dans le cadre d'une institution comme celle du mariage. Par contre, dans les relations incestueuses, il y a des considérations génétiques qui doivent être prises en compte pour également respecter le droit des êtres à naître. Je sais qu'on va jusqu'à donner des dispenses pour des personnes qui sont en lien de parenté au deuxième ou troisième degré... Même à ce niveau des études, comme celles réalisées à l'Université du Québec à Chicoutimi, ont démontré que ce n'était pas sans conséquences sur la santé des générations qui suivent... Il y a également des droits pour ces générations.

Je suis d'accord pour dire qu'il y a un lien entre l'amour et la procréation, mais que le mariage sans procréation justifiée continue à garder tout son sens... dixit les documents conciliaires.

Les couples de même sexe n'ont pas en perspective la procréation alors qu'ils peuvent très bien avoir la perspective de la famille via l'adoption et autres moyens actuellement disponibles.


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Sujet: 
mariage et adoption
Auteur-e: 
RiouxYves/Bleuler
Date: 
Mer, 2005-01-26 19:18

Monsieur Fortin,

Je vous remercie pour votre réponse. Celle-ci soulève de nouvelles questions. Vous prenez en considération la génétique pour les cas de consanguinité. Que faites-vous dans les cas où il y a inceste mais où il n'y a pas consanguinité, par exemple, entre un frère et une soeur adoptive? Le mariage devrait-il leur être ouvert?

Vous vous souciez également des droits des enfants à naître. Je partage cette préoccupation. Vous retenez par exemple les recherches portant sur les effets de la consanguinité sur la santé. D'un autre côté, vous soutenez également la revendication de couples de même sexe pour une plus grande ouverture à l'adoption. Malheureusement, contrairement à la consanguinité, la recherche sur les conséquences de telles adoptions sont actuellement rares, mal construites ou portent sur des échantillons trop circonscrits pour être généralisables*. Sur quoi basez-vous votre conviction que cela est sans conséquences néfastes pour les enfants?

* Tremblay, N. & Julien, D. (2004) Les familles homoparentales. Psychologie Québec, Mars 2004, 21, 2 pp 24-6.

Foucart, T. (2003) Statistique et idéologies scientifiques. Communication au laboratoire de mathématiques
équipe de probabilités (11 décembre 2003).


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Sujet: 
à RaoulYves/Bleuler
Auteur-e: 
oscar
Date: 
Mer, 2005-01-26 21:55

Dans le cas de l'adoption il n'y a à mon point de vue aucun problème. Le caractère familial de frères et soeurs n'a rien à voir avec la génétique. Elle est l'expression d'une situation analogique, mais rien à voir avec la sanguinité. C'est du moins mon point de vue.

Quant à l'autre partie de votre intervention, je ne vois pas le sens de votre interrogation puisqu'il n'y a pas de consanguinité. Si un couple de même sexe décide d'adopter un petit américain dans la misère je ne vois pas où se trouve le problème.... Si un des partenaires décide l'insémination par laboratoire ou autre technique que j'ignore eh bien il faudra bien voir ce que celà donne... Personnellement je ne le sais pas, d'ailleurs pas plus pour ce qui concerne les couples hétérosexuelles dont on ignore la compatibilité sanguine... Une réponse un peu facile, mais je ne peux aller plus loin sur cette question.


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Sujet: 
Votre réponse est confuse
Auteur-e: 
RiouxYves/Bleuler
Date: 
Sam, 2005-01-29 19:13

Pour ce qui est des frères et soeurs non consanguins, je ne comprends pas votre réponse. Vous êtes pour ou contre le mariage de frères et soeurs non consanguins?

Pour ce qui est de l'adoption, la possibilité que les enfants soient traumatisés par le fait d'être élevé par des parents homosexuels vous laisse donc indifférent?


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Dossier G20
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Très beau dessin: des oiseaux s'unissent pour couper une cloture de métal, sur fonds bleauté de la ville de Toronto.
Liste des activités lors de ce
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