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Les Irakiens luttent contre les effets de l’embargo et des bombardements anglo-étasuniens

sonia, Mardi, Février 25, 2003 - 12:51

GIULANA SGRENA

Bassora, ou la lente agonie d’une ville irakienne

A Bassora, la plus grande ville du sud de l’Irak, les blessures de la guerre sont encore ouvertes. Les habitants continuent de faire face aux ravages provoqués par l’embargo imposé, arbitrairement, par les Etats-Unis et la Grande Bretagne, sans l’accord des Nations Unies. Reportage dans la «Venise d’Orient», où les ressources en eau et en nourriture sont insuffisantes ou, pire, sont contaminées par les bombes à l’uranium appauvri, utilisées pour la première fois lors du conflit de 1991.

Bassora, ou la lente agonie d’une ville irakienne

A Bassora, la plus grande ville du sud de l’Irak, les blessures de la guerre sont encore ouvertes. Les habitants continuent de faire face aux ravages provoqués par l’embargo imposé, arbitrairement, par les Etats-Unis et la Grande Bretagne, sans l’accord des Nations Unies. Reportage dans la «Venise d’Orient», où les ressources en eau et en nourriture sont insuffisantes ou, pire, sont contaminées par les bombes à l’uranium appauvri, utilisées pour la première fois lors du conflit de 1991.

GIULANA SGRENA Envoyée à Bassora

Les vols civils irakiens ont repris timidement dans la «no fly zone», malgré l’embargo imposé, arbitrairement, par les Etats-Unis et la Grande Bretagne1. La compagnie «Iraqi airlines» assure, depuis plus de deux ans, deux liaisons aériennes, qui ont été exceptionnellement tolérées par les deux puissances militaires. La première relie Bagdad et Bassora, au sud du 33e parallèle, la deuxième Bagdad et Mosul, au nord du 36e parallèle. Pour Bassora, il y a même deux vols par jour, qui sont remplis (à faire craquer les avions) presque exclusivement par des Irakiens. Les départs et les atterrissages sont effectués parfaitement à l’heure, pour éviter le risque d ’être abattus par les avions patrouilleurs étasuniens et britanniques. Les voyageurs locaux ne font plus grand cas du danger qu’ils encourent. Mais pour les étrangers, la traversée de la «zone interdite», qui commence quelques kilomètres à peine au sud de Bagdad, suscite des sursauts de peur justifiés. En particulier dans la période, très tendue, que l’on vit actuellement, où les avions anglo-américains ont intensifié les bombardements. Des obus sont largués presque quotidiennement sur des objectifs militaires qui, très souvent, s’avèrent des cibles civiles, comme cela est arrivé à deux reprises la semaine dernière.

LA «VENISE D’ORIENT» Nous nous approchons de Bassora. Le désert est peuplé de feux allumés pour signaler la position de ces gisements de pétrole qui font aujourd’hui de l’Irak un pays particulièrement convoité. Les traces des conflits qui ont dévasté le territoire irakien – contre l’Iran, de 1980 à 1988, et la guerre du Golfe en 1991 – sont encore visibles. Surtout à Bassora. Des chars armés et des blindés pour le transport des troupes, complètement détruits ou brûlés, sont abandonnés depuis des années aux côtés de la piste de l’ aéroport. D’autres gisent à la périphérie de la ville. Les berges des canaux fluviaux sont reliés par des ponts de secours, construits à la hâte (et donc précaires) à côté des ponts en béton armé qui, eux, ont été détruits durant les guerres que l’Irak a engagées avec ses voisins. Il reste peu de choses de Bassora, considérée comme la «Venise d’ Orient», où se sont déroulées les mythiques aventures de Sinbad le Marin, contenues dans les récits des «Mille et une nuits». Ses pittoresques maisons arabes, avec ses balcons en bois, longeant les cours d’eau qui sillonnent la ville, tombent en ruine. De larges boulevards traversent la ville, s’ engouffrant tour à tour dans des quartiers à peine habitables et dans d’ autres laissés à l’abandon, où des cumuls d’immondices sont disséminés un peu partout. Mais les lourdes dévastations produites par les différents conflits armés n’ont pas réussi à effacer le charme de cette ville qui surplombe le fleuve Shatt el-Arab. Ancienne, très ancienne – elle a été fondée en 636 après J.-C., dans l’année de la victoire du Calife sur les Persans – Bassora continue de défier, à sa manière, l’ex-ennemi: l’Iran. Une centaine de statues, représentant les commandants qui ont conduit la guerre contre ce pays voisin et rival, pointent vaillamment leur index en direction de la frontière fluviale séparant les deux Etats, située à quelques kilomètres de là.

