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La Structure de la Domination Mondiale

pier trottier, Lundi, Mars 31, 2003 - 14:37

Vers la fin des années 1990,l'OCDE par le biais du Council of International Business tentait de monter un horrible complot contre la démocratie, complot qui fut découvert...

KOEYU
Caracas , Septembre 2002
Par : Atilio Boron
Mondiale : de Bretton Woods à l'Accord Multilatéral sur les Investissements
A la fin des années 90, l'OCDE par l'entremise du Council of International Business tentait le plus formidable attentat contre la démocratie, tentative qui fut dénoncée par un organisme canadien par le biais d'internet...
L'objectif de ce travail est d'examiner les grandes transformations expérimentées par le système capitaliste international dans les deux dernières décades du XXè siècle, dans le but de mettre en relief les principaux traits qui caractérisèrent la structure et le fonctionnement de l'hégémonie nord-américaine. Divers auteurs, dont Noam Chomsky d'entre les plus connus, ont démontré qu'à partir de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la diplomatie américaine se donna pour tâche de dessiner et de mettre en fonctionnement un ensemble d'institutions inter-gouvernementales destinées à préserver la suprématie des intérêts des États-Unis et à régler le fonctionnement du système international afin d'assurer sa gouvernance adéquate en fonction de la superpuissance.
Cette proposition se caractérisa par la création d'une triade d'agences et d'institutions :

a) Les institutions économiques émanées principalement des accords de 1944 signés à Bretton Woods, et qui donnèrent naissance à la Banque Mondiale (BM), au Fond Monétaire International (FMI) et, peu après, au Gatt.
b) Un ensemble dense d'institutions politiques et administratifs , engendrés sous le "manteau pourvoyeur" des Nations Unies créés en 1945 à San Francisco : FAO, UNESCO, OIT, OMS, PNUD, UNICEF, et beaucoup d'autres. Dans l'encadrement hémisphérique, l'initia- tive la plus importante fut la dissolution de la vieille Union Panaméricaine et la création de l'Organisation des États Américains (OEA).
c) Un système complexe d'alliances militaires conçu pour pour établir une sorte de '' cordon sanitaire '' capable de garantir la contention de la menace soviétique, dont l'exemple le plus probant a été la création de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Dans le cas latino-américain, cette politique se concrétisa par la signature du TIAR, Traité Inter- Américain d'Assistance Réciproque et par la création de l'Ecole Internationale de Défense, organismes qui accomplirent un rôle crucial dans la réaffirmation de l'hégémonie nord-américaine dans l'aire et le soutien de ténébreuses dictatures militaires. Ces institutions existent encore aujourd'hui et, pendant la Guerre Froide, furent les institutions politiques et militaires de l'ordre mondial, exercèrent la fonction d'articulation générale de la domination à partir du capital financier et de la crise et la décomposition du camp socialiste – phénomènes qui s'étendent tout le long de quasi deux décades, la première à partir du commencement des années 70 et la seconde à partie de la décennie suivante – ce qui produisit un déplacement du centre de gravité de l'empire depuis ses institutions politico-administratives vers celles à caractère économiques.

