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Marx et le système colonial en Inde

pier trottier, Mercredi, Septembre 24, 2003 - 18:06

Notre travail se fonde à relever sommairement les principaux problèmes abordés par Karl Marx pendant la période qu’il travailla comme reporter pour les pages internationales du journal étasunien, le New York Daily Tribune, entre les années 1853 et 1861, en relation à la question spécifique de la domination britannique ...

LA INSIGNIA

7-08-2003

Marx et le système colonial en Inde

Antonio Oliva, Observatoire de
Conflits, Argentine, 6 août 2003

Traduit de l’espagnol par Pierre Trottier

Introduction

Notre travail se fonde à relever sommairement les principaux problèmes abordés par Karl Marx pendant la période qu’il travailla comme reporter pour les pages internationales du journal étasunien, le New York Daily Tribune, entre les années 1853 et 1861, en relation à la question spécifique de la domination britannique en Inde.

Nous rappelons que la collaboration de Marx avec ce périodique commença aux alentours de 1851 et continua pendant plus de 10 ans. Beaucoup d’articles furent écrits par Friedrich Engels à la demande de Marx, et les thématiques traitées embrassent depuis l’expansion des pays européens dans le déploiement du capitalisme vers la conquête des régions asiatiques et africaines, jusqu’à la particulière domination britannique en Irlande. La fin de l’échange journalistique arriva lorsque le périodique étasunien tourna brusquement ses éditoriaux vers la droite, aux commencements de la Guerre de Sécession, adoptant un profil d’appui à l’esclavagisme dans les colonies du sud.

Les articles dans lesquels Marx et Engels font référence à la conquête et à la domination britannique en Inde sont à peu près au nombre de 23, dans lesquels nous avons puisé afin d’extraire et questionner quelques aspects. Nous avons tenté de diviser analytiquement en trois grands noyaux de problèmes le travail avec les sources, à savoir :

1) Les aspects traités par Marx, qui se réfèrent au développement du système de domination coloniale britannique depuis le XVIIIè siècle, mettent l’accent sur le débat du caractère futur de ce même système et des forces en lutte qui le soutenaient, dans la dernière période de la Compagnie des Indes Orientales. Cette période est contemporaine à l’écriture journalistique de Marx, c’est-à-dire, de 1853 à 1858.

2) La problématique que Marx avait du ‘’ progrès ‘’ comme maturation de la société indienne, à travers du capitalisme introduit par le système anglais, et les transformations de la structure économico-sociale que Marx constate dans la société indienne à la suite du triomphe définitif des armées britanniques sur les royaumes autochtones.

3) L’analyse spécifique du premier grand conflit armé contre la domination anglaise, la Rébellion des Cipayos, entre 1857 et 1859.

Aux fins de renforcer et de contraster les notions historiques de Marx, nous avons introduit une certaine bibliographie contemporaine, tentant de ‘’ croiser ‘’ les textes de divers cadres théoriques qui pourraient éclairer des zones obscures de la source.

1) Le développement du système colonial

L’histoire de la colonisation de l’Inde par la Grande Bretagne, dont le résultat fut la domination et la consolidation de l’empire anglo-indien de la seconde moitié du XIXè siècle, remonte à la fin du XVIIè siècle, et est associé à la ligne de conduite de la Compagnie des Indes Orientales.

La Compagnie, dans ses débuts, ne jouissait guère plus que de quelques privilèges, en relation avec des installations commerciales dispersées dans les ports de Madras, Bombay et Calcutta, et se dédiant principalement au commerce outre-mer de quelques produits autochtones comme les épices. Les commerçants de la Compagnie obtinrent de s’unir dans une seule entité de nouveau en 1702, obtenant le renouvellement des contrats monopolistiques périodiques pour l’échange avec la métropole, les concessions étant, déjà pour cette période, une prérogative du Parlement Britannique et non une permission octroyée par les monarques. (1)

Marx tenta de montrer, dans plusieurs articles du New York Daily Tribune, la relation existante entre le développement capitaliste dans les îles britanniques et la nécessité chaque fois plus exprimée de la domination territoriale – et non, à ce moment, des comptoirs du port monopolistique de type mercantiliste – sur les royaumes de l’Inde, ainsi qu’une politique commerciale signée par les idées du libre commerce. Par la suite, nous verrons plus en détail ce point central dans les explications historiques de Marx sur la construction de l’empire anglo-indien. Marx signale la coupure entre une forme historique et une autre à partir du triomphe de l’Angleterre sur la France en 1756, guerre appelée des ‘’ sept ans ‘’, dans laquelle se disputait l’hégémonie des routes commerciales d’orient, et qui eut des scénarios belliqueux tant en Asie qu’en Europe.

Les évènements de la ‘’ Guerre de Sept Ans ‘’ transformèrent la Compagnie des Indes Orientales de puissance commerciale en puissance militaire et territoriale. Ce fut alors que s’assirent les bases de l’actuel empire britannique d’orient. (2)

Sur ce point, l’histoire a souligné comment la Compagnie combattit les différents royaumes indiens pendant plus d’un siècle. Premièrement, on annexa Bihar et Orissa, à la suite de l’expansion et de la consolidation territoriale au Bengale. Immédiatement, dans la première guerre contre les royaumes du sud, la Compagnie battit les descendants de l’antique empire Mongol, occupant les territoires situés sur la côte orientale de Deccan :

‘’ Vers 1818, la Compagnie s’était convertie en pouvoir principal de l’Inde et avait sous sa domination directe tout le territoire de la vallée du Gange jusqu’à Delhi, les territoires annexés aux royaumes mahrates – peut-être les plus forts de l’Hindoustan – le littoral de la Mer Arabique et les franges côtières qui s’étendent du Bengale jusqu’au sud. (3)

Au-delà des désastreuses campagnes afghanes (1838-42), l’Angleterre culmina sa politique expansionniste vers 1849, conquérant le Sindh (1844) et renversant le puissant empire Sikh vers la fin de la période.

Comme l’explique l’historien K . Panikkar :

‘’ Au cours de cent ans de guerres les britanniques avaient imposé leur autorité depuis l’Inde jusqu’au Brahmaputra, et depuis l’Himalaya jusqu’au bout Comorin. Les royaumes dont la subsistance se pouvaient comme le Cachemire, Mira, Gwaliar, Haidarabad, Baaroda, Travankur, et les états Rajput, à part les principautés mineures établies à partir des principales, furent convertis en territoires dépendants, isolés entre eux et dépourvus de pouvoir contre l’autorité britannique ‘’. (4)

Ces royaumes sont ceux que Marx mentionne comme permis sous le régime britannique de ‘’ souveraineté restreinte ‘’, dont la conservation se poursuivit au coût de payer une redevance à l’empire, de permettre le cantonnement des troupes de la Compagnie et, dans une période postérieure, d’y apporter des effectifs militaires pour l’empire anglo-indien. (5)

Nous voyons ainsi que le point de départ des rapports de Marx est celui des années où le Parlement Britannique doit résoudre , de façon définitive, l’avenir de la Compagnie des Indes Orientales, complétée maintenant l’occupation territoriale de l’Inde. Les rapports présentés représentent la surface d’un phénomène beaucoup plus complexe où se jouent principalement quel secteur social et quel type de gouvernement allait administrer les possessions britanniques en Hindoustan, à la suite d’un bilan, en général négatif, du rôle chaque fois moindre joué par la Compagnie.

