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Pérou: Nouveau procès pour Abimael Guzman

Eric Smith, Samedi, Mai 8, 2004 - 20:11

Eric Smith

Dans quelques jours, ou tout au plus quelques semaines, débutera le nouveau procès du chef du Parti communiste du Pérou, Abimael Guzmán. À la veille de la commémoration du 24e anniversaire du déclenchement de la guerre populaire au Pérou le 17 mai, il importe de continuer à appuyer les prisonnières et prisonniers révolutionnaires persécutéEs pour avoir osé lutter contre l'oppression et la domination impérialiste au Pérou.)

(L'article qui suit est paru dans le tout dernier numéro de la revue A World To Win, publié il y a quelques semaines. On y annonçait la tenue d'un nouveau procès pour le chef du Parti communiste du Pérou, Abimael Guzmán, qui devait débuter en mars. Toutefois, le procès a été reporté de quelques semaines, sans que les autorités péruviennes n'aient annoncé une nouvelle date précise. À la veille de la commémoration du 24e anniversaire du déclenchement de la guerre populaire au Pérou le 17 mai, il importe de continuer à appuyer les prisonnières et prisonniers révolutionnaires persécutéEs pour avoir osé se porter à la tête des masses révolutionnaires dans leur lutte contre l'oppression et la domination impérialiste au Pérou.)

Le président Gonzalo (Abimael Guzmán) ainsi que d'autres membres et dirigeantEs du Parti communiste du Pérou (PCP) devront subir de nouveaux procès à compter du mois de mars 2004. Le régime péruvien compte organiser cette mise en scène, destinée à ceux et celles-là même qu'il maintient dans ses cachots depuis plus de 13 ans déjà, non pas dans le but de leur rendre enfin justice, mais au contraire pour commettre de nouvelles injustices. Le gouvernement péruvien et les États-Unis qui le soutiennent comptent utiliser ces procès pour détourner l'attention des propres crimes qu'ils ont commis et continuent à commettre, pour condamner la rébellion et pour confondre et démoraliser ceux et celles qui la soutiennent.

Ils espèrent en outre qu'après toutes ces années d'isolement et d'exclusion de la vie collective du Parti, et en l'absence d'une liaison profonde avec les masses, certains prisonniers auront perdu leurs repères et seront disposés à se laisser manipuler par la réaction. En suivant ce qui se passera lors du procès et en combattant ce que les dirigeants réactionnaires du Pérou et d'ailleurs comptent y réaliser, il importe de ne jamais perdre de vue ce qui constitue le fait central de toute cette affaire : à savoir ce pourquoi le président Gonzalo et les autres personnes sont accuséEs.

En 1980, sous la direction du président Gonzalo, les membres du PCP et leurs supporters ont amorcé le difficile processus de réveil et d'organisation des laissés-pour-compte au Pérou -- les paysanNEs pauvres et tous les "sans-voix" -- au moyen d'une rébellion armée. Étant donné que les maoïstes ne comptent sur rien d'autre que les masses populaires elles-mêmes, la guerre populaire qu'ils ont lancée n'a débuté qu'avec un petit nombre; mais rapidement, elle a grandi au point de constituer un véritable torrent, un soulèvement de masse qui a obtenu le soutien et vu la participation de millions de personnes. L'Amérique latine n'avait jamais connu rien de tel. De fait, le monde entier n'a été témoin que de trop peu d'exemples de ce genre dans l'histoire. Les bataillons de pauvres mobilisés par la guerre populaire s'en sont pris non seulement à leurs oppresseurs immédiats et à l'État qui les représente mais au système impérialiste mondial dans son ensemble. Ils ont inscrit leur combat pour gagner leur propre libération dans le cadre plus général d'une révolution mondiale visant à libérer l'humanité entière de toutes les formes d'oppression, d'exploitation et d'inégalités et à faire naître une société sans classes -- une société communiste. De ce fait, la guerre populaire au Pérou a rayonné et gagné le soutien des masses partout dans le monde, apportant en outre un énorme prestige au maoïsme, suscitant le déclenchement ou la préparation de nouvelles guerres populaires.