Cette transformation se manifesta à travers les mutations suivantes :
Pour une part, par une dévaluation du rôle des agences et institutions politiques, administratives et militaires comme gardien de la paix internationale ou comme réassurance supposément appelée à empêcher que la bipolarité atomique n'eût comme dénouement une guerre thermonucléaire. Les États-Unis et leurs alliés utilisèrent l'ONU et ses diverses agences afin de neutraliser, au début des années 60, la menace qu'un Patrick Lumumba radicalisé représentait pour les intérêts occidentaux au Congo ; mais elles furent celles qui pendant 27 ans soutinrent le régime de Mobutu, un des pires et des plus corrompus de l'histoire de l'Afrique indépendante. Semblablement, l'ONU toléra avec une totale passivité le sabotage du processus de paix en Angola, mais collabora activement aux efforts pour sortir Milocevic de Bosnie et du Kosovo, objectif de premier plan pour l'OTAN. En relation avec ce qui vient d'être dit, il convient de ne pas oublier l'imposant rôle exercé par cette dernière dans la crise des Balkans : devant l'impossibilité nord-américaine d'obtenir, dans le cadre de l'ONU, une approbation pour sa politique belliqueuse et génocidaire en Yougoslavie, le gouvernement de Clinton opta pour se servir de l'OTAN à de telles fins. Cette déplorable involution, consentie par le silence du Secrétaire Général de l'ONU, s'additionne aux légitimes doutes sur la structure non démocratique du gouvernement des Nations Unies, où les cinq « grands » conservent encore aujourd'hui le pouvoir de veto au Conseil de Sécurité, organe qui va arrêter toutes les affaires importantes de l'ONU. Avec le résultat que, pendant que le Conseil de Sécurité se trouve occupé à une question, les autres affaires ne peuvent pas être débattues par l'Assemblée Générale où domine la règle « d'un pays un vote », et où il n'existe pas de pouvoir de veto. Une significative partie de la crise qui caractérise le système international doit être attribuée à la persistance d'une structure profondément anti-démocratique au sein des Nations Unies.
Le déplacement en direction des institutions de Bretton Woods se vérifia aussi par l'attaque systématique des grandes puissances, sous le leadership nord-américain, au supposé tiers-mondisme de l'ONU et des agences. Cela donna naissance à diverses initiatives, telles que la sortie des États-Unis et du Royaume-Uni de l'Unesco durant l'apogée du néo-conservatisme de Reagan et de Tatcher ; la rétention du paiement des quotes-parts de soutien financier à l'ONU ; des coupures significatives dans le budget des agences « suspectées de tiers-mondisme » comme l'Oit, l'Unesco, Unido, Unctad. Il convient de rappeler qu'en 1974 l'Assemblée Générale des Nations Unies adopta la Charte des Droits et Obligations Economiques des États, un remarquable corps légal dans lequel on avait établi le droit des Gouvernements à « contrôler et exercer leur autorité sur les investissements étrangers », ainsi que « contrôler et superviser les activités des entreprises multinationales » : un éloquent mémoire de combien était différente la corrélation mondiale des forces prévalentes à cette époque qui offrait un article spécifique de la Charte dans lequel on réaffirmait le droit des États à nationaliser, exproprier ou transférer la propriété des investisseurs étrangers (Parritch 11). Mais cela n'était pas tout : la Charte était accompagnée d'un Code de Conduite pour les Entreprises Transnationales, ces deux initiatives destinées à favoriser la meilleure connaissance des nouveaux acteurs de l'économie mondiale et à rendre possible le contrôle public et démocratique de ses actions.
Depuis 1970, le Forum Économique Mondial venait se réunir à Davos mais la corrélation mondiale des forces qui faisait entendre sa faible voix ne parvenait pas à empêcher ou même à retarder cette prise de position des Nations Unies. Il est superflu de souligner que tous ces déplacements achoppèrent avec l'opposition fermée du gouvernement des E.U et de leurs plus inconditionnels alliés, à commencer par leur plus obédientiel chien de garde, le gouvernement du Royaume-Uni. La réaction culmina, maintenant soutenue l'hégémonie du capital financier, avec l'abolition du célèbre Code de Conduite et la liquidation du Centre des Études de l'Entreprise Transnationale. Les initiatives issues de ces années connurent aussi un sort similaire, tendant à démocratiser les communications au moyen d'un Nouvel Ordre Informatif International. Comme signe des temps, dans les ultra néo-libéraux des années 90, ce qui se discuta fut la façon d'imposer un Accord Multilatéral d'Investissements qui, d'être approuvé, eut signifié clairement et platement la légalisation de la dictature que, de fait, exerceraient les grandes entreprises sur les marchés, parce que la souveraineté des états nationaux en matière légale et juridique resterait complètement reléguée et subordonnée aux impositions des entreprises, thème sur lequel nous reviendrons plus avant. Dans cette même ligne, la UNCTAD que créa Raul Prebisch au milieu des années 60, avec le propos d'atténuer l'impact fortement pro entreprises du GATT, fut soumise à des coupures similaires et à des restrictions juridictionnelles : elle ne pouvait offrir qu'une assistance technique aux pays sous-développés sur des aspects commerciaux et faire quelque investigation ; mais il lui était expressément défendu d'offrir des conseils politiques à ces pays. Cela serait la tâche que la BM, le FMI et l'Organisation Mondial du Commerce (OMC) réaliseraient efficacement !