Marx analyse dans un de ses meilleurs articles le rôle de la Compagnie des Indes Orientales, se demandant pourquoi le problème indien s’était converti en ce moment à un problème d’état ministériel et parlementaire (6). Ses réponses tournent autour de quatre diagnostics historiques qui s’auto déterminent :

1) Le premier point est un bilan, fait par Marx, de l’instable subsistance de la Compagnie et de son monopole commercial et d’exploitation, conservé à travers quasi deux siècles au moyen de régales faites premièrement aux rois et, par la suite, au ministère et à la banque officielle : ‘’ Afin de conserver le pouvoir qu’elle avait obtenue subordonnant le gouvernement, comme le fit la Banque d’Angleterre, la Compagnie des Indes Orientales se vit obligée de continuer à subordonner de la même façon la banque d’Angleterre. Chaque fois que son monopole allait expirer, elle pouvait seulement obtenir le renouvellement de la Charte, offrant de nouveaux prêts et de nouveaux cadeaux au gouvernement ‘’. (7)

Par la suite, les innombrables difficultés financières convertirent la Compagnie plus en la pierre de touche pour l’obtention de ressources publiques britanniques pour l’exploitation et le pillage d’une colonie immense comme l’Inde, en une constante somme de difficultés et de corruptions qui, plus que payer le tribut à la Couronne et au peuple anglais, draina les finances publiques d’un pays qui toujours fut rigoureux avec la dépense. Marx constate ainsi que, suite aux discussions de 1813 et 1833, le problème indien n’en vint pas à être traité avant 1851, à l’occasion d’une crise des finances de l’empire anglo-indien.

2) Le second argument est peut-être le plus phénoménal, mais non le moins important pour cela. Sur ce point Marx développe l’histoire de la conquête de l’Inde caractérisée par la constante tromperie et la provocation de l’armée anglaise. Il arrive à la conclusion que les différents secteurs politiques britanniques ne se heurtèrent pas entre eux sérieusement concernant l’administration de la Compagnie, jusqu’à ce que soient complétées les limites de l’empire anglo-indien. Citons in extenso :

‘’ De cette façon, sous le nom de la Compagnie, le gouvernement britannique lutta pendant deux siècles jusqu’à en arriver à la fin aux limites naturelles de l’Inde. Maintenant nous comprenons pourquoi pendant tout ce temps les partis d’Angleterre … tolérèrent tout en silence jusqu’à ce que soit terminé l’arrondissement de l’empire unique de l’Inde. Premièrement, bien sûr, il fallait l’obtenir afin de le soumettre à sa tranchante philanthropie. A partir de ce point de vue on comprend la modification du problème de l’Inde en 1853, par comparaison à toutes les périodes antérieures de renouvellement de la Charte ‘’. (8)

3) Le troisième argument, croyions-nous, le plus structurel et peut-être celui d’habilité la plus démonstrative.

Dans ces pages, Marx développe les différents intérêts de classe des fractions dominantes anglaises, à mesure que la bourgeoisie industrielle consolidait son pouvoir politique. Il est évident comment le point de vue des fractions accompagnent les pressions sur le Parlement, en relation à la politique économique à appliquer, et en rapport à l’importance que l’inde signifiait pour les affaires britanniques.

L’abandon progressif du caractère purement commercial de la Compagnie des Indes Orientales, et l’occupation territoriale comme forme d’exploitation des ressources naturelles de l’Inde, accompagnèrent, à partir du premier moment, l’importation de soies et de tissus de coton de l’industrie domestique indienne qui étaient très appréciés par l’aristocratie et l’oligarchie commerciale britannique. Le commerce monopolistique d’outre-mer, détenu en exclusivité par la Compagnie, permit jusqu’à la première moitié du XVIIIè siècle de bâtir de grandes fortunes avec ces produits payés à très bas prix aux producteurs directs de l’artisanat indien et, par la suite, vendus sous la logique du capital commercial.

La croissance de la fabrication industrielle, en relation à la vente sur le marché anglais, modifia, vers le milieu du siècle, drastiquement la commercialisation de ces produits élaborés.

Sous ce rapport, Marx nous rappelle que :

‘’ Des lois semblables à celle de Guillaume d’Orange furent mises en vigueur sous Georges I, II, III, comme résultat des plaintes réitérées de ceux qui étaient les ‘’ illustres ‘’ fabricants britanniques et, de cette façon, pendant la majeure partie du XVIIIè siècle, les produits manufacturés indiens furent importés en général en Angleterre afin de les vendre sur le Continent, et on les exclua du marché anglais même ‘’. (9) Mais, à son tour, cette revente sur le continent européen se vit aggravée par les restrictions qu’imposa l’empire de Napoléon. Les plaintes envers le Parlement s’intensifièrent à cause du monopole des uniques importateurs que détenait l’oligarchie des directeurs de la Compagnie, seigneurs de l’argent, autrefois commerçants d’outre-mer.

L’histoire est connue : à la suite de combattre les produits indiens sur le marché anglais, maintenant entré le XIXè siècle, la croissance industrielle entraîna la nécessité de reconfigurer la politique économique en faveur du laissez faire dans les ports coloniaux, afin de permettre la sortie des produits primaires et l’entrée de produits manufacturés. En 1813 et 1833, ce sont les grands commerçants liés à l’industrie qui exercent une pression et obtiennent l’ouverture du libre commerce avec l’Inde. Marx détaille dans son commentaire :

‘’ En 1813, la Compagnie ne put continuer de résister à la pression du commerce en général et, à l’exception du monopole du commerce chinois (commerce de l’opium et du thé, notre note), l’échange avec l’Inde fut ouvert à la concurrence privée
sous certaines concessions. Au renouvellement de la Charte de 1833, ces dernières restrictions demeurèrent, à la fin, annulées, on défendit à la Compagnie de réaliser quelque commerce – on invalida son caractère commercial – et on lui retira le privilège d’exclure les sujets britanniques des territoires indiens ‘’. (10)

Ce que veut signifier Marx ici, c’est le passage d’un pays en expansion commerciale à la Grande Bretagne industrielle, à travers de sa politique économique avec l’empire colonial. Le pas suivant fut la ruine de l’industrie domestique indienne dont l’économie s’incorpora au statut des pays coloniaux pourvoyeurs de matières premières afin de soutenir l’industrie du coton. Marx souligne, à son tour, l’énorme croissance des exportations des produits textiles sur le marché hindou dans un mouvement qui alors indique, pour la décade de 1830, la signification politique du triomphe de la bourgeoisie industrielle dans la politique parlementaire britannique, sa capacité de faire pression sur la Chambre des Lords, et la décadence de l’oligarchie commerciale du parti Tory. Il nous dit pour compléter le tableau :

‘’ A la suite de chaque crise commerciale, le commerce avec l’Inde Orientale s’est converti, en réalité, en son meilleur marché. Dans la même proportion que les manufactures du coton acquirent des intérêts vitaux pour la structure sociale de la Grande Bretagne, l’Inde Orientale devint vitalement importante pour les manufactures de coton britannique ‘’. (11)

Ce fut ainsi que l’Inde se convertit d’un pays exportateur de produits en un pays importateur de textiles métropolitains. Vers 1850, l’Angleterre inonda le marché indien avec des tissus et des articles de toute sorte qui, accompagnant l’annexion territoriale, reconvertirent la société villageoise des anciens royaumes indiens.