La tenue du "méga-procès" à venir, comme la presse péruvienne l'appelle déjà, fait suite à une décision rendue l'an dernier par la Cour constitutionnelle du Pérou qui a invalidé certains décrets présidentiels qui avaient autorisé la mise sur pied de tribunaux militaires secrets présidés par des juges masqués et anonymes, dans le cadre de la lutte "anti-terroriste". Ces décrets avaient été adoptés sous le règne de l'ex-président Alberto Fujimori, désormais destitué et totalement discrédité, qui a d'ailleurs dû s'enfuir afin d'échapper aux accusations de corruption ayant été portées contre lui. Désireux de prendre ses distances avec lui (et avec son régime détesté, fait de décrets personnels et marqué par la terreur ouverte), son successeur, Alejandro Toledo, s'est vu contraint d'accepter le jugement du Tribunal interaméricain des droits humains, basé au Costa Rica, qui a statué que ces procès violaient le droit international. Dès lors, les tribunaux ont ordonné que pas moins de 1 136 personnes ayant été condamnées par des juges anonymes et 295 autres ayant été emprisonnées pour crime de "trahison de la patrie" par les tribunaux militaires secrets soient de nouveau cités à procès.

La Constitution péruvienne interdit formellement les sentences d'emprisonnement à vie si elles ne sont pas assorties d'une possibilité de libération. Elle proscrit également la peine de mort -- ce qui n'a toutefois jamais empêché les forces armées d'abattre des détenuEs désarméEs (comme ce fut le cas notamment lors des massacres commis dans les prisons). De la même manière, cela n'a pas empêché Fujimori de vouloir assassiner le président Gonzalo, avant même qu'on l'amène en procès, comme il l'avait apparemment planifié tout de suite après sa capture en septembre 1992. Le fort mouvement international visant à "remuer ciel et terre pour sauver la vie du président Gonzalo" avait alors contribué à empêcher Fujimori d'arriver à ses fins. Ainsi, trois officiers de la marine, tous masqués, l'avaient plutôt condamné à la prison à vie, dans le cadre d'un procès secret qui ne fut qu'une parodie de justice. Son propre avocat devait d'ailleurs recevoir lui aussi la même sentence... Fujimori s'était vanté ouvertement du fait que le chef du PCP n'allait jamais sortir vivant du cachot souterrain dans lequel on l'a enfermé, qu'il avait d'ailleurs qualifié de "tombeau".

Il semble bien que ce soit désormais au tour de Toledo d'avoir la même intention.

Même si quelques-uns parmi la centaine de prisonnières et de prisonniers qui ont déjà subi un nouveau procès ont été acquittés, la presse péruvienne ne doute aucunement que les 11 dont le procès doit débuter en mars seront condamnés de nouveau. La seule question qui est matière à débat a trait à durée de la sentence qui leur sera imposée: s'agira-t-il de 25 ans ferme ou d'une sentence à vie avec possibilité de libération au bout de 35 années de détention? On voit bien que d'une manière ou d'une autre, l'intention du régime est de faire en sorte que le président Gonzalo et les autres dirigeantEs emprisonnéEs n'en sortent jamais vivantEs. Le nouveau procès aura lieu à la prison militaire de Callao, là même où le président Gonzalo et d'autres dirigeantEs du PCP sont détenuEs dans des cellules souterraines.

Le procès que le président Gonzalo a subi en 1992 a été marqué par un tel mépris des subtilités légales habituelles qu'il a duré à peine quelques heures et que les accusations précises pour lesquelles il a été condamné n'ont même jamais été révélées. Le nouveau procès portera cette fois-ci sur une série d'actions qui se sont déroulées dans le cadre de la guerre populaire, de 1980 jusqu'au jour où le président du PCP a été arrêté en 1992 alors qu'il était avec des camarades, à Lima. Les onze accuséEs devront se défendre d'avoir mené les dites actions et/ou d'en avoir été responsables à titre de dirigeantEs du Parti. Outre le président Gonzalo, sont accuséEs la camarade Miriam (Elena Iparraguirre), Zenón Vargas Cárdenas, Martha Huatay, Carlos Incháustegui, Laura Zembrano, Elvia Zanabria, Nancy Ruiz, Roberto Pizzaro, Carmen Carhuapoma et Maritza Garrido Lecca.