Comme on peut l'observer, tout un ensemble de fonctions, qui auparavant se trouvaient dans les mains de UNCTAD, OIT, Unesco et autres institutions également suspectées de sympathie tiers-mondiste, furent expropriées par les organismes de Bretton Woods. Ils fixèrent la politique du travail à la place de l'OIT. Les questions éducatives furent aussi l'objet d'une préférentielle attention et d'un parrainage efficace de la part de la BM, et non pas de l'UNESCO ; la problématique de la santé fut aussi, dans une grande mesure, extraite de l'OMS et mise à l'attention de la Banque et du FMI, à l'égale des politiques sociales et prévisionnelles où les deux institutions coopèrent avec l'OMC afin de fixer les paramètres de ce qui doit se faire dans ces domaines. Pour sa part, l'autre puissant Conseil Économique et Social de l'ONU fut dépouillé de ses prérogatives et hiérarchies, étant réduit au désengagement avec des fonctions pratiquement décoratives. La magie du marché s'est chargée de tout.

Le Despotisme Technologique des Institutions Politiques Globales

Résumons : Dans les dernières 20 années s'est produit un déplacement des centres de décisions internationaux depuis les agences et institutions construites avec un minimum de respect envers certains critères, bien formels d'égalité et de démocratie, comme les Nations Unies, vers d'autres de nature autoritaires et technocratiques qui ne possèdent même pas un compromis formel avec les règles du jeu démocratique : et qui ne sont ni responsables ni imputables pour les politiques qu'ils imposent – via les fameuses « conditionnalités » – aux pays qu'ils parrainent, qui ne rendent compte qu'aux exécutifs de leurs propres gouvernements, et qui manquent d'agences ou de procédés qui rendent possible, au moins, un contrôle populaire sur les décisions qui là se prennent, et qui affectent la vie de millions de personnes. C'est le cas, sans aucun doute, des institutions nées des accords de Bretton Woods : le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale.
Il s'agit d'énormes bureaucraties, et dont les initiatives ne sont soumises à rien qui puisse, même lointainement, ressembler à un contrôle républicain.
Leur despotisme technocratique trouve ses limites dans les préférences et inclinaisons d'une poignée de gouvernements qui, effectivement, compte sur leur direction et leur contrôle. Il ne cesse d'être instructif le fait que les gouvernements, qui se vantent d'être les chefs de la vie démocratique, non seulement consentent mais appuient et promeuvent le rôle d'institutions intergouvernementales de ce type dont la structure, la conception, la philosophie et le comportement s'écartent radicalement des principes démocratiques. Prenons par exemple le cas du Fond Monétaire. Son directoire, qui est l'organe exécutif de l'institution, se régit par un système de vote qualifié qui met le pouvoir décisionnel entre les mains du représentant nord-américain. C'est dire : les pays qui font partie du FMI – et les pressions et chantages pour qu'ils sollicitent leur admission sont impressionnants – entrent dans un club où seuls quelques-uns ont droit de vote, pendant que le reste est condamné à un rôle passif et subordonné. Ainsi, les E.U. possèdent 17.35% du pouvoir de vote tandis qu'un pays « suspecté » par le consensus libéral dominant – nous nous référons au Japon – contrôle seulement 6.22% du vote. Maintenant : quelconque décision importante requière une majorité de 85% des votes du directoire. Pour le moment, les E.U. possèdent le pouvoir de vote et non seulement le droit de vote. On pourrait alléguer, sur le plan strictement formel, que l'ensemble des pays de l'Union Européenne possède 23.27% du vote et, pour le moment, a la possibilité de dominer le vote nord-américain. Mais cela serait une vision strictement