Maintenant, les hommes de Manchester, de la même manière qu’ils employèrent leur politique en Grande Bretagne, disputant avec le capital commercial un lieu privilégié au Parlement anglais, dans les successives sessions parlementaires de la décade des années 1850, réclamèrent une nouvelle forme de gestion de leur politique en Inde. Ils ont cru se sentir, à ce moment, suffisamment forts pour en finir définitivement avec la Compagnie et engendrer un gouvernement à leur image et à leur ressemblance. La crise économique du coton de 1851 fut le meilleur moment pour déposer leurs demandes de caducité de la Charte et les changements pertinents dans la façon d’administrer l’empire anglo-indien. Marx détaille la brisure définitive des fractions dominantes sous ce rapport, rendant compte de la question qu’on se faisait au commencement de l’article :

‘’ Jusque alors (1851), les intérêts de l’argentcratie qui avaient converti l’Inde en leur possession territoriale, ceux de l’oligarchie qui l’avaient conquise avec leurs armes, et ceux de l’industriocratie qui l’avaient inondée avec leurs tissus, leurs avaient échappé. Mais, lorsque leurs intérêts industriels dépendaient plus du marché indien, plus ils sentaient la nécessité de créer de nouvelles forces productives en Inde ‘’ (12)

Cela, comme nous en avons fait allusion, comporte des arguments afin d’approfondir les changements : ‘’ Les fabricants réclament maintenant l’annihilation de ces forces antagoniques en Inde, la destruction de toutes les vieilles structures de gouvernement de l’Inde et la liquidation finale de la Compagnie des Indes Orientales ‘’. (13)

4) Le quatrième argument est un élément de conjoncture totalement subsidiaire du diagnostic antérieur. Marx fait allusion au carrefour déjà mentionné entre la dépense qu’implique la conquête et l’annexion de l’empire pour la Couronne et le Parlement britannique, et le moment du nécessaire bilan des dépenses de la Compagnie en relation à ses politiques expansionnistes. Marx n’économise pas les détails :

‘’ Aujourd’hui, il y a une dette nationale de 50 millions de livres, une réduction continuelle des dépenses douteuses équilibrée par les entrées risquées de l’impôt dû à l’opium qui, en ce moment, est menacé d’extinction et aggravé par les dépenses qui peuvent être prévues par l’insensée guerre de Birmanie. (14)

Insensée ou non, la nécessité d’expansion territoriale de l’Angleterre, est rattachée, en ce moment, à l’impératif de contrôle des marchés suffisamment captifs afin d’étendre tant l’industrie des manufactures que celle des biens en capitaux. D’autre part, cela, et l’entretient de l’armée, l’administration coloniale et la bureaucratie métropolitaine se cassent la tête avec la dépense austère des économies libérales.

Nous verrons comment l’Angleterre a résolu tout le dilemme à la suite de l’insurrection des cipayos en 1858; pour le moment regardons de plus près, à travers Marx, la machine du gouvernement colonial sous la direction de la Compagnie des Indes Orientales.

Marx établit, à grands traits que, pour la domination en Inde, la Grande Bretagne instaura un double gouvernement. Cette superposition des pouvoirs coloniaux arrive, pour les raisons que nous avons étudiées plus avant, à son point de saturation vers 1853, année à laquelle elle en vint, comme nous l’avons vu, à débattre du problème du gouvernement anglais en Inde et du devenir de la Compagnie.

Comme nous avons vu, le point de saturation, en apparence, réexamine l’indignation parlementaire sur le problème budgétaire colonial, mais dans les paroles de Marx, cette hypocrisie de la Chambre des Lords se nourrit aussi du fait que les pouvoirs coloniaux signifiaient d’énormes dividendes aussi pour le Parlement. Marx nous raconte :

‘’ Les bureaux de Leadenhall Street et de Cannon Row (15) coûtent au peuple la bagatelle de 160.000 livres annuellement. L’oligarchie embarrasse l’Inde par des guerres dans le but de trouver des emplois pour ses enfants mineurs, l’argentcratie se vend au plus offrant, et la bureaucratie subalterne paralyse son administration et perpétue ses abus comme condition vitale pour sa perpétuation. (16)

Voyons maintenant de quoi il s’agit lorsqu’il est question de dédoublement des pouvoirs coloniaux britanniques en Inde.

Le premier pouvoir, arrière-goût du vieux système colonial anglais, est lié au pouvoir financier des actionnaires, organisé à la Cour des Directeurs. La Cour des Directeurs est le corps gouvernant de la Compagnie des Indes Orientales, élu annuellement entre les associés les plus influents de la Compagnie, et des membres du gouvernement britannique en Inde, possesseurs d’actions de cette dernière, pour une valeur non inférieure à 2.000 livres. La Cour des Directeurs avait son siège à Londres et avait été élue en assemblée générale d’actionnaires dans laquelle avaient seulement droit de vote les possesseurs de non moins 1.000 livres en actions. Elle eut d’amples pouvoirs en Inde jusqu’au débat dont nous sommes en train de parler.

Le second pouvoir réside dans les environnements spécifiques de la Couronne Britannique. Le Comité de Contrôle fut crée en 1784 lorsque, pour la première fois, on fit pression sur la Compagnie afin de modérer son monopole politique et économique sur l’Inde. Les six membres étaient désignés par la Couronne. Son président était un membre du cabinet et, dans la pratique, secrétaire d’État pour l’Inde, quoiqu’il nommait un gouverneur effectif dans la colonie, joint à son conseil. Les décisions du Conseil de Contrôle, dont le siège se trouvait aussi à Londres, étaient communiquées à l’Inde par l’intermédiaire d’un comité secret composé de trois directeurs de la Compagnie des Indes Orientales.

On établissait ainsi une duplication de pouvoirs à laquelle se réfère Marx. Le Comité de Contrôle, lié au gouvernement britannique, devait livrer bataille avec le Parlement en fonction du renouvellement de la Charte de la Compagnie; et le Comité des Directeurs, véritables rentiers absentéistes et banquiers, qui organisaient les affaires depuis l’Angleterre, mais qui ne détenaient aucun pouvoir économique direct sur la domination coloniale, à part le fait d’être membre de ce double pouvoir. La superposition de fonctions et le bureaucratisme étaient les traits distinctifs de ce gouvernement dual.

2) La transformation économico-sociale de l’Inde

Les historiens en général s’accordent à nous faire savoir de la domination britannique en Inde, pour le moins jusqu’à la définitive installation de l’empire anglo-indien et le transfert de la totalité des pouvoirs à l’administration directe de la Couronne en 1858, que quelques-unes des institutions de l’Inde traditionnelle s’étaient modifiées très peu, malgré les inégalables transformations en certains points de l’immense territoire.

