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Le régime international des brevets: Un enjeu majeur pour le Québec

Jean Frederic Morin, Lundi, Décembre 9, 2002 - 21:02

Jean-Frédéric Morin

Les brevets soulèvent des enjeux économiques, sociaux et environnementaux majeurs pour le Québec et le Canada. Ils permettent de stimuler l’innovation technologique indispensable à notre économie mais peuvent aussi menacer notre diversité biologique, culturelle et agricole. Cette question est particulièrement importante au moment même où nous évaluons l’impact du Sommet de Johannesburg sur le développement durable et où s’amorce un nouveau cycle de négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

La Cour suprême du Canada a récemment refusé d’accorder un brevet sur une souris modifiée génétiquement. Mais la Chambre de Communes pourrait bien amender prochainement la loi canadienne pour accepter le brevetage des plantes et des animaux. C’est d’ailleurs ce que recommandait, en juin dernier, le Comité consultatif canadien de la biotechnologie.

Les brevets soulèvent des enjeux économiques, sociaux et environnementaux majeurs pour le Québec et le Canada. Ils permettent de stimuler l’innovation technologique indispensable à notre économie mais peuvent aussi menacer notre diversité biologique, culturelle et agricole. Cette question est particulièrement importante au moment même où nous évaluons l’impact du Sommet de Johannesburg sur le développement durable et où s’amorce un nouveau cycle de négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Les brevets et notre biodiversité

Un article publié le 24 octobre dernier dans la revue Nature faisait état du projet d’une entreprise californienne, Diversa Corporation, d’effectuer de la « bioprospection » dans les forêts canadiennes . Diversa souhaiterait analyser nos ressources biologiques naturelles pour guider la recherche et le développement de produits biotechnologiques. Or, certains observateurs craignent que les activités de bioprospection permettent aux entreprises de biotechnologie de s’approprier, au moyen de brevets, des ressources biologiques naturelles et les connaissances traditionnelles qui leur sont associées.

En réponse à ces inquiétudes, les membres de l’OMC examinent depuis quelques mois la compatibilité entre la brevetabilité du matériel biologique et la Convention sur la diversité biologique. Cette convention stipule que les utilisateurs de ressources biologiques devraient partager les avantages qu’ils tirent de la biodiversité avec leurs fournisseurs de ressources biologiques. Pour faciliter la mise en œuvre de ce principe, le Brésil a récemment proposé aux membres de l’OMC d’imposer aux demandeurs de brevets de divulguer leurs fournisseurs de ressources biologiques.

Le Canada compte à la fois des fournisseurs de ressources biologiques, comme les propriétaires de forêts privées, et des utilisateurs, comme les nombreuses entreprises de biotechnologie de Montréal. En tant que pays riche en biodiversité et pays riche en biotechnologies, le Canada est susceptible de compter à la fois des « biopirateurs » et des victimes de « biopiraterie ». Étrangement, les gouvernements, tant canadien que québécois, ont négligé à ce jour l’application du principe du partage des avantages découlant de l’utilisation de la biodiversité.

Les brevets et nos connaissances traditionnelles

Le droit international des brevets n’est pas uniquement débattu à l’OMC mais également à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Les négociations actuelles à l’OMPI sur le Traité sur le droit matériel des brevets portent sur l’uniformisation des critères de brevetabilité. Bien que le critère de nouveauté soit reconnu par tous, son application diffère grandement d’un pays à l’autre. Par exemple, le droit américain définit si largement le critère de nouveauté qu’elle permet de breveter des inventions qui existent déjà mais qui ne sont que divulguées oralement et à l’extérieur des États-Unis. Certains observateurs concluent qu’une pharmacopée utilisée par des générations d’autochtones pourrait être appropriée par une entreprise qui jouirait, grâce aux brevets, de droits exclusifs sur sa commercialisation.

Quelques initiatives isolées ont été développées au Québec et au Canada pour assurer la protection des connaissances traditionnelles. Par exemple, l’entreprise inuit Unaaq Fisheries protège les connaissances traditionnelles de sa communauté d’origine par des secrets commerciaux. De même, le Center for Traditional Knowledge établit actuellement un registre de détenteurs de connaissances traditionnelles afin de favoriser la reconnaissance de leur contribution auprès des usagers. Mais il s’agit encore d’initiatives isolées et d’envergure relativement limitée.

Considérant que le Québec et le Canada prônent, sur la scène internationale, la promotion de la diversité culturelle, ce qui inclut les cultures traditionnelles et locales, il semblerait cohérent qu’ils favorisent activement des initiatives de protection des connaissances traditionnelles.

Les brevets et notre agriculture

En dehors des grands forums multilatéraux comme l’OMC et l’OMPI, le droit international des brevets progresse par le biais d’accords bilatéraux. Plusieurs de ces accords imposent aux signataires d’accepter la brevetabilité des formes de vie supérieures, c’est-à-dire des plantes et des animaux. Bien que le Canada n’ait pas encore signé un de ces accords, il est plausible que la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) nous imposera bientôt la brevetabilité des formes de vies supérieures. Face à cette éventualité, l’organisme Développement et Paix a remis le mois dernier une pétition de 180 000 noms au Ministre du commerce international pour lui demander d’interdire le brevetage des semences.

Les débats internationaux sur le brevetage des formes de vie supérieures concernent directement notre industrie agroalimentaire en tant que consommatrice de produits brevetés. D’une part, le système des brevets est un facteur qui contribue au phénomène de concentration de l’offre de semences aux mains de quelques entreprises. Ce phénomène favorise l’érosion génétique agricole, tend à faire augmenter le prix des semences et soumet les agriculteurs nationaux à des fournisseurs étrangers. D’autre part, un brevet sur une plante s’applique à toute la descendance contenant l’invention génétique brevetée. Si la loi canadienne est amendée pour permettre le brevetage des végétaux, il y aurait peut-être lieu de prévoir une exception qui garantit aux agriculteurs leur droit de conserver une partie de leurs récoltes pour les utiliser l’année suivante comme semences.

Un politique des brevets doit être analysée sous le prisme tridimensionnel du développement durable, en tenant compte à la fois des objectifs de croissance économique, d’équité sociale et de durabilité environnementale. Certes, le droit international des brevets doit évoluer pour mieux répondre aux préoccupations des entreprises innovatrices. Mais nos richesses biologiques, culturelles et agricoles doivent être protégées. Il est impératif que le Québec et le Canada prennent une place plus active dans ces débats internationaux avant que de nouveaux traités dictent nos propres politiques.



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