formaliste, parce que s'il y a quelque chose que l'Union Européenne manque c'est d'unité. L'Europe n'existe pas, du moins pas encore. C'est une illusion. Pour le moment, ce qui existe c'est l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et ainsi de suite, et le Vieux Continent paie un prix exorbitant pour ce déficit étatique. Ainsi le note Z. Brzezinsky lorsqu'il dit que l'Europe « est une conception, une notion, un objectif, mais à ce jour, n'est pas une réalité. L'Europe Occidentale, présentement, est un marché commun et loin d'être une entité politique unique » (Brzezinsky,67). Le discours dominant qui célèbre l'extinction des états nationaux est destiné à la consommation des esprits candides et non aux intellectuels de l'empire. L'existence factice de l'Union Européenne devient patente lorsqu'on constate que les pays membres de l'Union ne votèrent jamais unitairement contre une initiative des États-Unis au sein du directoire du FMI. Le vote européen fut invariablement fragmenté, avec la Grande-Bretagne accomplissant son rôle de « partenaire junior » des intérêts nord-américains. Evidemment conclue Brzezinsky que ces agences supranationales doivent se considérer comme partie du système de domination impériale, « particulièrement les institutions financières internationales. Le FMI et la Banque Mondiale se considèrent représentants des intérêts globaux ». En réalité, elle sont fortement dominées par les E.U (Brzezinsky,28-29). Ce biais pro américain devant lequel se courbe une Europe carence de soutient de l'état s'observe aussi dans l'Organisation Mondiale du Commerce. Une analyse faite récemment sur les différents commerciaux révèle que '' sur 46 cas de conflit, les E.U. en ont perdu 10 et en ont gagné 36 (Alternatives Économiques). Ces organisations sont les institutions qui, à ce jour, constituent l'embryon d'un futur gouvernement mondial. Empire et Relations Impérialistes de Domination
Résumons : nous sommes en présence d'un projet animé par le propos d'organiser le fonctionnement stable et à longue échéance d'un ordre économique et politique impérial – un empire non territorial – peut-être… avec beaucoup de traits nouveaux, produit des grandes transformations technologiques et économiques qui eurent lieu à partir des années 70, mais impérial tout de même. De là notre radical désaccord avec la récente œuvre de Michael Hardt et Antonio Négri dans laquelle on soutient la thèse non seulement paradoxale mais complètement erronée d'un « empire sans impérialisme », thèse qui, par exemple, est rejetée par un auteur inscrit dans le progressisme libéral, Susan Strange, mentionnée dans l'œuvre de Hardt et Négri (Hardt et Négri,xii-xiv). En ce sens, la lecture des intellectuels organiques de droite est toujours stimulante, parce que si certains de la gauche se vantent d'une maladive inclinaison à oublier la lutte des classes et l'impérialisme de crainte d'être considérés comme extravagants ou comme de ridicules dinosaures sortis du parc jurassique, les premiers se chargent de rappeler leur vigilance à tout moment. Qu'on comprenne : l'intime articulation des premiers avec les fonctions politiques de domination impériale ne leur permet pas d'encourir dans les égarements et les hallucinations pseudo-théoriques de leur contrepartie de gauche, manipulés par le consensus néo-libéral et post-moderne. C'est de cela qu'il s'agit lorsque nous parlons de l'hégémonie idéologique du néo-libéralisme : '' tenir ses adversaires dans la poche '' comme le rappelait Gramsky, les faisant penser avec leurs catégories et à partir de leur perspective classique.
C'est précisément à cela que Léo Panitch nous invite, dans un pénétrant article, à examiner la vision que les principaux théoriciens de droite nord-américains jouent sur la scène internationale (Panitch : 18-20).
