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Le Sommet mondial sur la société de l’information, ça vous dit quelque chose?

Colette Lelievre, Samedi, Mars 8, 2003 - 11:38

Colette de Cybersolidaires

La deuxième session préparatoire (PrepCom) du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) vient de se terminer à Genève et la 47ième session de la Commission sur le statut de la femme (CSW) se tient en ce moment à New York. Ce sont deux événements d’importance sous l’égide de l’Organisation des Nations unies qui portent sur les changements survenus depuis l’intégration des technologies de communication dans tous les domaines de la société. Pourtant, on n’en entend pas parler. Connaissez-vous la position du Canada? Combien le gouvernement dépense pour soutenir le Sommet? Comment la société civile et les femmes sont-elles intégrées dans le processus? Probablement pas!

D’emblée de jeu, nous pouvons dire que ce n’est pas simple de suivre sur place, et encore pire à distance, le déroulement d’une conférence onusienne. De nombreux documents sont rédigés, chacun avec leur propre statut : du document de travail officiel au non-document qui est un document officieux, de brouillons qui ne sont pas de vrais brouillons mais des projets qui vont peut-être se transformer en document officiel, etc.

Il y a également la question de la participation qui revient constamment dans les discussions. Qui doit s’impliquer dans les négociations des déclarations et des plans d’action? Les délégations gouvernementales seulement ou bien des représentant-es de la société civile et du secteur privé? Comment seront intégrées les observations de ces derniers dans les documents du Sommet et pourront-ils intervenir lors des débats? Ainsi, il a été décidé dans les derniers jours de la session préparatoire que leurs observations seraient ajoutées en annexe des projets et qu’ils pouvaient assister aux rencontres officielles et intervenir si le président de l’Assemblée leur donne la parole. C’est un progrès même si plusieurs groupes pensent que ce n’est pas suffisant et qu’il faut continuer le travail de terrain pour obtenir une place encore plus importante de la société civile dans les négociations.

Les projets de déclaration et de plan d’action : loin d’être satisfaisant!

Il y a un net écart entre les besoins et les problèmes définis dans le projet de déclaration et les solutions proposées dans celui du plan d’action. Ainsi, peut-on lire dans la déclaration que «la société de l’information doit être centrée sur les personnes et reposer sur la diffusion et le partage de l’information, avec la participation de toutes les parties concernées – gouvernements, secteur privé et société civile.» Il «faut veiller davantage à surmonter ces obstacles et à faire en sorte que les femmes bénéficient comme les hommes de l’utilisation accrue des TIC pour qu’elles s’émancipent et participent pleinement au développement politique, économique et social.» Il faut empêcher «l’apparition de nouvelles formes d’exclusion» et que tous «les citoyens doivent se voir mettre à leur disposition les moyens d’utiliser les réseaux dans un esprit de service public.»

Il s’agit donc d’un projet de déclaration bourré de bonnes intentions qui ne se matérialisent malheureusement pas dans celui du plan d’action. Comment utiliser les réseaux dans un esprit de service public s’ils sont de propriété privée? Qui dit public dit accès pour toutes et tous sans distinction de moyen. Mais l’accès, ce n’est pas seulement l’infrastructure c’est aussi avoir les capacités et les connaissances pour utiliser les technologies de communication et devenir actrices et acteurs de ce domaine.

On peut aussi lire que le «plurilinguisme et le maintien de la diversité culturelle doivent être encouragées» mais sur quelle base et comment? Le plan d’action n’en parle pas. Que les «TIC peuvent appuyer les médias traditionnels tels que la radiodiffusion et la presse écrite, qui continueront à jouer un rôle important dans la diffusion de contenu». Libellé comme tel, le texte occulte totalement le phénomène de la convergence, qui a rendu diffuses les frontières entre les différents supports et entre les médias et les ‘autres’ espaces de communication. Depuis plusieurs années, il est totalement inapproprié de faire une telle distinction dans l’état actuel du domaine des communications autant commerciales que sociales.

