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Témoignage d'une femme assiégée ainsi que d'enfants israéliens

Anonyme, Domingo, Abril 7, 2002 - 05:40

Je transmet ce témoignage: "Je suis la directrice du Centre culturel Khalil Sakakini de Ramallah
(http://www.sakakini.org). Assiégée chez moi dans Ramallah, j'envoie ce témoignage aux journalistes, amis et autres personnes pour leur demander de retransmettre ce message à d'autres personnes"

APPEL ET TEMOIGNAGE DE RAMALLAH
Dimanche 31 mars 2002

Je suis la directrice du Centre culturel Khalil Sakakini de Ramallah
(http://www.sakakini.org). Assiégée chez moi dans Ramallah, j'envoie ce
témoignage aux journalistes, amis et autres personnes pour leur demander de
retransmettre ce message à d'autres personnes.

J'espère qu'il n'alimentera pas une chaîne d'e-mails pour susciter la
piété, demander des prières ou des dons, mais plutôt des actes. Nous faisons
notre part en résistant ou en restant constants dans l'adversité et nous
demandons au monde de faire sa part au nom de l'humanité à laquelle nous
appartenons tous. Nous ne voulons pas devenir les Peaux-Rouges du monde
arabe, nous voulons tout simplement vivre libres sur cette terre, dans la
paix et la dignité.

Je commencerai pas un survol rapide de la situation «en direct» et je vous
proposerai 9 suggestions de ce que nous aimerions voir se concrétiser dans
les médias et ailleurs dans le monde.

Tout d'abord ce soir, dimanche, nous avons entendu de plusieurs sources
que des soldats israéliens avaient exécuté de sang-froid 30 policiers
palestiniens dans un bâtiment de la rue Irssal de Ramallah où ils s'étaient
réfugiés. Cela fait suite à l'exécution de 5 policiers palestiniens tués
d'une balle dans la tête et dont les corps ont été jetés dans la rue et y
sont restés pendant des heures vendredi. On empêche les ambulances de se
rendre à destination et les Israéliens sont entré de force dans un hôpital
(Arabcare) et ont tiré dans un autre (Nazer Maternity Hospital). Si cela
continue, ce sera une autre Tchétchénie ou un autre Sarajevo.

En ce qui me concerne, je suis confinée chez moi depuis vendredi matin,
comme les dizaines de milliers d'habitants de Ramallah et El-Bireh, sans
éventualité que cela finisse bientôt. Nous n'avons pas eu d'électricité
pendant une journée, mais grâce à Dieu, aujourd'hui dimanche, le courant est
rétabli.

L'armée israélienne a pénétré hier dans le village (Kobar) d'un de nos
employés du Centre Sakakini. Elle a détruit leurs affaires et arrêté son
plus jeune frère avec 30 autres jeunes du village.

La femme de ménage de notre Centre vit dans une maison dont les toilettes
sont à l'extérieur. Pendant trois jours, les Israéliens se sont postés à la
porte de chez elle en empêchant toute sortie. Quand l'aîné de la famille
s'est glissé dehors pour aller aux toilettes extérieures, ils l'ont attrapé
et l'ont battu. Son père, un enseignant, a essayé d'intervenir, les
Israéliens l'ont battu et arrêté.

Un de membres du conseil de notre Centre a été arrêté avec tous les
employés de l'immeuble à bureaux où il travaillait jeudi soir tard. Ils ont
tous eu les yeux bandés et les mains liés, on les a confinés dans une pièce
pendant 16 heures. Les Israéliens ont détruit du mobilier de bureau et volé
les disques durs des ordinateurs. Ils se sont tous détachés quand ils ont
réalisé que les Israéliens étaient partis à la recherche d'une proie plus
intéressante... Mon beau-frère, sa femme et leurs 3 enfants de moins de 10
ans n'ont ni téléphone ni électricité depuis vendredi et ne peuvent pas
aller vivre chez quelqu'un d'autre car on leur tirerait dessus.

Le père de ma voisine immédiate a 70 ans et habite près des bureaux
d'Arafat. Les Israéliens ont fait irruption chez lui vendredi, ils ont tout
cassé à coups de crosses de fusil (TV, évier, meubles, etc.) puis ils ont
volé de l'argent. On dit aussi que des soldats israéliens ont pénétré dans
des banques, bureaux de change et bijouteries et qu'ils ont volé argent et
bijoux.

À El Bireh, ils ont arrêté samedi 150 homme des 16 à 45 ans, après leur
avoir intimé l'ordre de sortir et ils les ont regroupés dans la vieille
ville de Ramallah.

La seule station de TV locale privée (Watan TV) qui nous donnait des
bulletins toutes les heures a été saisie vendredi par la Israéliens qui
diffusent désormais des films pornographiques. Les journalistes ont dû
quitter Ramallah aujourd'hui dimanche.

