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Silvia Cattori : des lendemains qui déchantent

Anonyme, Dimanche, Février 22, 2004 - 07:28

Un psychiatre à qui j’ai parlé se disait consterné de voir ces jeunes israéliens mentalement dérangés par les brutalités qu’ils avaient connues et pratiquées. Que la chose la plus refoulée en Israël était la reconnaissance de sa violence. Et que les hommes n’ont pas de prise sur elle, tant qu’ils ne veulent pas la reconnaître. Il ajoutait qu’en termes de santé mentale, le prix à payer était énorme. Qu’Israël était devenu une société malade.

Des lendemains qui déchantent

Silvia Cattori

En ces minutes où, suspendu entre angoisse et espoir, vous prenez conscience que vous êtes mortel et que vous pouvez être tué dans la seconde, la tranquillité qu’affichent les Palestiniens soulève votre admiration. Menacés de mort, accablés de sarcasme et d’insultes, ils se replient dans le silence. Ils ont développé des capacités d’adaptation sans lesquelles ils ne pourraient pas vivre. Quand on leur demande s’ils n’ont pas peur qu’une balle décide de leur sort, ils vous font remarquer, non sans malice, que ces soldats qui les traitent comme des inférieurs, sont infiniment plus apeurés qu’eux.

En effet, quoique armés jusqu’aux dents, les soldats israéliens sont obsédés en permanence par le soupçon qu’il peut y avoir, en tout Palestinien, un kamikaze. Est-ce pour calmer leur stress, qu’ils sont si nombreux à fumer des joints et à consommer des drogues dures ? Ils ont des visages d’enfants à peine sortis des jupes de leur mère, et déjà jetés dans des opérations de répression meurtrière, déjà en perte d’humanité.

Ceux d’entre les soldats et les officiers en uniforme qui sont le plus à craindre, sont les « caractériels ». Les recrues originaires des colonies entrent facilement dans ce cas de figure. Ils sont capables d’une extraordinaire cruauté. Ce ne sont plus des gens normaux. Ce sont des fanatiques, motivés par leur envie de « bouffer » du Palestinien. Du reste, des gens normaux iraient-ils bâtir leur maison sur des terres volées, au milieu de nulle part ?

Les Palestiniens qui se font humilier et tuer par ces troufions dressés à haïr les Arabes, se consolent parfois en pensant que le retour de ces soldats à la vie normale, ne sera pas chose facile. Que le prix à payer, pour le mal qu’ils leur ont fait, sera très élevé. Que plus ils les maltraitent, plus dur sera leur lendemain. Que les atrocités commises en Palestine, tel le vers qui pourrit le fruit, les ruinera. Que, le jour où ils auront des enfants, le sang des enfants palestiniens qu’ils ont tués les hantera.

En quoi ils ne se trompent pas. La résistance humaine à l’horreur a des limites. On ne tire pas sur des innocents sans en être, tôt ou tard, profondément affecté. Même si la violence est inhérente à l’homme, il n’est pas naturel de vivre des mois et des années dans des situations de violence. Des situations où sa propre vie et celle des autres, sont en jeu. Ce sont des situations d’exaltation fortes, des états d’une intensité particulière, d’hyper éveil, d’hyper acuité, mais qui ne sont pas normaux, qui ne sont pas humains, qui ne sont pas naturels. Où on ne peut plus contrôler son moi. Où on ne peut pas fuir. C’est un état d’hypnose. Où l’individu est piégé comme la souris face au serpent.

Quand les soldats rentrent chez eux, le contraste entre la vie militaire en Palestine et la vie civile en Israël, leur devient difficile à gérer. Le décalage est tel qu’ils ne savent plus où ils sont. La vie leur paraît trop plate. Le genre d’exaltation et de stimulation qu’ils ont connu sous l’uniforme ne peut être obtenu, dans la vie normale, que par la cocaïne. Nombre de ces soldats, assaillis par des angoisses, des cauchemars, des peurs infondées, se mettent à dysfonctionner, à fuir dans la drogue et à souffrir de crises psychologiques profondes.

Si bien qu’une fois démobilisés, ils n’ont qu’une envie : partir, voyager. Avec les deniers qu’ils ont accumulé durant les années de service, ils peuvent voyager longtemps. On les voit débarquer, sac au dos, par avions entiers, au Pérou, en Australie, en Thaïlande, au Laos, et en Indes surtout.