Quant au camarade Feliciano (Oscar Ramírez Durand), qui a assumé la responsabilité de la direction du PCP après l'arrestation du président Gonzalo jusqu'à ce qu'il soit lui-même capturé et qui est lui aussi détenu à la prison de Callao, son nom n'apparaît pas sur la liste des accuséEs présentée dans la presse en vue du procès de mars. Toutefois, les commentateurs de la réaction ont exprimé le souhait que des contradictions alléguées qui seraient apparues entre lui et le président Gonzalo puissent être utilisées lors du procès, de sorte à ce que ça devienne un spectacle dégoûtant et à salir l'idée même de la révolution.

L'élément-clé à garder en tête à cette étape-ci est le suivant: si quiconque voulait réellement parler de justice au Pérou, alors les hommes et les femmes qui ont dirigé la lutte contre le système social oppressif et la domination états-unienne qu'on y connaît seraient immédiatement libéréEs, tandis que ce sont les leaders gouvernementaux responsables de tant d'injustices qui subiraient leur procès.

Les États-Unis ont joué un rôle crucial dans la guerre sanglante que le gouvernement péruvien a menée contre les paysannes, les paysans et les pauvres qui ont osé lutter pour bâtir un avenir dans lequel elles et ils seraient reconnuEs comme étant des êtres humains de plein droit; ils n'ont cessé de lui prodiguer armes et conseils à cet effet. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont eux aussi apporté un soutien inconditionnel au régime de Fujimori, dont tout le monde admet aujourd'hui qu'il a agi de manière criminelle contre les intérêts du peuple péruvien. Le gouvernement des États-Unis a en outre vigoureusement défendu Fujimori alors qu'il faisait face à la critique sur la scène internationale, après que celui-ci eut concentré tout le pouvoir entre ses mains suite à "l'auto-coup d'État" qu'il a réalisé en 1992. Les autorités états-uniennes ont explicitement refusé de prendre leurs distances face au régime des juges masqués, des escadrons de la mort et de la terreur contre le mouvement révolutionnaire. Aujourd'hui, la réaction internationale appuie de façon tout aussi inconditionnelle le régime de Toledo, qui continue pourtant dans la même veine que son prédécesseur (même si c'est sous une forme différente), lui qui ne se consacre pas moins à saigner les gens ordinaires et qui est d'ailleurs tout aussi détesté, en dépit du fait qu'il ne doive pas sa position à un coup d'État militaire. Les nouveaux procès qu'il a autorisés ne sont qu'une tentative de faire oublier ce dont il est lui-même coupable. Mais les Péruviennes, les Péruviens et l'ensemble des peuples à travers le monde ne sont pas prêts d'oublier et de pardonner les crimes commis par le régime.

Le Mouvement révolutionnaire internationaliste, qui est le centre politique embryonnaire des partis maoïstes à l'échelle mondiale, s'est porté à la défense du président Gonzalo et des prisonniersÈRES politiques et prisonniersÈRES de guerre au Pérou parce qu'il soutient la guerre populaire qu'on les accuse d'avoir dirigée. Au cœur des procès à venir, on retrouve la vieille prétention, qui demeure centrale dans la politique menée par ceux et celles qui dominent encore le monde aujourd'hui, à l'effet que la révolution constitue un crime en soi.

En défendant la vie du président Gonzalo, les maoïstes ont été rejoints par une grande variété de gens à travers le monde, allant de personnalités politiques éminentes et de défenseurs des droits de la personne, jusqu'à de simples gens épris de justice. Tous ces supporters n'étaient pas nécessairement d'accord avec la guerre populaire que le président Gonzalo a dirigée, ni avec l'idéologie et la ligne politique qu'il représente; mais tous adhéraient fermement à la position exprimée en 1992 par le Comité international d'urgence formé pour défendre la vie d'Abimael Guzmán: "N'importe quel observateur le moindrement bien informé et honnête à propos de la situation au Pérou, indépendamment de ses convictions politiques, ne pourra nier qu'Abimael Guzmán est le dirigeant, reconnu comme tel, de millions de paysannes et paysans, d'ouvrières et ouvriers, d'étudiantes et étudiants, d'intellectuelLEs et d'autres encore au Pérou. La guerre que Guzmán dirige depuis maintenant 12 ans ne peut d'aucune manière être réduite à de simples 'actes terroristes'. On ne peut nier non plus qu'Abimael Guzmán doive être considéré comme étant le dirigeant en captivité d'un parti et d'une armée révolutionnaires. Abimael Guzmán mérite le même soutien à l'échelle internationale que tous les opposants politiques aux régimes réactionnaires et à l'impérialisme ont toujours reçu par le passé."