Vous trouverez ci-dessous 9 suggestions et demandes modestes et utopiques:

1 - Il s'agit d'un long siège, s'il vous plaît faites des pressions
continuelles, racontez nos récits et lancez des appels pour des actions
continuelles.

2 - La directrice administrative et responsable des finances du Centre,
Mme Manal Issa a recueilli près de 10 témoignages d'enfants de son entourage
décrivant leurs conditions de vie sous le siège et des dessins qu'elle a
scannés. On peut se procurer ces témoignages en arabe en écrivant à
issa...@yahoo.com. Je les traduirai demain en anglais et vous les
transmettrai. Je demande aux personnes qui reçoivent cet e-mail par envoi
direct ou par retransmission de nous demander des copies de ces témoignages
et de les diffuser le plus largement possible. (Voir ci-après)

3 - Veuillez faire pression sur la communauté internationale et sur les
décideurs pour faire lever le siège dont nous faisons l'objet. Nous avons
besoin de dizaines et de centaines de lettres à la Maison Blanche:
pres...@whitehouse.gov et vice...@whitehouse.gov

4 - Si vous ne voulez pas le faire, veuillez écrire aux grands journaux
américains au sujet du siège.

5 - Il faut des manifestations quotidiennes devant les ambassades
israéliennes.

6 - Il faut des appels des artistes arabes aux artistes de l'Europe de
l'ouest pour qu'ils fassent des concerts, manifestations et appels aux
décideurs pour faire lever le siège.

7 - Nous avons besoin que les artistes de l'Europe de l'ouest agissent et
fassent des événements pour demander la levée du siège dont nous faisons
l'objet.

8 - Si vous travaillez pour une publication, veuillez consacrer une
section aux nouvelles quotidiennes ou hebdomadaires sur le siège, faites des
interviews des témoins de la répression ou du siège, diffusez des
témoignages d'enfants et des informations provenant des hôpitaux.

9 - Vous pouvez obtenir des informations sur la situation sanitaire
désastreuse en appelant l'Hôpital de Ramallah pour parler au Dr Atari
(directeur) ou au vice-ministre de la santé qui s'y trouve (Dr Munther
Sharif) au (972 2) 298 2220.

10 - Donnez-nous vos suggestions pour agir et dites-nous ce qu'il vous
faut pour mieux nous aider.

Merci au Muharraq Club, aux TV de Bahrein et au Nadwat al Thaqafa de Dubai
qui nous ont déjà entendus.

Merci à toutes et à tous, nous espérons avoir bientôt de vos nouvelles.

Adila Laïdi
Traduit en français par Danièle Ouanès à Montréal.
__________________________________

DES TÉMOIGNAGES D'ENFANTS

Je suis la directrice du Centre culturel Khalil Sakakini de Ramallah, je
vous écris de chez moi pendant le siège. Vous trouverez ci-joint 13 courts
témoignages d'enfants palestiniens qui vivent sous le siège à Ramallah.
Veuillez les publier et les diffuser immédiatement.

Ces témoignages ont été transcrits en arabe par Mme Manal Issa, préposée
aux finances et à l'administration du Centre Sakakini, et ils ont été
traduits en anglais, puis en français. Nous espérons que vous pourrez les
publier comme «instantanés» sur le sort qui est nôtre, nous les Palestiniens
assiégés par les Israéliens.

Merci et salutations, Adila Laïdi

Dimanche 30 mars 2002
Je m'appelle Alayyan Zayed, j'ai 9 ans. Je ne peux pas jouer dans ma cour.
Je ne peux pas sortir devant la porte d'entrée de ma maison à cause du
couvre-feu. J'ai caché mes jouets parce que j'ai peur que les soldats
israéliens m'emmènent parce que j'ai des fusils jouets et des tanks jouets.
Je ne peux même pas aller au magasin acheter des bonbons à cause du
couvre-feu.

Voici une lettre de Rana au monde entier: En ce moment, mon père est au
loin. Quand j'ai remarqué pour la première fois que ma soeur et ma mère
pleuraient en regardant la TV où on voyait les soldats israéliens qui
tuaient les hommes qu'ils avaient arrêtés, j'ai cru que mon papa était l'un
d'eux. J'ai commencé à pleurer et pleurer et puis au bout d'une minute je me
suis demandée pourquoi je pleure, c'est notre destinée. Mon père est
policier et nous devons résister.

Je m'appelle Lema Zayed, j'ai 11 ans: je veux aller à l'école finir mes
études cette année. Je veux être libre pendant l'été, aller nager et
m'amuser. Je veux que les soldats israéliens quittent notre pays, arrêtent
l'occupation et arrête d'utiliser ces gros tanks. Nous n'avons rien pour les
confronter. Je ne veux pas qu'ils occupent nos maisons ou qu'ils tirent des
obus dessus.