On pourrait distinguer, comme il paraît évident, ces régions où la domination britannique fut directe (et le processus de dissolution des relations sociales, productives et culturelles qui furent plus accélérées) de celle de Gujarat, Rajastan, Oudh, etc, qui, à être administrées par des princes et des nobles indiens subsidiaires des communautés de l’empire, eurent une durée plus grande, faisant allusion à l’environnement des communautés de village, aux pratiques religieuses et culturelles qui donnaient sens à la vie sociale du peuple.

Dans ces régions, ni même les énormes transformations du XXè siècle, à la suite du processus d’indépendance nationale, ne purent miner tout à fait la force de ces institutions. Cela explique, par exemple, la persistance des castes dans quelques régions, ainsi que la réapparition de l’hindouisme de nos jours (17). Vers la moitié du XIXè siècle, les régions à domination britannique directe comme le Bengale, Madras ou Bombay avaient souffert une intense transformation que Marx tente de généraliser à toute la péninsule.

On pourrait dire, à son tour, que ses descriptions historiques et les catégories employées font partie de l’abondance théorique d’une personne absente de l’espace qu’il analyse, et qui doit rendre compte pour un journal étranger d’évènements et de processus qui échappent à des simplifications, surtout en ce qui se réfère à un pays qui, comme l’Inde, posséda et possède toujours des institutions sociales d’origine antique.

De toute manière, nous nous référerons à ses conclusions comme une façon de voir aussi les limites du véritable Marx relatives à son esprit critique du système colonial anglais, et à son labeur de décomposer les pièces du capitalisme du XIXè siècle.

Dans un de ses articles, Marx tente de répondre pourquoi le colonisateur anglais, étant encore un pouvoir numériquement mineur à l’intérieur du jeu de forces politiques qui règnent en Inde, obtint de s’emparer de tout l’espace vital et de dominer au conglomérat des royaumes autochtones (18). Ses conclusions ne laissent d’être suggestives.

Premièrement, il décrit le rôle joué par les successives invasions, tant musulmanes que mongoles, vers les vallées hindous, organisant les pouvoirs centraux dont les fonctions ne différèrent absolument pas de ce que les anglais avaient fait, à réaliser leur expansion territoriale. Cela constitue profiter de la dispersion et de l’atomisation des unités politiques indiennes, se livrer à l’invasion, au pillage, soumettre à la famine et à la misère la majeure partie de la population, et organiser un pouvoir central qui, en général, maintenait un contact quasi inexistant avec la population.

Marx décrit ces pouvoirs centraux et leurs octroie trois caractéristiques qui sont, avec grands traits, les éléments de la forme d’exploitation dans le mode asiatique de production (19) : celui des finances ou pillage intérieur, celui de la guerre ou pillage extérieur et, en dernier, celui des travaux publics.

Ce dernier est peut-être pour Marx, celui qui explique, en termes historiques, le pourquoi de la centralisation des administrations, maintenant que ces dernières, afin de faire fonctionner l’économie d’extraction de l’excédent, devait concentrer ses forces sur de grandes œuvres pour l’arrosage artificiel et la conduite des ressources naturelles au moyen de canaux, rigoles, etc. Base d’une économie agraire conditionnée par la rigueur de la nature : sécheresses, débordements des rivières, pluies excessives, etc.

Ce trait caractéristique du mode de production asiatique qui, dans les écrits de Marx est généralisable pour d’énormes étendues territoriales qui traversent le temps et l’espace depuis des siècles, dans l’Inde possède un renforcement, et est dû à ce que la société hindou était très atomisée, non seulement par des royaumes de différents modèles, mais parce que toute la société était traversée par la structure de castes et le conséquent isolement l’une de l’autre. Le système de castes en Inde consistait dans l’héritabilité des fonctions sociales et en une hiérarchie en fonction de la personne en chacune d’elles : les brahmanes liés au culte de l’hindouisme, en tête; les militaires, les commerçants, les paysans, etc. L’idée de l’incontamination et le rejet social du mélange de castes attribuaient à ces sociétés un ordre hiérarchique basé sur le droit coutumier de parenté et d’activités et de métiers héréditaires selon la caste à laquelle appartenaient les individus.

L’atomisation que représentait le système de castes n’était pas l’unique pouvoir désagrégeant des ordres politiques et, pour le moment, sa faiblesse relative, autre était la permanence des communautés de village et son caractère auto-suffisant depuis le point de vue économique et, en partie, politique et culturel. Les communautés artisano-paysannes persistant au long des siècles avec un fonctionnement auto-gestionnaire, ne permirent pas d’organiser des pouvoirs plus étendus à partir de la base, sinon de superposer le pouvoir de l’envahisseur à ces unités de fonction, surtout, de l’extraction de l’excédent sous la forme d’impôts sur l’utilisation de la terre, de formes et de types divers. Il existait donc un percepteur (ou plusieurs) qui, joint à une petite élite de chaque village, extrayait les impositions qui étaient dérivées vers le pouvoir central des grands états. Pendant que ceux-ci , en plus du pillage, de la rapine et de la guerre de conquête , devaient garantir les travaux publics afin de maintenir leurs subsides et reproduire cette forme d’économie agraire. Marx nous dit à ce sujet :

‘’ Ces deux circonstances – d’une part, que les habitants de l’Inde, à l’égal de tous les peuples orientaux, laissassent dans les mains du gouvernement central le soin des grandes œuvres publiques, condition de base de leur agriculture et de son commerce et, d’autre part, que les indiens disséminés sur tout le territoire du pays se concentrassent à la fois en petits centres en vertu de l’union patriarcale entre agriculture et artisanat – provoquèrent depuis des temps très lointains un système de caractéristiques très particulières : celui appelé système village. Ce système était celui qui donnait à chacun de ces groupes son organisation autonome et sa vie particulière ‘’. (20)

Que nous ajoutions que la propriété de la terre, en général, était à caractère étatique ou bien appartenait à l’ensemble du village, étant des superpositions d’autorités qui s’établissaient afin de pouvoir récolter les impôts qui, généralement, étaient payés avec une partie de la récolte ou avec des produits manufacturés dérivés de l’artisanat des villages. N’existait pas encore le caractère privé et l’usufruit commercial du sol, mais des assignations territoriales dictées par les princes et les nobles, et assignées à des fonctions étatiques.