Vraisemblablement, les nouveaux procès ne seront qu'un remake de ceux de 1992 et ne s'avéreront une fois de plus qu'une parodie de justice.

Quiconque a été le moindrement dégoûté par les injustices commises dans toute cette affaire ne peut accepter qu'on continue à empêcher le président Gonzalo et les autres prisonnières et prisonniers de faire connaître leurs points de vue publiquement. Le 24 septembre 1992, lorsque Fujimori a tenté de l'exhiber comme un vulgaire trophée de chasse devant la presse internationale, le président Gonzalo a renversé la situation en prononçant son fameux discours, qui a fait le tour du monde. Il avait alors affirmé que la révolution péruvienne allait continuer sur la voie de la guerre populaire, en dépit du "virage" que constituait son arrestation (le texte complet de son intervention a été publié en langue anglaise dans l'édition 2002/29 de notre revue, disponible sur www.awtw.org). Un an plus tard, Fujimori a prétendu que le président Gonzalo et la camarade Miriam avaient changé d'idée et qu'ils avaient même signé une lettre demandant la conclusion d'un accord de paix. Une ligne opportuniste de droite a en outre émergé au sein du Parti plaidant qu'étant donné l'arrestation du président Gonzalo, les révolutionnaires devaient abandonner la guerre populaire et démanteler leur armée ainsi que les Comités populaires grâce auxquels les paysannes et paysans avaient commencé à exercer le pouvoir politique dans une grande partie des campagnes.

Le Comité central du PCP avait dénoncé cette ligne opportuniste de droite et déclaré que le régime Fujimori avait manigancé un "mensonge" en attribuant au président Gonzalo cet appel en faveur d'un accord de paix.

Le mouvement international de défense du président Gonzalo, qui a notamment envoyé sept délégations étrangères à Lima au cours de la décennie qui a suivi son arrestation, a concentré ses forces sur l'exigence que le président Gonzalo, le camarade Feliciano et les autres prisonniersÈRES politiques et prisonniersÈRES de guerre puissent avoir accès librement et directement à leurs avocats, leurs proches, leurs amiEs et à la presse internationale, de sorte à ce qu'ils puissent faire connaître librement leurs points de vue. Mais le fait est que leurs contacts avec le monde extérieur se sont avérés extrêmement limités.

Il est probable que le régime Toledo tente de maintenir l'isolement du président Gonzalo et des autres prisonnières et prisonniers. La nouvelle législation permet notamment à l'État d'interdire les enregistrements sonores et vidéos lors des procès publics. Et justement, dans certains cas qui se sont produits lors des nouveaux procès qui ont déjà eu lieu au cours de la dernière année, les reporters se sont vus contraints de n'utiliser que les traditionnels crayons et calepins. L'objectif de cette politique est d'empêcher la population de voir ce qui se passe réellement lors de ces procès et de bâillonner les prisonnières et prisonniers de façon qu'ils ne puissent s'adresser directement au public. Il est proprement inacceptable que les criminels qui détiennent le président Gonzalo et les autres prisonniersÈRES contrôlent et manipulent à leur gré leurs communications avec le monde extérieur. L'absence d'un accès public complet aux procès qui doivent s'amorcer bientôt ne sera qu'une preuve de plus qu'ils ne visent rien d'autre que d'avaliser la nature criminelle des procès antérieurs.

Selon ce que rapporte le quotidien La República publié à Lima, l'avocat chargé de représenter le président Gonzalo aurait déclaré que ce dernier n'avait aucunement l'intention de coopérer à la réalisation d'un nouveau procès injuste. Les masses populaires doivent continuer à défendre le président Gonzalo et les autres dirigeantEs emprisonnéEs contre les accusations que les réactionnaires s'apprêtent à porter contre elles et contre eux. Peu importe ce qui arrivera lors du procès, le président Gonzalo doit être autorisé à s'exprimer librement et publiquement.

Ce qui sera en jeu lors de ce procès, en fin de compte, ce sera non seulement le bilan qu'on pourra tirer de l'expérience passée, mais surtout ce qu'on fera à l'avenir, particulièrement quant à savoir si on a raison, ou pas, de se révolter contre l'oppression.

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Article paru dans Arsenal-express no 6, le 9 mai 2004.

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