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Mesures antiterroristes au Pays Basque

Anonyme, Vendredi, Juillet 4, 2003 - 06:58

Observatoire Basque des Droits Humains

Les actions de destruction réalisées contre les États-Unis il y a presque deux ans et l'impact qu'elles ont eu dans les médias, ont généré un état d'esprit particulier dans la communauté internationale. Cet état d'esprit (qui invoque la peur, la panique, la terreur, qui neutralise l'autonomie de la volonté et qui prive complètement de sens critique et de discernement) a donné la priorité à l’adoption de mesures de sécurité contraires au respect des droits humains et des libertés publiques. Des gouvernements ont mis en œuvre de nouvelles législations et ont pris des mesures pour faire face à la nouvelle situation, en créant "une loi pour l'ennemi, plus que pour le citoyen". Les États ont exploité à fond cette lutte "antiterroriste" en vue de leurs propres intérêts. Ils ont défini le concept de terrorisme de façon à servir leurs intérêts concrets. Même s'il n'y a pas, dans le cadre international, une définition commune de ce qu'on comprend par "terrorisme", chaque gouvernement a décidé d'établir sa propre définition en tenant compte de ses propres intérêts géostratégiques.

Dans sa résolution 2001/37, la Commission des droits humains des Nations Unies, demande instamment aux États qu'ils développent les mesures antiterroristes "en conformité stricte avec le droit international, y compris avec les normes des droits humains". Ceci n'est pas une simple rhétorique : l’organisation internationale a lancé un cri d'alarme en raison des graves abus et des transgressions que les États commettent au nom de la lutte antiterroriste. Et ceci est un simple exemple extrait d’un processus plus important pour la protection et la promotion des droits humains partout dans le monde.

Beaucoup de gouvernements (les États Unis, le Royaume Uni, Israël, la Colombie... et évidement l'Espagne) se sont servis de ce consensus international sur la priorité du combat contre le terrorisme, pour justifier et légitimer leur lutte contre toute forme d'opposition ou de dissidence. Et, plus encore, ils ont obligé d'autres États, à travers la Commission antiterroriste du Conseil de sécurité et d'autres organisations inter-États, à adopter ces mesures exceptionnelles, à créer des législations antiterroristes spéciales, et à les appliquer. À nouveau se présente la contradiction entre sécurité et liberté. Nous avons pu juger le grave et direct impact que ces nouvelles mesures dites "antiterroristes" ont eu en ce qui concerne la protection des droits humains et la jouissance des libertés publiques.

L'Observatoire basque de droits humains voudrait faire référence à deux façons de faire qu’on retrouve dans des contextes politiques différents et qui sont devenues une pratique "antiterroriste" habituelle dans certains États.

Premièrement, on trouve toutes les mesures spéciales adoptées pour le traitement des personnes détenues sous l'accusation générique de "suspects de terrorisme". L'utilisation de législations spéciales pour le traitement de ce groupe de détenus permet la dénégation de la présomption d'innocence, la privation arbitraire de liberté, la violation du droit à un procès juste, la détention au secret, la dénégation à l'accès à un avocat... Cette situation peut aboutir à de profondes violations des droits humains, à des cas de torture, de meurtres extrajudiciaires, de disparitions et d'autres situations connues comme faisant partie de la guerre sale.

Deuxièmement, nous percevons une évidente utilisation du discours antiterroriste comme prétexte pour attaquer des groupes d'opposition ou des groupes qui ont des idées dissidentes de celles du système. Un grand nombre de mouvements et d'organisations qui travaillaient dans un cadre public et légal ont été mis hors-la-loi et incluses dans des listes nationales ou internationales d'organisations terroristes. Et cela, sans que ces organisations puissent avoir recours à un procès, avec toutes les garanties légales, pour pouvoir faire appel de cette inclusion et ainsi pouvoir se défendre. En relation avec cette insécurité légale, il y a eu des graves violations de la liberté d'expression, d'opinion et du droit d'association, tout cela représentant en plus, une agression très importante contre le principe même de la démocratie.