Le plan d’action donne des exemples de mesures concrètes qui pourraient être mises sur pied. Afin d’atteindre les objectifs de développement dans le secteur des TIC, il propose le lancement par des organisations non gouvernementales de campagnes de sensibilisation, un travail au niveau communautaire, etc. Pourtant de nombreux groupes de la société civile travaillent déjà dans ce sens. Combien de projets ont été élaborés et ensuite mis de côté par des organisations faute de soutien financier adéquat. Tout cela est passé sous silence et ne permet pas de donner une image juste du travail déjà effectué par celles-ci.

Toute une section de la déclaration traite de l’association de la société civile au secteur privé sans pour autant spécifier dans le plan d’action comment cela se concrétisera et surtout sans prendre en compte que les moyens ne sont pas égaux et les objectifs de chacun ne sont pas les mêmes. Certes, des collaborations peuvent être envisagées mais il n’est pas possible d’intégrer des joueurs dans un projet grandiose pour ‘réduire la fracture numérique’ sans leur fournir des moyens pour participer sur le même pied d’égalité.

L’écart entre la déclaration et le plan d’action est également observable par rapport à la reconnaissance de l’inégalité entre les femmes et les hommes et le besoin de mettre en œuvre des stratégies et des programmes spéciaux pour contrer cette situation. Ainsi, reconnaît-on dans la déclaration qu’il y a encore des inégalités entre les sexes et de l’exclusion subie par certains groupes comme les jeunes et les femmes. Certes, il faut soutenir les groupes marginalisés dans leur appropriation. Mais l’inégalité entre les femmes et les hommes est une question non pas de marginalité mais de patriarcat. Jusqu’à maintenant, aucune stratégie particulière n’est prévue dans le plan d’action pour intégrer les femmes dans le développement de la société de l’information.

Le gouvernement du Canada dans tout ça?

Le gouvernement canadien contribue 1M$ pour le fonctionnement du secrétariat exécutif du Sommet et la participation des pays en développement et de la société civile . Cet argent doit privilégier certains groupes comme les femmes, les jeunes et les autochtones. À l’exclusion de la Suisse et de l’Union internationale des télécommunications (UIT) qui organise le Sommet, le Canada est le pays dont la cotisation est la plus élevée.

Outre l’apport financier, le Canada a aussi rédigé un rapport détaillant sa vision et ses propositions pour le développement de la société de l’information . D’entrée de jeu, il reconnaît que «la communauté mondiale doit particulièrement faire face à des possibilités et à des défis importants pour combler le ‘fossé numérique. Bien que les femmes tirent profit de plus en plus des TIC dans toutes les sphères de la vie, le nombre de femmes qui les utilisent est inférieur à celui des hommes et il est évident que des inégalités structurelles propres au sexe persistent et formes des barrières à l’accès.» Le Canada est donc un allié souvent cité par les groupes féministes pour faire comprendre leurs besoins et les enjeux qui les préoccupent.

Cependant, la langue aussi est un vecteur important d’une société. Pourtant, il n’y a aucune mention du rapport de la Commissaire aux langues officielles qui dit que le contenu en français est en minorité dans Internet et que des mesures doivent être prises pour corriger cette situation ou pour, à tout le moins, en susciter la création et la production .

Enfin, la juxtaposition de deux rencontres internationales de cette importance limite la participation. Qui a les moyens de se rendre et vivre deux semaines à Genève et ensuite à New York. C’est très difficile pour les ONG et ça l’est également pour les fonctionnaires qui pilotent les dossiers. Ainsi, ce ne sont pas la même délégation qui participe aux deux événements. Malgré les échanges entre les deux équipes, on peut penser qu’il y aura discontinuité entre leurs actions. Et surtout, cela diminue l’importance du travail qui sera effectué à New York parce que les grandes décisions sont celles qui sont négociées dans le cadre du processus préparatoire du Sommet.