Zbigniew Brzezinsky, par exemple, célèbre l'irrésistible ascension des États-Unis au rang « d'unique superpuissance globale » et se réjouit – avec le ressentiment propre à tout bon aristocrate polonais – de ce qu'entre ses vassaux et tributaires on inclut maintenant, pour la première fois, les pays de l'Europe Occidentale. Préoccupé à garantir la stabilité à longue échéance de l'empire, Brzezinsky s'applique à identifier les trois grands impératifs stratégiques de l'empire : a) empêcher la collusion – et préserver la dépendance – des vassaux les plus puissants sur les questions de sécurité (Europe Occidentale et Japon) ; b) maintenir la soumission et l'obédience des nations tributaires comme celles du tiers-monde ; et c) prévenir l'unification, le débordement et une éventuelle attaque des barbares, dénomination qui embrasse depuis la Chine jusqu'à la Russie, en passant par les nations islamiques de l'Asie Centrale et le Moyen-Orient (Brzezinsky : 40). Plus clair est impossible.
Un autre des grands intellectuels organiques de l'empire, Samuel Huntington, a observé avec préoccupation les faiblesses que la condition de « shérif solitaire » peut comporter pour les États-Unis. Cela les a porté à un exercice vicieux du pouvoir international qui seulement pourra avoir pour conséquence la formation d'une ample coalition anti-nord-américaine où, non seulement se trouveront la Russie et la Chine, mais aussi les États Européens, laquelle mettrait sérieusement en crise l'ordre mondial. Pour réfuter le scepticisme et rafraîchir la mémoire de ceux qui ont oublié ce que sont les relations impérialistes, il convient de reproduire in extenso le long rosaire d'initiatives qui, selon Huntington, fut mis de l'avant par Washington dans les dernières années : « faire pression sur les autres pays pour qu'ils adoptent les valeurs et les pratiques nord-américaines sur des questions telles que les droits humains et la démocratie ; empêcher que les tiers pays acquièrent des capacités militaires susceptibles d'interférer avec la supériorité militaire nord-américaine ; faire en sorte que la législation nord-américaine soit appliquée dans d'autres sociétés ; qualifier les tiers pays en fonction de leur adhésion aux standards nord-américains en matière de droits humains, drogues, terrorisme, prolifération nucléaire et de missiles et, maintenant, de liberté religieuse ; appliquer des sanctions contre les pays qui ne se conforment pas aux standards nord-américains en ces matières ; promouvoir les intérêts entrepreneurials nord-américains sous le slogan du libre commerce et de l'ouverture des marchés et modeler les politiques du FMI et de la Banque Mondiale afin de servir ces mêmes intérêts ; …forcer les autres pays à adopter des politiques sociales et économiques qui soient profitables aux intérêts nord-américains, et empêcher que d'autres pays fassent de même ; …étiqueter certains pays comme « états parias » ou délinquants et les exclure des institutions globales parce qu'ils refusent de se prosterner devant les désirs nord-américains » (Huntington : 48).
Qu'on entende bien : il ne s'agit pas de l'incendiaire critique d'un mortel ennemi de l'impérialisme nord-américain nais du sobre décompte fait par un de ses plus lucides intellectuels organiques, préoccupé par les tendances autodestructrices qui dérivent de sa solitaire hégémonie dans un monde unipolaire. Il en résulte qu'il est facile de constater que « l'ordre impérial » en gestation représente, sur le plan mondial, la plus complète perversion de la formula qu'Abraham Lincoln avait proclamée concernant la démocratie : « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Paradoxalement, le pays qui s'exhibe lui-même comme le paladin de la démocratie mondiale a créé un treillis d'institutions et de normes internationales qui démentent, impitoyablement, la formule « lincolnnienne » : « faire réalité le rêve bourgeois d'un gouvernement des oligopoles, par les oligopoles et pour les oligopoles ». Est-ce qu'un ordre comme celui-là peut être l'expression d'une situation internationale pacifique, conduisant au bien-être général et écologiquement soutenable ? D'aucune manière : toutes les fois que ce dernier reproduit dans la sphère de ses institutions et de ses normes de gouvernance la primauté des intérêts des oligopoles et la prévalence d'une logique impériale qui amplifie et perpétue l'oppression impérialiste, les radicales asymétries existantes dans la distribution de la richesse, des revenus, des connaissances et la destruction de l'environnement.