Les années passées sous l’uniforme les a dévoyés. Leur conduite, assez peu civilisée, choque un peu partout. Un hôtelier de Cuzco nous disait qu’il ne prenait plus de réservations venant d’Israël. « Ils se conduisaient comme des sauvages, ils cassaient tout, abîmaient le mobilier, étaient désagréables avec le personnel…». Les dires de cet hôtelier nous ont été répétés à l’identique par des gens qui vivent en Indes, en Australie, en Thaïlande, au Laos. « Ils viennent au Laos en groupe. En général ils vont dans les Guest-Houses de Vang Vieng près de Vientiane où le haschisch circule ouvertement. Ils sont bruyants, méprisants envers les travailleurs laotiens (...) Si ils sont encore supportés ici au Laos où on a besoin du tourisme, en Thaïlande il y a des petits hôteliers d’origine chinoise, qui ne savent pas ce qu'est un Israélien, un juif ou un martien et ne peuvent être soupçonnés de discrimination, qui ont mis des pancartes disant qu’ils n’acceptent plus les touristes israéliens ». Certains de ces touristes reviennent de leur voyage, accrochés aux drogues dures.

Un psychiatre à qui j’ai parlé se disait consterné de voir ces jeunes israéliens mentalement dérangés par les brutalités qu’ils avaient connues et pratiquées. Que la chose la plus refoulée en Israël était la reconnaissance de sa violence. Et que les hommes n’ont pas de prise sur elle, tant qu’ils ne veulent pas la reconnaître. Il ajoutait qu’en termes de santé mentale, le prix à payer était énorme. Qu’Israël était devenu une société malade.

Ces jeunes, envoyés combattre avec les armes les plus perfectionnées des civils sans défense sont, tout comme les Palestiniens, victimes d’une politique qui les dépasse, d’une guerre qui a eu des répercussions sur eux aussi. Ils ont vu des camarades tués. Ils ont tué. Ils ont vu pleurer des enfants confrontés à la terreur de leur armée.

Le jour où ces jeunes israéliens comprendront qu’ils ont été abusés par des dirigeants qui préféraient l’état de guerre à l’état de paix, qu’ils sont nés sur une terre volée à 90 %, qu’ils sont les fils et les filles d’un Etat qui pratique la discrimination, leur réveil sera brutal.

Je me souviens d’avoir vu, un soir de pluie, au check point de Calandia, un soldat assis sur un tabouret, l’air accablé, perdu. Il sautait aux yeux que ce jeune homme timide était en crise, qu’il n’était pas à sa place. C’était la troisième fois qu’il me voyait sortir de Ramallah. Il ne s’est montré ni hostile ni cassant. Il était simplement intrigué, anxieux de savoir ce qui motivait des gens venus d’Amérique ou d’Europe, à se rendre dans le camp palestinien. Lui qui avait grandi dans un pays où les Arabes sont considérés comme des sauvages, des terroristes, il ne pouvait pas comprendre que des gens « normaux » puissent considérer les Palestiniens avec respect, avec sympathie.

Ce jeune garçon déguisé en soldat n’avait pas choisi d’être là. Il y avait quelque chose en lui qui doutait. Il cherchait, à mon contact, une confirmation aux doutes qui le tourmentaient.

L’expression triste de son visage, la solitude de son regard ne m’a pas quittée. Un jour peut-être ce jeune soldat tassé sur son tabouret, découvrira-t-il qu’il est la victime de dirigeants qui lui ont menti. Car c’est Israël qui détient la clé d’une solution rapide.

La solution réside dans l’acceptation par l’Etat hébreu :

- de laisser revenir les Palestiniens qu’il a chassé hors de chez eux en 1948 (alors qu’ils possédaient 93 % de l’Etat d’Israël entre les frontières d’avant 1967)

- de retirer ses troupes d’occupation hors des territoires qu’il martyrise singulièrement depuis 1967

- d’évacuer les quelques 400 000 colons illégaux qui se sont installés depuis lors, en toute illégalité, sur les 22 % de terres laissées aux Palestiniens

- et de se retirer du territoire syrien et libanais qu’il s’est annexé illégalement.

20 février 2004

silv...@yahoo.it



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