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La Culpabilité des Victimes

pier trottier, Jeudi, Mars 27, 2003 - 13:59

Ivan Cepeda Castro

Voici une traduction d'un auteur Colombien qui réfléchit sur la justification des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre...

VIA ALTERNA

12 février 2003

La Culpabilité des Victimes

Par : Ivan Cepeda Castro (*)

Ceux qui commettent des actes atroces, comme l’attaque indistincte contre des civils au club El Nogal le 7 février passé, agissent avec la conviction que leurs victimes sont ‘’ coupables ‘’ ou qu’elles peuvent être utilisées afin de réaliser leurs desseins stratégiques. L’instrumentation des êtres humains comme aspect de la pratique quotidienne de formes de violence extrême fait partie de la dynamique perverse de la guerre. Ainsi en est-il de l’instrumentation du rejet collectif devant des faits horribles comme ceux-là. Aussi, les instances qui influencent et mobilisent l‘opinion publique stimulent la discrimination des victimes en celles qui sont méritoires de la reconnaissance sociale et d’autres qui méritent seulement le silence complice avec les victimaires (1).

La perpétration des crimes de lèse humanité et des crimes de guerre ne consiste pas seulement dans l’élimination physique des victimes. Le caractère totalitaire de ces formes de violence se caractérise en ce qu’elles incarnent le désir de destruction absolu d’individus et de groupes déterminés d’une société donnée. ‘’ Destruction absolue ‘’ signifie dans ce contexte , non seulement atteintes contre l’intégrité corporelle ou psychique des personnes, mais additionnellement, déformer ou simplement annihiler son identité. A l’exécution de l’assassinat

(1) Victimaire : Celui qui frappait les victimes lors des
sacrifices.
de la torture, du déplacement, de la disparition ou de l’enlèvement, l’action criminelle additionne d’autres éléments qui recherchent la polarisation de l’opinion publique, l’acceptation collective de l’abjection et la naturalisation des atrocités, en totalité, comme quelque chose de nécessaire. Afin d’obtenir le soutien actif d’amples secteurs de la société, on impose, parallèlement à la terreur, l’officialisation de l’impunité et l’approbation de la dissimulation des véritables mobiles des délits.

Il existe au moins trois modalités de base de manipulation de l’identité des victimes qui correspondent aux différents moments du processus de légitimation publique des délits de lèse humanité : l’incitation à la haine, l’anéantissement des preuves et la justification du projet criminel.

La préparation de l’opinion publique pour les actes de violence inédite commence généralement lorsque l’on encourage la peur, que l’on génère la méfiance et qu’on obtient l’implantation de la haine généralisée. Comme on sait, pour que soit accepté socialement le recours à l’emploi illimité de la force, il est indispensable qu’antérieurement on ait atteint un état animique collectif qui induit le citoyen moyen à la conviction que, face à une condition menaçante, se requiert à tout prix l’arbitraire d’un pouvoir autoritaire. En Colombie, la forme qu’a prise cette campagne d’incitation de l’opinion publique est l’appel quotidien à soutenir avec enthousiasme la guerre et la restriction des droits et libertés fondamentales.

Sur ce point particulier, on doit se souvenir (spécialement les leaders politiques et les responsables des médias de communication) que le droit international a condamné les pratiques qui encouragent ce type de propagande, les classifiant à l’intérieur des rares limitations à la liberté d’opinion, sous le titre de : prohibition à l’incitation à la haine, à la violence et à la guerre. De cette façon, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, dans son article 20, stipule que ‘’ toute propagande en faveur de la guerre et toute incitation publique à la haine nationale, raciale ou religieuse, qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, est contraire à la liberté d’opinion ‘’. La Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide considère comme crime de droit des gens l’incitation directe et publique à commettre un génocide. Parallèlement, la Convention sur l’Élimination de toutes les Formes de Discrimination Raciale et de la Répression des Idéologies signale, dans son article premier, que l’on condamne ‘’ toute propagande et toute organisation qui inspire des idées ou des théories fondées sur la supériorité de la race ou de groupe de personnes […] ou qui prétend justifier ou encourager toute forme de haine ou de discrimination ‘’.

Une fois qu’ont été mises en marche les atrocités de masse, l’intention de ceux qui les exécutent est de ne pas laisser de preuves matérielles de l’existence des victimes, ni des « excès » d’usage de la force. Dans ce cas opèrent non seulement la volonté d’éviter à tout prix la mise en lumière des faits violents et de l’identité de ceux qui ont été leur objet, mais de plus, l’impulsion consciente ou inconsciente de favoriser des mécanismes de traitement de la faute expérimentée par les propres victimaires. Pour cela, dans les conflits armés ou sous des régimes autoritaires, il est habituel qu’immédiatement à la suite des infractions commises, on procède, comme par un acte réflexe, au « nettoyage » de toutes les traces.