De fait, ce contexte politique est très difficile, spécialement pour ceux qui travaillent pour "l'application d'un des droits humains les plus fondamentaux: le droit des peuples à la libre détermination", selon les mots de la représentante spéciale du Secrétariat général des Nations Unies sur la question des défenseurs des droits humains, Mme Hina Jilani, dans son rapport E/CN.4/2002/106. Mme Jilani affirme que "malgré la malheureuse mise en équivalence entre défense pacifique et légitime du droit à la libre détermination, et terrorisme -quelles que soient les formes utilisées pour définir ce mot- n'est pas un phénomène nouveau, mais l'ampleur de ce phénomène est chaque fois plus grand et les défenseurs des droits humains qui se sont consacrés à la réalisation du désir de libre détermination des peuples sont en train de vivre des moments très amers, puisqu'ils sont au centre d'attaques renouvelées et continues dans le monde tout entier".

Des organisations et des institutions internationales se sont vues confrontées à ce phénomène. Les situations et les exemples relatés par les organisations internationales de défense des droits humains sont nombreux. Ces organisations se sont référées aussi aux mesures qui ne peuvent pas être adoptées sous prétexte de lutte contre le terrorisme, en tenant compte du cadre de la loi et du respect des droits humains. Le Comité des droits humains, la Cour européenne des droits de l'homme, la Commission interaméricaine des droits humains... toutes ces organisations se sont exprimées dans ce sens.

Cette polémique s'est reflétée au sein de l'Union européenne. En décembre de l'année passée, les chefs de gouvernement et des États de l'Union européenne se sont réunis à Laeken pour adopter la décision cadre pour le combat contre le terrorisme, en créant de nouvelles normes obligatoires qui devraient être adoptées par tous les États membres, même par ceux n'ayant aucun problème de terrorisme. Ces chefs d'États et de gouvernements n'ont pas été capables de trouver une définition commune du terrorisme, mais ils ont défini ses causes, son intentionnalité. Ceci signifie que pour savoir ce qu'est le terrorisme, il faut analyser les effets des présumées actions terroristes. Les conséquences de cette définition sont assez claires: toute dissidence ou groupe d'opposition peut générer un effet que l'Union européenne pourrait peut-être considérer comme étant du terrorisme. C'est dans ce contexte que ce qu'on nomme les "listes de terroristes" ont été créées, et où ont été inclues des personnes et des organisations.

Dans la conception de ce cadre, l'État espagnol a joué un rôle crucial, en fonction de ses intérêts particuliers relatifs à la question basque. Le mouvement associatif basque jouit d'une bonne santé : les mouvements sociaux ont une réelle capacité d'incidence dans tous les domaines sociaux, les organisations populaires véhiculent des revendications sociales, culturelles et politiques, la (ainsi nommée) "société civile" est active et a la capacité de transmettre ses projets, de travailler avec d'autres organismes et de faire face aux projets du pouvoir. En définitive, la dissidence et l'opposition populaire au Pays Basque jouissent, en termes généraux, d'une bonne santé. Dans ces conditions, l'État a deux possibilités pour faire face à ce mouvement social militant et activiste : mobiliser ses bases sociales pour répondre dans les mêmes termes à ce mouvement émergent ou recourir à la répression. La première possibilité a été un échec : c'est vrai qu'à certains moments très concrets les bases sociales réactionnaires sont mobilisées et manifestent dans la rue, mais leur engagement n'est pas suffisant pour faire face à un mouvement actif, vivant et organisé. Alors, l'État utilise l'autre moyen de contrôle que nous avons signalé auparavant : la répression. On pourrait dire que la répression joue deux rôles, bien que contradictoires : d'une part, la répression évite que ce mouvement social large et actif soit le moteur du changement social, mais, d'autre part, elle rend plus évident le manque de démocratie d'un État qui doit recourir à ces méthodes pour être encore hégémonique et se perpétuer. C'est ce qui se passe actuellement et s'il est clair que la répression a empêché le mouvement dissident basque d'avoir la capacité d'être le moteur du changement politique, social et culturel du Pays Basque, cette répression a démontré plus clairement que jamais que l'État espagnol n'est pas un État démocratique, qu'il est disposé à transgresser et à vider de leur contenu les droits et les libertés fondamentales. C'est-à-dire, et ceci est l'aspect contradictoire de la répression: elle parvient à arrêter des initiatives politiques et sociales, mais en même temps, elle augmente la perception du non-fonctionnement démocratique de l'État espagnol.