Marx souligne que l’envahisseur britannique a transformé, à grands traits, ces relations, soit par la rigueur des extractions imposées aux villages ou par les guerres – les degrés de pillage en rapport aux dominations antérieures – ou par des conquêtes que les armées impériales soumirent aux populations…

‘’ Si graves qu’ont été les conséquences de l’oppression et de l’abandon de l’agriculture, nous ne pouvons pas considérer que cela ait été le coup de grâce asséné par l’envahisseur britannique à la société indienne, si nous ne prenons pas en considération que tout cela a été accompagné de circonstances beaucoup plus importantes qui constituent une nouveauté dans les annales de tout le monde asiatique ‘’. (21)

Ces unités villageoises, qui pour Marx représentèrent ‘’ la base du despotisme oriental ‘’ font partie d’un processus de profonde transformation : ‘’ Ces petits organismes sociaux de formes stéréotypées ont été détruits, dans leur majeure partie, et disparurent, non pas tant par la faute du brutal percepteur britannique de contributions ou du soldat britannique, comme par l’action de la vapeur et de la liberté de commerce anglaise. Ces communautés de type familial avaient pour base l’industrie domestique, cette combinaison de tissage à la main, filage à la main et du travail à la main, qui leur permettait de se suffire à eux-mêmes. L’intromission anglaise qui confronta le filateur du Lanscashire au tisseur indien, a dissout ces petites communautés semi-barbares et semi-civilisées, en faisant sauter sa base économique, produisant ainsi la plus grande, et pour dire vrai, l’unique révolution sociale qui s’est jamais vue en Asie ‘’. (22)

En effet, un des aspects les plus sensibles de la transformation fut la ruine de l’artisanat villageois. Les résultats de la politique de libre commerce, et la fin du monopole de la Compagnie, en relation à l’exportation de produits manufacturés, introduisit les filatures technifiées anglaises en nombre toujours croissant à mesure que le siècle avançait :

‘’ En 1780, la valeur de la production des manufactures britanniques était de seulement 386.152 livres, le métallique exporté durant cette année de 15.041 livres, et la valeur totale des exportations de 12.648.616 livres, de telle sorte que le commerce avec l’Inde représentait à peine 1/32 de tout le commerce extérieur ‘’. (23)

L’ouverture du marché indien aux manufactures britanniques signifia que : ‘’ En 1850, les exportations totales de la Grande Bretagne et de l’Irlande à l’Inde furent de 8.024.000 livres, desquels seulement les tissus du coton représentaient 5.220.000 livres, de façon qu’ils totalisaient plus de 1/8 de la production de l’Angleterre et apportaient le 1/12 du total des rentes nationales ‘’. (24)

Ce processus impliqua, nous le réitérons, la ruine et la famine des artisans hindous, et une profonde désintégration des castes auxquelles ces derniers appartenaient. Vers 1850, l’industrie britannique compta sur une infrastructure, en relation au transport intérieur et extérieur pour ses produits, qui lui permit de réduire ses coûts de production et d’exportation. Des voies plus sécuritaires, des navires à vapeur mais surtout, le réseau ferroviaire qui permettait de franchir des distances commerciales inimaginables en très peu de temps, accompagnèrent ce processus de l’ingérence des étoffes et des tissus du Lancashire.

Cela est concomitant, à la fois, à deux facteurs qui contribuèrent à ruiner le métier à tisser manuel hindou. Le premier est que depuis 1857, l’extension de la monnaie d’argent en fonction des impôts et des échanges commerciaux fit monter les prix de tous les produits en Inde. Cela aboutit à ce qu’il coûtait plus cher à l’artisan de produire en petit volume et financer sa subsistance moyennant les prix en métal.

Pendant que les prix métalliques montaient, la main-d’œuvre devait suivre le prix de cette hausse, et la demande de produits manufacturés fut capturée par les bas coûts des marchandises anglaises. Les coûts de main-d’œuvre et le coût de la vie se lièrent pour ruiner le tissage manuel.

Certains auteurs soulignent aussi l’importance de la pénétration anglaise sur le marché indien à travers du fait qu’à cette époque, les tissus anglais avaient du succès parce qu’ils étaient compatibles avec les préférences culturelles des consommateurs locaux :

‘’ Le fait fut que les textiles anglais s’enchâssèrent dans une zone de préférence de consommation qui, en certaines occasions, fut occupée par des tissus de coton fins et de coton autochtones ‘’. (25)

Pour cet auteur, les aspects culturels, comme la permanence de l’incontamination propre d’un système de castes, la luminosité et le symbolisme des couleurs à l’intérieur de la religiosité, tant dans l’hindouisme que dans l’Islam en Inde, influa sur la décision des élites autochtones et sur la société en général afin opter pour les tissus et les produits britanniques (26).

Un autre aspect important de la transformation de la vie paysanne est constitué par la monétisation des relations sociales à travers les rentes et le commerce en relation avec le vieux système d’usure.

L’impôt monétisé aggrava le coût de subsistance des paysans hindous. Prenons en compte que, pour 1853, dans les mots de Marx : ‘’ …Presque les trois quarts du total des rentes provenaient de la terre sous forme d’impôts (27).

Le réaménagement de la propriété de la terre, de la part des administrations britanniques dans les zones occupées, amena la dépossession du sol de la part des paysans villageois. C’est à ce processus que se réfère Marx lorsqu’il développe les deux formes qu’il connaissait le plus, à ce moment, quoique la diversité des formes d’exploitation dut être plus grande.

Le zemindar fut implanté au Bengale et dans d’autres provinces au moyen de la loi du zemindari permanent, en 1783, promulguée par le gouverneur général anglais en Inde. En accord avec cette loi, les terres, appartenant depuis des temps immémoriaux aux communautés villageoises, étaient remises aux zemindars ou percepteurs fonciers comme propriétaires de la terre. Les zemindars devaient payer à la Compagnie des Indes Orientales une partie des tributs perçus parmi les paysans, soustraits souvent par la force ou la torture, comme Marx le dénonçait dans un de ses articles (28). L’autre système fut le ryotwari, implanté par les autorités britanniques sous les présidences de Madras et Bombay en 1818. Ce système convertissait la paysannerie indienne, le ryot, avant membre de la communauté de village, en locataires des terres du gouvernement. Le ryot était obligé de payer à la Compagnie une rente-impôt pour la location, et s’il ne pouvait payer cet impôt élevé, il perdait ses droits sur la terre. Graduellement, les terres des ryots passèrent aux mains des usuriers.

Marx fait remarquer que, entre l’état britannique et les cultivateurs, se généra toute une panoplie d’institutions sociales qui percevaient l’impôt au nom du gouvernement étranger :

‘’ Non contents d’avoir été placés, de la part du gouvernement britannique, en situation d’intermédiaires, ils créèrent à leur tour une classe ‘’ héréditaire ‘’ d’intermédiaires appelée patnidars qui établirent à leur tour leurs subpatnidars, etc., de façon qu’apparut une parfaite échelle hiérarchique d’intermédiaires qui opprimaient de toutes ses forces le malheureux cultivateur ‘’. (29)

Peut-être l’impact le plus fort, en relation avec les changements de coutumes, et au coût que la communauté indienne dut supporter avec l’intromission du libre commerce, la machinisation et la monétisation des relations sociales, fut la relation qui s’est établie entre l’usure et la nouvelle forme de commerce des grains.

En effet, l’Inde détenait l’usure depuis des temps reculés, par la caste des commerçants appelée bania (qui portait d’autres noms selon les régions ). Il s’agissait de commerçants héritiers à l’intérieur du système castes, qui avaient la charge d’avancer de l’argent à un ou plusieurs villages qui constituaient sa ‘’ clientèle ‘’, aussi de façon fixe durant des générations. La caste des banias accaparait le grain obtenu à très bas prix aux cultivateurs, et par la suite le revendait à de plus gros commerçants. Le système consistait en une série d’avances que le bania réalisait avec ses clients auxquels, par la suite, s’ajoutait un taux d’intérêt usuraire. Ces avances se réalisaient lorsque le paysan avait obtenu une mauvaise récolte. La permanence dans le temps du taux d’intérêt faisait que le village dépendait constamment de la bienveillance du bania, qui accaparait le grain dans de grands dépôts..