La crémation industrialisée des corps, et le recyclage des objets personnels, étaient la méthode employée pendant la Guerre Mondiale pour effacer tout vestige qui put donner des nouvelles des déportés des camps de concentration. Durant le conflit armé en Yougoslavie, tout élément susceptible d’identifier une personne (document administratif, plaque automobile, etc.) était supprimé une fois terminés les massacres de ‘’ purification ethnique ‘’. Lorsqu’étaient mis « hors circulation » les dissidents des régimes socialistes d’Europe de l’est, leurs photographies disparaissaient des périodiques, des manuels d’histoire et des lieux publics. La révocation de la personne juridique à un mouvement d’opposition, qui a été soumis, dans la pratique, à un véritable génocide en Colombie, l’Union Patriotique, est aussi un bon exemple de « comment » se réalise l’annihilation des marques d’une extermination massive et systématique.

Finalement, l’inculpation sélective des victimes se fait valoir comme justification tant dans le processus d’incitation à la guerre que dans les tentatives d’explications postérieures des actes atroces.

A travers de l’inculpation de certaines victimes on tente de légitimer devant l’opinion publique la thèse que la responsabilité des crimes de lèse humanité et des crimes de guerre ne correspond pas à ceux qui les perpètrent, mais à ceux qui, dû à leurs convictions politiques ou à leur position sociale, se sont rendu méritants du châtiment infligé par la décision arbitraire de leurs victimaires. L’utilisation illimitée du pouvoir militaire de l’État ou d’un groupe armé tente de rationaliser, dans ces circonstances, l’affirmation qu’il est licite d’employer tout type de méthode contre des civils désarmés, de par leur condition de ‘’ prochains collaborateurs ‘’ ou ‘’ de porteurs des idées de l’adversaire ‘’. Par cela on poursuit, entre autres fins, à clôturer la controverse sur l’impunité, privatiser le dommage de ceux qui ont été poursuivis et réserver l’utilisation de la parole dans l’espace public pour la version du pouvoir et de la ‘’ société civile officialisée ‘’.

En Colombie, nous assistons quotidiennement à ce type de pratiques. Avec le même manichéisme qui a caractérisé traditionnellement la mentalité du sectarisme politique de toute nature, les victimes sont classifiées en des ‘’ plus coupables que d’autres ‘’. De cette manière les médias de communication sont ouverts pour que Carlos Castano réalise des efforts réitérés afin d’expliquer les obscurs mobiles qui ont inspiré ses actions abominables, sans que cela suscite une expression de frayeur et d’indignation de la société. Dans ses déclarations, le chef des ‘’ paramilitaires ‘’ soutient, par exemple, qu’assassiner Manuel Cepeda et Carlos Pizarro fut une « représailles », tandis que l’assassinat de Jaime Garzon fut une « erreur » puisqu’il était de la ‘’ troupe ‘’.

Non obstant, le caractère monstrueux des crimes de lèse humanité et des crimes de guerre fait que les efforts d’explication des motifs de leur perpétration sont, non seulement superflus mais constitutifs en eux-mêmes de l’ensemble des pratiques qui les facilitent et qui, pour autant, les justifient ou incitent publiquement à la violation radicale des droits fondamentaux de la personne, et peuvent être ainsi l’objet de la justice pénale.

La société peut parler de réconciliation seulement lorsque existe la reconnaissance collective de ceux qui sont les victimes et de ceux qui sont les victimaires, de ce qui est juste et de ce qui est injuste.

Les victimes ne sont pas les coupables. Indépendamment de leurs convictions ou position sociale, les civils en total manque de défense, attaqués par ceux qui disposent des moyens pour exercer la brutalité et les sévices, ne sont pas responsables du préjudice qui leur a été infligé. Les coupables sont les criminels et c’est eux que doivent juger les tribunaux judiciaires et, en dernière instance, le tribunal de l’Histoire.

(*) Chercheur et défenseur des droits humains.

Traduit de l’espagnol par :

Pierre Trottier, mars 203

Trois-Rivières, Québec, Canada

Source : Via Alterna……www.viaalterna.com.co

Voir aussi <A href="http://www.alternatives.ca">www.alternatives.ca</A>
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