Maintenant, le gouvernement espagnol peut présenter l'ensemble de l'opposition basque comme terroriste et utiliser les mesures antiterroristes dans les deux sens que nous mentionnions précédemment :

D'une part, en accusant des citoyens basques d'être "des présumés terroristes", sans aucun autre type de preuves ou de justification que la parole de la police. Il faut signaler les mesures exceptionnelles antiterroristes qui ont été conçues, en opposition aux standards internationaux sur les droits humains, en utilisant le régime de la mise au secret des détenus, ce qui donne une couverture à la torture, en refusant le droit à un procès avec toutes les garanties puisque tous les procès se font devant un tribunal d'exception où les déclarations des détenus obtenues sous la torture sont utilisées comme preuves suffisantes pour justifier une sentence condamnatoire... Il faut rappeler que le dernier rapport (E/CN.4/2002/76/Add.1) présenté par le Rapporteur Spécial pour la torture, Theo van Boben, à la Commission des droits humains des Nations Unies reconnaissait l'existence de 58 cas de torture dénoncés par des citoyens basques pendant l'année 2000.

D'autre part, des organisations politiques, sociales, qui jusqu'à maintenant travaillaient publiquement et légalement, ont été mises hors-la-loi et leurs activités suspendues en considérant que ces organisations étaient des organisations terroristes. Pour ces attaques contre des organisations légales, des organismes comme Amnistie Internationale, la Fédération internationale des droits humains, l'Organisation mondiale contre la torture, ont reconnu la violation des droits d'association, d'opinion et d'expression.

Dans cette attaque, le gouvernement espagnol a suivi deux voies: une, celle correspondant à l'activité du juge Baltasar Garzon, juge d'instruction de l'Audiencia Nacional, qui a décidé que des organisations sociales, politiques et même des moyens de communication, se trouvaient dans la mouvance d'ETA et que, conclusion logique, ces organisations et ces moyens de communication appartenaient à ETA. Le juge d'instruction a la capacité de prendre des mesures préventives spéciales et ainsi, il peut suspendre les activités des organisations qui commettent des délits. Néanmoins, ce qu'il fait n'est pas de suspendre leurs activités à titre préventif, il les met hors-la-loi (même s'il n'est pas autorisé à prendre ces mesures). Pour prendre ces décisions, il n'a présenté aucune preuve rationnelle de culpabilité. Plus de deux cents personnes ont été impliquées dans ce procès. Peut-être, quand, quelques années plus tard, le procès aura lieu, les accusés seront déclarés innocents et les mesures préventives levées, mais sans aucun doute, le mal sera déjà fait et le premier objectif (arrêter l'activité de ces organisations) obtenu. L'autre voie a été la réforme de la Loi des partis et les partis qui ne sont pas d'accord avec "les principes constitutionnels" seront considérés comme étant hors-la-loi espagnole. La décision a été adoptée par une Salle spéciale du Tribunal suprême. Il n'y avait pas de preuves, elles ont été remplacées par une campagne médiatique sans précédent destinée à convaincre l'opinion publique. Peut-être la Cour européenne des droits de l'homme rectifiera la décision prise, mais à nouveau, il sera trop tard. L'activité de Batasuna aura été suspendue pendant de longues années avec des conséquences évidentes pour ses électeurs et pour la démocratie.

Ces méthodes n'ont pas été conçues exclusivement à la suite des attaques du 11 septembre à New York. Elles ont été définies précédemment. Il est possible que l'impact antiterroriste global ait accéléré l'application de ces mesures, mais ceci n'est pas une mesure nouvelle contre le peuple basque. Notre expérience dans les dernières décennies s'est renforcée par les graves violations des droits humains et par le manque de garanties dans la promotion et la protection des droits humains. La résolution de cette situation est le défi auquel nous devons faire face. Il est important, en plus, de faire entendre notre cri d'alarme pour que, de la même façon, d'autres pays ne subissent pas une situation pareille à celle qui est en train de se produire au Pays Basque.

Les actions de destruction réalisées contre les États-Unis il y a presque deux ans et l'impact qu'elles ont eu dans les médias, ont généré un état d'esprit particulier dans la communauté internationale.
www.behatokia.info


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