Vers une codification de l'hégémonie du capital : l'Accord Multilatéral sur les Investissements

Ce qui précède rend bien compte des projets à longue échéance que couvent « les nouveaux maîtres du monde » et que, s'ils ne rencontrent pas une résistance décidée, n'auront aucune honte à s'imposer à n'importe quel prix. Si quelques-uns possèdent quelque doute sous ce rapport, il suffirait de jeter un coup d'œil au brouillon dont le statut est maintenant avorté, pour se convaincre de ce que nous prônons. Si tel que nous l'avons vu, dans les années 70, l'objectif d'une grande partie de la communauté internationale était de contrôler l'investissement des entreprises multinationales, dans les années 90 l'AMI propose rien de moins qu'une reddition inconditionnelle de la société, représentée par l'État, devant les dictats du capital. Selon Edgardo Lander, l'AMI peut être caractérisé comme une sorte de félin « Traité international des droits des investisseurs » et aussi comme une « Charte constitutionnelle du capital transnational ». En premier lieu, observe Lander, parce qu'il codifie dans une texte de base les tendances aujourd'hui dominantes dans les relations entre états et entreprises transnationales, faisant coaguler de cette façon une corrélation de forces extraordinairement favorables aux secondes au détriment des premières.
En second lieu, parce qu'à partir de ces tendances on propose un « design » institutionnel et légal d'accomplissement obligatoire pour tous les signataires, à la condition qu'aucun pays de la périphérie ne puisse refuser l'invitation, cette dernière étant faite par les grandes puissances sous la conduite nord-américaine. Troisièmement, parce que tel qu'il a été prévu dans les brouillons successifs du traité, toute la législation et les normes nationales, régionales, municipales ou locales pourront être questionnées et défiées devant des jurés privés extranationaux intégrés par des « experts en commerce » – qui, comme l'observe Noam Chomsky « nous pouvons déjà nous imaginer qui ils sont » – se prononceront sans appel au sujet de la compatibilité ou non des premières avec les compromis acquis par la signature du traité. Dans le cas où son incompatibilité se vérifie, la norme nationale ne pourra être appliquée, à l'égal de ce qui se produit avec une loi qu'une Cour Suprême ou un Tribunal Constitutionnel déclare inconstitutionnel (Lander, 1999 : 77-79 : Chomsky, 2000 : 259).
Les deux auteurs observent qu'un sujet sur lequel le traité lui accorde une attention préférentielle est celle des mécanismes de solution de controverses. En de nombreux articles, on a établi avec beaucoup de précision les procédés à suivre lorsqu'un état présente une requête envers un autre état pour manquement au traité, et celle pour les mêmes motifs, d'une entreprise envers un état.
Mais l'AMI incorpore deux innovations extraordinairement réactionnaires en relation avec l'histoire propre du droit bourgeois : en premier lieu, parce que dans son cadre doctrinaire les entreprises et les États se convertissent maintenant en personnes qui jouissent du même statut juridique, aberration qui aurait provoqué la réprobation des pères fondateurs du libéralisme, depuis John Locke jusqu'à Adam Smith. En second lieu, parce que tel que l'observe Chomsky, le traité est une véritable monstruosité juridique étant donné qu'il n'existe pas de réciprocité entre les parties contractantes. Une des parties a seulement des droits et l'autre seulement des obligations : les États n'ont pas droit de demander aux corporations.
« En réalité, toutes les obligations de ce texte de 150 pages… retombent sur le peuple et les gouvernements, aucunement sur les corporations » (Chomsky, 2000 : 259-60). Il n'y a aucun mécanisme ni procédé prévu pour qu'un État ou un particulier puisse poser une requête envers un investisseur pour manquement à ses obligations.
Avec raison, nos auteurs montrent que ce document constitutionnel signifie un grave attentat à la démocratie et à la souveraineté populaire. Pour Chomsky, approuver l'AMI « mettrait encore plus de pouvoir entre le mains des tyrans privés qui opèrent en secret et qui n'ont aucune responsabilité devant l'opinion publique » (Chomsky, 2000 : 259). Pour Lander, l'AMI implique '' une diminution drastique de la démocratie en limitant la capacité des systèmes politiques et des États à prendre des décisions …( relatives à ) quelconque politique publique qui puisse être interprétée comme discriminatoire envers l'investissement étranger '' (Lander, 1999 : 89).