DES DATTES CONTRE LA FAIM Bassora est la plus grande ville du sud de l’Irak. Elle compte environ 1,6 million d’habitants et abrite le plus grand port commercial du pays. Mais elle paye encore et toujours le tribut de la guerre et de l’embargo. Un exemple: l’immense palmeraie s’étendant le long du fleuve, qui a fait de l’ Irak le premier producteur mondial de dattes, a été gravement endommagée par les bombardements. Des milliers de palmiers ont été détruits (il en reste aujourd’hui près de 3000), d’autres apparaissent sans vie ou ont complètement perdu leur feuillage. Or, sous embargo, les dattes constituent un élément substantiel et fondamental dans l’alimentation des habitants de la ville, parce qu’elles contiennent à la fois des sels minéraux et diverses sortes de sucre. La majorité de la population vit grâce aux rations distribuées par le gouvernement. Mais le rationnement des vivres ne suffit pas. Les effets que l’ embargo provoque sur la santé des Irakiens sont connus. La pénurie de vitamines réduit les défenses immunitaires et, bien que les calories par ration aient été augmentées (elle se situent entre 2000 et 2200 par jour), la malnutrition continue à faire des ravages. La consommation de viande et de poisson est quasiment nulle, surtout après l’assèchement des cours d’eau qui affluaient dans le Shatt el-Arab.

ISLAMISATION CONTROLÉE La disparition de ces canaux a été provoquée pour des raisons «politiques». Elle a en effet permis de supprimer les petites maisons en bois, se hissant sur des rivages de boue, entre les cours d’eau, qui constituaient un abri idéal pour l’opposition chiite. En 1991, celle-ci avait engagé une confrontation armée très violente avec l’armée de Saddam Hussein. Mais cette opposition a été brutalement réprimée, tout comme la résistance des Kurdes, au nord du pays. Toutes les zones marécageuses ont été donc assainies. Les habitants qui ont «survécu» à cette opération de nettoyage ont ensuite été transférés, par la force, dans des villages construits ad hoc. L’assainissement a certes réduit les risques liés à la malaria – qui n ’a toutefois pas pu être éliminée (il est ardu de le faire avec le climat humide de ces régions) – mais, en même temps, elle a permis de surveiller les chiites, que le régime soupçonne de soutenir et d’aider l’opposition. Ceux-ci constituent la majorité des habitants de Bassora. Pliant sous la pression du pouvoir central, ils ont décidé, prudemment, d’aller prier à la mosquée uniquement le vendredi. Ils ont renoncé à y aller les autres jours, de peur de trop s’exposer aux représailles du régime de Bagdad. Celui-ci œuvre en effet pour une «islamisation contrôlée», mais à Bassora, la pénétration du courant wahhabite (venant d’Arabie saoudite) ne cesse de croître. Dans les rues, on croise de plus en plus souvent – nous dit-on – des femmes couvertes intégralement par un voile noir, portant des gants également noirs, comme le prescrit une ordonnance saoudienne.