Et les femmes, me direz-vous?

Deux groupes informels féministes ont suivi le processus préparatoire depuis les débuts. Les organisations membres du NGOwomen (coalition d’organisations non-gouvernementales féministes) ont été très actives pour diffuser des informations sur le déroulement des rencontres et pour réagir aux décisions qui s’y sont prises. Elles ont ainsi rédigé une lettre adressée au président du Sommet, Monsieur Samassekou, afin de faire connaître leurs insatisfactions face aux orientations actuelles des projets de déclaration et de plan d’action. Le Caucus de genre (coalition de groupes de secteurs multiples) a régulièrement publié des informations permettant de suivre à distance le déroulement et les débats de la PrepCom. Par leur biais, nous avons eu accès rapidement aux documents de travail rédigés par les organisations de la société civile et des débats sur les responsabilités qu’auraient un futur bureau de la société civile pour la durée du Sommet.

Leurs réactions aux projets de déclaration et de plan d’action sont nombreuses. Ils ont évidemment noté le poids grandissant du secteur privé dans les orientations du plan d’action. Mais encore plus important est le manque de volonté à reconnaître que le patriarcat est la vraie cause de l’inégalité entre les femmes et les hommes. Les deux coalitions observent également qu’il y a encore beaucoup de travail à faire au sein même de la société civile composée d’ONG, d’universitaires, de syndicats et d’organisations internationales. Ainsi, dans le plan d’action proposé par la société civile peut-on y lire le même type de formulation sur «ceux qui n’ont pas accès et qui sont exclu de la société de l’information comme les jeunes, les femmes, les personnes âgées et les handicapé-es» .Certes, elle est assez sensible aux notions d’égalité et de genre mais elle a aussi tendance à penser que les mêmes mesures peuvent s’appliquer à tous les groupes marginalisés pour circonscrire l’inégalité et l’exclusion.

Il est ardu d’assurer une présence féministe à des grands événements comme le Sommet. Mais encore plus, à faire connaître et comprendre les enjeux qui y sont discutés et négociés. Évidemment, les groupes oeuvrant dans le domaine des communications sociales peuvent utiliser leurs moyens habituels que sont les listes électroniques et les sites d’information. Mais arriverons-ils à rejoindre un plus large auditoire, une communauté plus vaste? C’est difficile à dire et surtout à réaliser faute de moyen pour se préparer, sensibiliser et ensuite s’y rendre pour défendre nos idées. De plus, il est actuellement malaisé pour les femmes francophones de se tenir informer car, malgré les efforts de toutes et tous, les discussions sur les listes féministes et mixtes pour la préparation du Sommet sont presque exclusivement en anglais.

Que retenons-nous de cette deuxième session préparatoire? Les projets de déclaration et de plan d’action sont des fourre-tout qui ne sont pas très bien ficelés. La présence plus marquée de certains enjeux comme la sécurité pour cause de cyber-criminalité au détriment de la protection des libertés fondamentales et la place grandissante du libre-marché comme outil de régularisation des marchés et donc de l’accès universel aux réseaux électroniques. Il faut également noter que le projet de plan d’action parle de réduire la fracture numérique et non pas de l’éradiquer. Il y a là un constat de défaitisme ou bien, un manque de volonté, tout simplement. Les mesures proposées sont beaucoup trop centrées sur la mise en place d’un infrastructure. Elles ne répondent pas aux objectifs et aux besoins exprimés dans la déclaration qui dit que «la société de l’information doit être centrée sur les personnes». Un travail énorme doit être fait pour faire reconnaître l’égalité entre les femmes et les hommes comme un pré-requis pour développer une société juste et démocratique de l’information. Les deux documents en chantier, la déclaration et le plan d’action, seront retravaillés d’ici juillet 2003. Le mouvement féministe peut donc encore faire entendre sa voix et développer une position forte qui, nous l’espérons, sera entendue.

Site officiel du Sommet mondial sur la société de l'information


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