L’institution de l’usure, comme le souligne Hardiman, était une partie acceptée de la vie paysanne de l’Inde (30). Cependant, l’installation du chemin de fer agrandit la possibilité du commerce à des régions éloignées, permettant à la caste bania de spéculer avec la vente de grains aux lieux où le prix seraient le plus cher. Ce processus s’aggrava encore plus, comme nous l’avons vu, par la monétisation des échanges. A cette situation de paupérisation des villages, il faut ajouter que l’administration britannique n’interféra pas comme état central, à la différence des autres époques, afin que les accapareurs distribuent le grain entre les habitants affamés. Hardiman souligne que la combinaison entre le libre commerce et l’état non régulateur de ces conflits porta à un état de révolte permanente des villages affamés vers la fin du XIXè siècle. En effet, l’auteur se réfère à ce que ‘’ toute une économie morale de la subsistance ‘’, faisait que le paysan exigeait de son bania la distribution du grain en années de mauvaises récoltes. Les aspects religieux de l’hindouisme imprégnaient ces situations puisque la caste bania, du point de vue du paysan, avait le pouvoir d’éloigner les moussons, les tornades et les pluies d’extrême importance pour les cultures; et par conséquent, il pouvait éterniser le système d’usure. Ces aspects de la nouvelle société coloniale indienne complexifièrent les relations commerciales entre villages, produisant un spectre chaque fois plus ample d’échanges de produits, désarmant les compartiments étanches de la communauté villageoise en relation avec le commerce (31).

En dernier lieu, il nous intéresse de souligner que l’administration coloniale, malgré le fait d’introduire certains éléments de ‘’ modernisation ‘’ (qui, comme nous le voyons, minaient les relations traditionnelles hindous, tel le cas du télégraphe ou celui du train), ne produisit pas, par contraste, sous la direction de la Compagnie des Indes Orientales, un changement significatif en travaux publics, aspect fondamental du fonctionnement de l’économie agraire indien, et partie substantielle des politiques appliquées par les administrations centrales en occupation antérieure.

Marx le met en chiffre pour 1853 :

‘’ Des 19.800.000 livres perçues, à peine 166.300 furent employées pour la construction de chemins, de canaux, de ponts et autres œuvres de nécessité publique ‘’. (32)

Cela aggrava le cadre social de famine et de misère que nous décrivions, brisant les ‘’ contrats ‘’ millénaires entre les villages et le pouvoir central :

‘’ Donc, les britanniques prirent de leurs prédécesseurs le rameau des finances et celui de la guerre, mais négligèrent complètement celui des travaux publics. De là, la décadence d’une agriculture qui était incapable de suivre le principe anglais de la libre compétition, le principe du laissez faire, laissez aller ‘’. (33)

Pour culminer cet aparté, il est de toute importance de mentionner quelques paragraphes de Marx au sujet de la ‘’ double mission ‘’ que l’Angleterre devait accomplir en Inde.

Marx, comme il est connu, partageait une vision européiste de l’histoire, où les forces expansives du capitalisme liaient, de manière définitive et révolutionnaire, les transformations dans les relations sociales produites dans les colonies occupées, avec l’histoire de l’occident, au travers de l’investissement en forces productives et en technologie. La perspective – qui, par la suite, au XXè siècle, serait mise en doute et questionnée par les mêmes marxistes entre autres (34) – était que le développement du capital dans les colonies sortirait de la stagnation et du retard les sociétés ‘’ retardées ‘’, et les ferait cheminer vers des possibilités matérielles d’une révolution sociale avec une perspective socialiste. Pour cela, le pouvoir destructeur du capitalisme était indispensable et, dans les mots de Marx, ‘’ régénérateur de l’inertie ‘’ des sociétés pré-coloniales. Comme nous le dit l’historien Patrick Wolfe au sujet de la pensée de Marx sous ce rapport : ‘’ L’intrusion coloniale et la réorganisation de la société native occasionnèrent une destruction indicible afin de servir les requêtes du capital européen, mais le corollaire fut que le capitalisme en lui-même, avec ses chemins de fer, ses infrastructures industrielles et ses systèmes de communication, introduisit dans la société indienne un germe dynamique qui le sortirait de l’éternel marasme produit par le mode asiatique de production et la mettrait sur son propre cours de développement historique, un cours qui, éventuellement, porterait l’Inde à une transition vers le socialisme, à travers du capitalisme ‘’. (35)

La centralisation politique, les réseaux communicationnels et l’agrandissement des réseaux commerciaux au moyen du chemin de fer, ainsi que la construction de chemins et de ponts, sont, pour Marx, les effets positifs de l’administration coloniale, en fonction d’intégrer une société basée sur l’atomisation et la désagrégation hiérarchique du corps social, dues à de successives dominations et à son retard économique et social.

Pour cela, Marx voit dans ses articles une dialectique discutable mais solide à un penser critique de ‘’ l’Angleterre doit accomplir en Inde une double mission : une, destructrice, l’autre régénératrice; l’annihilation de la vieille société asiatique et la mise en place des fondements matériels de la société occidentale en Asie ‘’. (36)

Cette dialectique comporte, pour Marx, de nouvelles possibilités pour le peuple indien : ‘’ Tous ceux qui se voient obligés à faire de la bourgeoisie le sujet de leur révolution n’émanciperont pas les masses populaires, ni n’amélioreront substantiellement leur condition sociale, puisque tant l’une que l’autre dépendent non seulement du développement des forces productives, mais de ce que le peuple les possède ou non. Mais, ce que ne cessera pas de faire la bourgeoisie est d’asseoir les prémisses matérielles nécessaires pour les deux choses …’’. (37)

3) La rébellion indienne 1857-59

La possibilité existe de penser la rébellion indienne de l’armée des cipayos de 1857 comme le dernier cris de guerre de l’Inde traditionnelle contre les conditions de la domination britannique.

En effet, si on pense aux appuis obtenus par la rébellion et à sa composition, ainsi qu’à ses meneurs, nous pouvons dire que ses objectifs avaient comme principal propos de se libérer du joug anglais afin de restaurer de nouveau le vieil empire Mongol. Nous voulons faire remarquer deux aspects importants afin de saisir l’extension et la durée de la rébellion.

En premier lieu dire que, quoiqu’il s‘agissait d’une insurrection composée par les villageois et les artisans ruraux pauvres, qui composaient le gros de l’armée cipayote, et qui étaient recrutés à partir des villages dans les royaumes occupés par les britanniques ou leurs états subsidiaires, l’insurrection n’aurait pu perdurer sans l’action idéologique qu’impliqua l’appui des castes supérieures autochtones, comme les brahmanes et les rajputs du nord de l’Inde, les nababs musulmans, et même les princes et les nobles hindous d’un certain appui populaire.