PROJET HUMANITAIRE Nous avons l’occasion de rencontrer une de ces femmes au «Centre Sindbad», un dispensaire pour soigner les maladies gastro-intestinales des enfants. Le centre, qui occupe un immeuble de deux étages sur les berges du Shatt el-Arab, a été créé, en 1996, grâce au projet «Pont pour Bagdad», en collaboration avec le Croissant-Rouge irakien. L’objectif est celui de contribuer à réduire la mortalité enfantine, en commençant par la lutte contre les maladies intestinales, qui sont les plus répandues parmi les enfants. D’ici quelques semaines, un programme d’alimentation en faveur des enfants souffrant de malnutrition devrait également démarrer dans la région. Il faut savoir, en effet, qu’ il y a au moins trois enfants sur dix (en dessous des 5 ans), dans cette partie du pays, qui souffrent de sous-alimentation. Ce pourcentage atteint les 15% si l’on tient compte aussi des enfants souffrant d’infections intestinales. Dans le dispensaire, quelque 10 000 visites sont effectuées chaque année. Les mères irakiennes arrivent avec leurs enfants «cachés» dans des fagots rudimentaires. Souvent, elles viennent de très loin. Pour cette raison, le centre permet que toutes les démarches – la visite du médecin, les analyses de laboratoire et l’administration de médicaments – puissent être accomplies le même jour. De cette façon, les mères peuvent faire des économies sur les frais de transports, expliquent les responsables du dispensaire, qui représentent une charge importante pour les familles pauvres.

EAUX CONTAMINÉES Bien que malades, souvent gravement malades, les enfants du dispensaire ont plus de chance, si on peut dire, que les enfants qui naissent difformes. Il n’y a pas de statistiques officielles sur ces naissances malheureuses, mais, ces dernières années, assure-t-on, elles ont nettement augmenté. La cause résiderait dans l’usage de bombes à l’uranium appauvri, qui a été pratiqué pour la première fois durant la guerre du Golfe. Ces obus auraient également provoqué une hausse fulgurante du nombre de leucémies et d’autres tumeurs. Le «projet Sindbad» prévoit aussi un cours d’éducation sanitaire destiné aux mères, auxquelles on apprend, en premier lieu, à faire un bon usage de l’eau. Un problème, celui des ressources hydriques, qui frappe gravement le pays. Nombreux centres de distribution d’eau potable ont été endommagés par les bombardements. Résultat: l’eau n’est bien évidemment pas potable, ni utilisable pour faire la cuisine, surtout dans les zones où les nappes phréatiques ont été contaminées par les bombes à l’uranium.

«NOUS VOULONS LA PAIX» Cette situation a provoqué la propagation de très nombreuses maladies. Outre le «projet Sindbad», l’initiative baptisée «Un pont pour Bagdad» finance également, depuis 1998, un projet pour remettre en état de marche une usine qui fournit de l’eau (préalablement rendue potable) aux quelque 120 000 habitants d’un quartier de Bassora. Les craintes quant à une destruction de ce réseau d’approvisionnement agitent les opposants à un conflit en Irak, car celui-ci aurait des conséquences encore plus catastrophiques pour la population civile. A Bassora, on a le sentiment que le spectre d’une nouvelle guerre hante les esprits plus que dans les autres régions de l’Irak. «Pour l’heure, la vie continue normalement, expliquent des étudiants de la Faculté d’ histoire. Nous espérons que la guerre n’aura pas lieu. Nous voulons la paix.» «Vous avez peur de la guerre?», nous leur demandons. «Oui, certainement. Comment est-ce que nous ne pourrions pas craindre l’avènement d’un nouveau conflit. Nous savons bien ce que c’est qu’une guerre.» Est-ce que vous seriez disposés à accepter la présence des Etasuniens sur votre territoire, pour éviter justement qu’il y ait une guerre? «Non. Nous ne voulons pas que les Etasuniens viennent chez nous. Si nous nous trouvons dans cette situation de misère et de précarité, la faute est à l’ embargo imposé par Washington.» Irez-vous vous battre? Face à cette question, les étudiants hochent la tête, en signe de réponse négative, en continuant à nous fixer avec un sourire triste et désarmant. Durant le vol du retour, nous regardons l’immense étendue du désert qui sépare Bassora du reste du pays et des autres villes proches. Nous avons alors de la peine à imaginer comment, dans cette vaste région, les soldats irakiens pourraient s’opposer à une attaque des troupes étasuniennes en provenance du Koweït.

Traduit et adapté par FABIO LO VERSO

(1) Rappelons que la décision d’interdire les vols au nord du 36e parallèle et au sud du 33e n’a pas été ratifiée par les Nations Unies

www.lecourrier.ch/


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