Qu'on ne se surprenne pas pour autant, les négociations furent entreprises dans le plus grand secret et avec un style fortement conspiratif sous la conduite des E.U., pays crucial pour beaucoup de raisons, depuis celles militaires jusqu'à celles politiques et économiques, principal investisseur à l'étranger et premier récepteur d'investissements étrangers. L'OCDE se chargea de commencer, en mai 1995, les travaux préparatoires avec la fin de conclure par la signature deux ans plus tard. Le brouillon initial du texte fut élaboré par un « think tank » entrepreneurial, le Council for International Business qui, selon ses propres déclarations, favorisa les intérêts globaux des entreprises nord-américaines, tant au pays qu'à l'étranger (Chomsky, 2000 : 257). Comme on pouvait le prévoir, le Council mit tout son acharnement afin de garantir la nature absolument féline de l'avorton juridique résultant. Lander commente que le secret avec lequel fut conduite cette première phase du processus de négociation fut si marqué que, dans beaucoup de pays, seulement les plus hauts fonctionnaires de l'exécutif des aires concernées par l'économique et le commercial étaient au fait des négociations. Bien sûr que ni les parlementaires ni l'opinion publique, pour ne pas parler des partis, des syndicats ou des organisations populaires, n'eurent le moindre accès à ces dernières. Chomsky fournit d'abondantes données pour soutenir l'hypothèse de ce que les grands médias de masse étaient au courant de cette véritable conspiration mais prirent soin de n'en rien révéler.
Dans tous les cas, toute cette machination s'écroula comme un château de cartes lorsqu'au milieu de 1999 une ONG canadienne, le Council of Canadians, obtint une copie hautement confidentielle du brouillon que l'on était en train de considérer et le mit sur internet. A partir de sa divulgation, s'est conçu un ample mouvement international d'opposition intégré par des organismes environnementalistes, de lutte contre la pauvreté, de défense des droits du travail et d'organisations des peuple indigènes mondiaux, ce qui donna naissance à une campagne d'opposition qui fit succès, exigeant la suspension des négociations, à moins que son contenu ne soit altéré significativement. Cette salutaire réaction de quelque chose que nous pourrions nommer avec une certaine laxité comme « quelques secteurs de la société civile internationale » fut caractérisée par l'organe de définition du capital financier, la revue anglaise The Economist, comme une horde de vigilants qui avaient écrasé les nobles intentions des entreprises et de l'OCDE grâce à sa bonne organisation et à ses solides finances… afin d'exercer une grande influence sur les médias de communication (Chomsky, 2000 : 259). L'activisme international délié par la seule exposition des scandaleux brouillons de l'AMI devant l'opinion publique mondiale, facilité extraordinairement par Internet, provoqua non seulement la honte des gouvernements impliqués dans cette véritable conspiration mondiale contre la démocratie, mais fit que les négociations furent avortées ouvrant en conséquence une nouvelle étape de luttes et de résistances qui, probablement, empêcheront définitivement la concrétisation de ces mêmes démarches. Comme l'observe Chomsky, il a s'agit d'un gain surprenant des organisations populaires qui affrontèrent avec succès la plus grande concentration de pouvoir global de l'histoire : le G-7, les institutions financières internationales et le secteur corporatif, avec les médias de communication dans leur poche (Chomsky, 2000 : 259). Les mois suivants auraient à reproduire de nouvelles victoires populaires à Seattle, à Genève, à Washington et à Prague, démontrant que l'hégémonie du néolibéralisme se butterait maintenant à de sérieuses et chaque fois plus enflammées résistances populaires.
Traduit de l'espagnol par : Pierre Trottier, mars 2003
Trois-Rivières , Québec , Canada.
Source : Revue Koeyu www.koeyu.com



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