Suivant Chesneaux, l’auteur nous reflète les motivations de ces couches supérieures :

‘’ …L’insurrection bénéficia d’autres aides : celle des princes indiens et des politiciens récemment supplantés par l’administration anglaise ou menacés par leur politique d’absorption des principautés indiennes; celle des cadres, inquiets devant le progrès des missions chrétiennes; celle des artisans ruinés par la compétition des marchands anglais…’’. (38)

A proprement parler, leur composition de classes fut très hétérogènes, et cela aussi fut la cause de leur défaite militaire.

En rapport avec les princes ‘’ indépendants ‘’, déjà en 1853 Marx tente de caractériser l’ambivalence de la position de ces gouvernants dans les états subsidiaires de l’empire anglo-indien. Marx souligne, en général, le peu d’ascendance que ces nababs, rajaes et jagirds possèdent sur leurs propres peuples, et insiste sur la nécessité de préparer – s’ils le désirent, de ‘’ nouvelles exigences ‘’ de liberté pour l’Inde – une nouvelle classe qui génère de nouvelles directions politiques (39).

Cependant, vers 1857, le nord se vit affecté, depuis ses couches supérieures jusqu’aux inférieures, par toutes sortes d’arbitrarités de la part des autorités britanniques et de la Compagnie. Ces derniers allèrent des invasions illégitimes aux royaumes subsidiaires comme Oudh (40), jusqu’aux augmentations arbitraires des systèmes impositifs, aux offenses religieuses qui dérangèrent la caste brahmane, par des tortures afin de soutirer les impôts, et de l’instabilité des accords avec les états autochtones indépendants comme le Punjab.

Le second élément d’importance est le fait que, comme le constate Marx, à partir du point de vue de la domination britannique, l’exigence de former une armée native afin de contrôler les domaines britanniques ne cessera pas d’être une arme à double tranchant :

‘’ …200 millions de natifs réprimés par une armée de 200.000 hommes, commandée par les anglais, et cette armée native, à son tour, contrôlée par une armée anglaise de seulement 40.000 hommes. Il devient évident, à première vue, que la loyauté du peuple indien se fonde sur la fidélité de l’armée native, à croire que le régime britannique organisa simultanément le premier centre général de résistance que le peuple de l’Inde aie jamais possédé. (41)

Cette constatation de Marx, de toute importance, nous croyons cependant qu’elle oublie que l’existence de ce commando unifié, sans précédent dans l’histoire de l’Inde, étant vrai, elle reproduisait en son sein les conduites et les déséquilibres sociaux de l’inde traditionnelle : Vers 1858, la promesse britannique de restituer des terres aux propriétaires fonciers insurgés, qui leurs avaient été usurpées, ainsi qu’une politique (maintenant conduite par la Couronne) de plus grand respect pour les traditions religieuses de la culture indienne (surtout celle des brahmanes), comme tout changement dans la façon de domination britannique dans le sens d’intégrer le peuple hindou à certaines valeurs occidentales, décapita l’insurrection. Cela laisse à découvert, non seulement les puissants clivages de classes dans la composition de l’armée cipayote, mais aussi cette suggestion de Marx que l’indépendance devait regarder vers de nouvelles idées dans un futur, et que maintenant il était impossible de restaurer les valeurs et les formes historiques qui avaient caractérisé la culture de l’Hindoustan pré-colonial. Comme nous le faisions allusion, la cause fondamentale de l’insurrection, à laquelle précédèrent quelques soulèvements armés contre les anglais, fut l’indignation générale de toutes les couches de la population indienne pour les cruelles méthodes d’exploitation coloniale : les impôts extraordinairement élevés, qui finirent par ruiner le paysan indien et par exproprier les possessions de certaines couches supérieures comme les zemindars du Bengale; la politique d’annexion des territoires indiens encore indépendants; le système de torture pendant la perception des impôts, et la terreur pratiquée par les autorités anglaises; la brutale violation de la part des hommes de la Compagnie des traditions et des coutumes séculaires et sacrées du peuple.

L’insurrection éclata au printemps de 1857 (on se préparait depuis le milieu 1856) dans les unités de l’armée cipayote casernées dans le nord de l’Inde. Les troupes de cipayos de l’armée du Bengale, concentrées sur les points les plus importants de la région, et qui disposaient du gros de l’artillerie, devinrent le noyau de l’insurrection.

L’armée cipayote, formée de préférence par des représentants des couches supérieures indiennes et musulmanes, reflétait le mécontentement de la paysannerie indienne (dans laquelle on recrutait des soldats cipayos), et celle d’une certaine partie de la noblesse du nord de l’Inde (spécialement de Oudh), avec laquelle était spécialement liée l’officialité cipaya.

L’insurrection populaire, dont l’objectif était de renverser la domination étrangère, s’étendit amplement, embrassant les populations les plus importantes de l’Inde centrale et du nord, les principales étant Delhi, Lucknow, Kampur, Rohilkand, l’Inde centrale déjà mentionnée et Bundelhkand.

La raison militaire immédiate de son échec réside dans le manque d’une direction unique et d’un plan commun d’action. Cela, comme nous le voyons, était conditionné par la dissociation hiérarchique de l’inde et l’extraordinaire variété ethnique de la population.

Tous ces facteurs furent mis à profit avec audace par les anglais, dans leur lutte contre le soulèvement, qu’ils écrasèrent avec l’aide active de certains royaumes. L’abstention, par exemple, des principaux du Sindh, du Népal et de l’Hyderabad fut décisive. L’avantage technico-militaire anglais fut un facteur important.

La dénonciation faite par Marx, dans ses articles, de l’hypocrisie de la presse officielle britannique en rapport à la cruauté de l’armée cipayote contre l’envahisseur anglais occupa une grande partie de ses analyses. Il nous dit à ce sujet :

‘’ …on ne doit pas oublier que pendant que se commettent les cruautés des anglais comme actes intenses de vigueur martiale, relatés avec simplicité et rapidement, sans s’attarder aux détails désagréables, les outrages des natifs, choquants en eux-mêmes, sont exagérés de façon délibérée ‘’. (42)

D’autre part, c’est Engels qui reprend quelques conclusions dans le dénouement de l’insurrection, dans un article pour le même périodique. Engels relate la façon dont l’armée britannique devait contenir ses troupes afin de freiner le pillage, la violence et l’expropriation, véritable ‘’ nouvelle accumulation de richesses moyennant la répression ‘’, aux moments de la défaite militaire des cipayos et la réoccupation pendant des jours des villes importantes comme Delhi ou Locknow. La comparaison avec les mogols et leurs excès ne cesse pas d’être significative afin d’illustrer la répression versée par les britanniques :

‘’ Les hordes Kalmouks de Gengis Khan et de Timur, à se lancer sur une ville comme une trombe de fléaux et dévorer tout ce qu’ils rencontraient sur leur passage, doivent avoir été une bénédiction pour le pays, en comparaison de l’irruption de ces soldats britanniques chrétiens, civilisés, chevaleresques et courtois ‘’. (43)

L’insurrection fut définitivement écrasée vers les débuts de 1859, avec le renversement des guérillas musulmanes au Cachemire. Mais, à n’en pas douter, comme nous faisions allusion auparavant, cela signifia tout un changement dans le système colonial dans la façon d’administrer les ressources et d’intégrer ‘’ culturellement ‘’ l’Inde dans les manières britanniques de vie.

D’autre part, si la domination britannique survécue avec des avantages au soulèvement, il n’en fut pas ainsi avec la Compagnie des Indes Orientales : vers les milieux de 1858, le Parlement britannique approuva la loi par laquelle ses droits, enchâssés dans la Charte de la Compagnie, seraient définitivement abrogés, et les territoires et leurs usufruits passeraient aux possessions de la reine Victoria et de l’administration impériale.

Se terminait ainsi tout un symbole de la sanglante histoire de la domination britannique en Inde.

Bibliographie

Bayly, C. : ‘’ Les origines de la swadeshi (industrie domestique). Tissus et société hindou, 1700-1930 ‘’, dans Appendarai, La vie sociale des choses, Grijalbo, Mexico, 1991

Chesneaux, J. : ‘’ L’Asie orientale et les siècles XIX-XX ‘’. Labor, Barcelone,1976

Elorza, A. : ‘’ Le royaume de Rama ‘’, dans Rev. Historia 16, no. 221

Hardiman, R. : ‘’ Usure, disette et famine dans l’Inde occidentale ‘’, dans Rev. Past and Present, no. 152,août 1996

Marx K. et Engels F. : ‘’ Sur le système colonial du capitalisme ‘’, Études, Bs.As., 1964

Pannikkar, K.M. : ‘’ L’Asie et la domination occidentale ‘’, Eudeba, Bs.As.,1966

Wolfe, P. : ‘’ Histoire et impérialisme. Un siècle de théorie, de Marx au post-colonialisme ‘’, dans Rev. Taller, vol. 6, no. 18, Bs.As., avril 2002

Notes

( 1) : L’article intégralement dédié à la Compagnie des Indes Orientales se nomme ‘’ La Compagnie des Indes Orientales, son histoire et les résultats de son activité ‘’; article du New York Daily Tribune du 24 juin 1853 (plus avant nous citons NDT et la date d’écriture de l’article. K. Marx et F. Engels Sur le système colonial du capitalisme. Études, Bs.As., avril 2002

( 2) : NDT 24 juin 1853 p. 65

( 3) : NDT idem p. 66

( 4) : Pannikkar, K.M. L’Asie et la domination occidentale. Eudeba, Bs.As., 1966 p. 99

( 5) : NDT 24 juin 1853 p. 68

( 6) : NDT idem p. 63

( 7) : NDT idem p. 64

( 8) : NDT idem p. 68

( 9) : NDT idem p. 70

(10) : NDT idem p. 70

(11) : NDT idem p. 71

(12) : NDT idem p. 71

(13) : NDT idem p. 72

(14) : NDT idem p. 72-73

( 15) : Leadenhall, St. était le lieu où résidait la Cour des Directeurs, actionnaires de la Compagnie. Cannon Row était le siège du Comité de Contrôle. Les deux institutions se situaient dans la ville de Londres.

(16) : NDT ‘’ Le gouvernement de l’Inde ‘’, 5 juillet 1853, p.90

(17) : Par rapport aux problèmes historiques en relation au ressurgissement de l’hindouisme, que l’on voit Elorza, A. ‘’ Le royaume de Rama ‘’, dans Rev. Historia 16 no. 221, pp.71-79

(18) : NDT ‘’ La domination britannique en Inde ‘’, 10 juin 1853 pp. 51-58

(19) : C’est peut-être pour ces années où Marx commença à se préoccuper pour les formes pré-capitalistes de production qui par la suite figureront comme annotations dans les Grundrisses. Sous ce rapport, il est intéressant de relever comment c’est Engels qui indique à Marx l’importance des travaux publics dans le MPA. Voir à ce sujet la lettre d’Engels à Marx du 6 juin 1853 où il lui donne quelques clés pour ses articles sur la question.

(20) : NDT 10 juin 1853 p. 55

(21) : NDT idem p. 54

(22) : NDT idem p. 57

(23) : NDT 24 juin 1853 p. 71

(24) : NDT idem p. 71

(25) : Bayly, C. ‘’ Les origines de la swadeshi (industrie domestique): Tissus et société hindou 1700-1930 dans Appendarai, La vie sociale des choses, Grijalbo, Mexico, 1991, p. 381

(26) : Pour l’acceptation des tissus pour des raisons culturelles plus qu’économiques, que l’on consulte Bayly, C. cit. pp. 379-381

(27) : NDT ‘’ l’Inde ‘’ 19 juillet 1853 p. 99

(28) : L’article en question est NDT ‘’ Recherche sur les tortures en Inde ‘’ 28 août 1857 pp. 181-187

(29) : NDT 19 juillet 1853 p. 101

(30) : Hardiman, R. ‘’ Usure, disette et famine en Inde orientale ‘’ dans Rev. Past and Present, no. 152, août 1996, trad. Luis Bou, p. 25

(31) : Hardiman, R. cit. p. 25

(32) : NDT ‘’ Les réformes de Sir Charles Wood en Inde orientale ‘’ 7 juin 1853 p. 50

(33) : NDT 10 juin 1853 p. 54

(34) : L’article où Marx tire ses conclusions résolument positives de la ‘’ modernisation britannique ‘’ est NDT ‘’ Les futurs résultés de la domination britannique en Inde ‘’ 22 juillet 1853 pp. 104-111

(35) : Wolfe, P. ‘’ Histoire et impérialisme. Un siècle de théorie, de Marx au post-colonialisme ‘’ dans Rev. Taller, vol. 6, no. 18, Bs.As., avril 2002 p. 66

(36) : NDT 22 juillet 1853 p. 105

(37) : NDT idem p. 109

(38) : Chesneaux, J. ‘’ L’Asie orientale et les siècles XIX-XX, Labor, Barcelone, 1976 p. 85

(39) : L’article intégralement dédié à caractériser le rôle joué par les princes dans le schéma de domination britannique est NDT ‘’ Le problème de l’Inde orientale ‘’ 12 juillet 1853, pp. 91-98

(40) : La trame de l’invasion au royaume d’Oudh, détonnant indirect de la rébellion cipaya est en NDT ‘’ L’annexion d’Oudh ‘’ 14 mai 1858, pp. 215-221

(41) : NDT ‘’ Le soulèvement de l’armée indienne ‘’ 30 juin 1857, p.162

(42) : NDT ‘’ La rébellion indienne ‘’ 4 septembre 1857, p. 195

(43) : NDT ‘’ L’armée britannique en Inde ‘’ 4 juin 1858, p. 224

Traduit de l’espagnol par :

Pierre Trottier, septembre 2003
Trois-Rivières, Québec, Canada

Source : www.lainsignia.org



Sujet: 
Publication espagnol
Auteur-e: 
Paul
Date: 
Jeu, 2003-09-25 11:34

Salut Pierre,

Je viens de valider le texte que tu as soumis et je veux te demander s'il est possible que tu le soumette aussi en espagnol si tu en as un copie électronique. Ça pourrait garnir le site espagnol du CMAQ avec un article qui, ma foi, tiens plus de l'ouvrage scientifique de qualité que du commentaire anondin.

Merci de ta contribution,

Paul Massabki, p...@camq.net
P.S.: Si j'avais ton courriel je t'aurais écris directement.


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