Je m'appelle Ahmed Tuqan, j'ai 7 ans. Depuis que l'Intifada a commencé,
nous avons commencé à déménager d'une maison à l'autre. Chaque semaine, nous
habitons une maison différente. Les Israéliens entrent dans les maisons et
ils font peur aux gens. Quand ils sont entrés dans Jérusalem, nous avons
déménagé à Ramallah et quand ils sont entrés à Ramallah, nous avons déménagé
à Jérusalem.

Mustafa Mulhem, 8 ans: je veux dire merci aux pays étrangers parce qu'ils
veulent aider les enfants palestiniens. Notre situation est très, très
mauvaise. Nos villes sont occupées, Je suis à Ramallah, c'est l'occupation
totale par les soldats israéliens, la ville est pleine de tanks et de
véhicules militaires. J'ai du chagrin pour les shuhada (morts) et les
blessés mais nos hôpitaux et nos docteurs nous protégerons.

Je m'appelle Ala' Jibrin, j'ai 12 ans: j'habite Ramallah dans une vieille
maison d'une pièce. Il n'y a pas de toilettes, alors nous utilisons les
toilettes dehors (lieux d'aisances) de nos voisins, à 30 mètres de chez
nous. Les soldats israéliens nous empêchent d'y aller ou d'aller à la
cuisine, qui est aussi à l'extérieur de chez nous. Nous ne pouvons même pas
faire la cuisine. Nous sommes 8 frères et sours dans cette situation
difficile. Nous n'y comprenons rien et nous ne savons pas quoi faire, si
nous sortons, il se pourrait qu'ils nous tirent dessus. En plus, les soldats
jettent leurs ordures, ils chient et pissent devant notre porte d'entrée.
L'électricité est coupée depuis hier. Nous sommes nerveux et c'est une
situation psychologiquement difficile. Nous demandons à Dieu et à toute
personne sur cette terre qui a des sentiments humains de s'interposer et de
mettre fin à ce cauchemar que vivent les enfants palestiniens.

Je m'appelle Yanal Zayed, j'ai 4 ans. Je veux nager. Je veux être chez
moi, avoir une maison et une fenêtre pour regarder dehors.

Je m'appelle Sara Atrash, j'ai 5 ans, Mamam, je t'aime.

Heba Burkan: 12 ans: Nous désirons ardemment la paix et la sécurité. Nous
voulons de l'amour et de l'affection. Donnez-nous notre enfance et la
liberté.

Dimanche 31 mars 2002
Ahmed Atrash, 8 ans: C'est une situation très difficile. Je m'ennuie. Mes
parents ne me laissent pas jouer dans la cour. Ils ne me laissent pas
regarder la TV, parce qu'ils regardent les nouvelles. Je suis triste pour
les shuhada (morts) et j'étais encore plus triste quand j'ai entendu que
leur nombre augmentait. Mais je joue avec mes amis dans le quartier. Mon
seul souhait est que les soldats israéliens partent de mon pays et c'est le
meilleur vou que je fais.

Ala' Jibrin, 12 ans: Pendant qu'on dormait, on a entendu un bruit de verre
cassé. Nous avons regardé par la fenêtre et avons vu des soldats israéliens
qui cassaient les vitres des voitures et qui volaient les lecteurs de CD.
Ils ont cassé les vitres de notre voiture mais, Dieu merci, ils n'ont pas
volé notre lecteur. Le matin, 15 soldats sont entrés chez nous en criant.
Ils ont tout mis sens dessus dessous, ils ont arrêté mon père et nous ont
gardés dans notre petite cuisine à l'extérieur de la maison. Je crois qu'ils
ont emmené mon père parce qu'il avait un drapeau palestinien. Je les ai vus
battre très fort les hommes qu'ils avaient arrêtés. Est-ce que ce n'est pas
en soi du terrorisme, oh mon Dieu!

Mizer Jibrin, 15 ans (frère d'Ala). Les soldats israéliens nous ont
empêchés de sortir pour aller à la cuisine ou aux toilettes. Nous étions
dans une situation incroyable. Comme les toilettes sont loin de la maison,
mes plus jeunes soeurs utilisaient une boîte à ordure vide. J'ai refusé et
insisté pour aller aux toilettes dehors. Mes parents ont essayé de
m'empêcher, et comme j'insistais il ont été d'accord en me disant de faire
attention. Quand j'ai eu fini aux toilettes, les soldats m'avaient encerclé
et m'ont demandé de mettre les mains en l'air. L'un d'eux m'a poussé et a
commencé à me questionner: Qu'est-ce que tu fais, comment tu t'appelles,
quel âge as-tu? Je leur ai répondu et ils allaient me battre quand mon père
a crié: «arrêtez, arrêtez, c'est un enfant qui est sorti pour aller aux
toilettes». Ils m'ont relâché et ont fait irruption dans la maison. Ils ont
emprisonné mes soeurs, mes frères et moi dans notre petite cuisine et ont
détruit nos affaires. Ils ont arrêté mon père et l'ont battu avec d'autres
hommes. Puis ils leur ont couvert la tête avec des sacs en plastique en les
emmenant vers une destination inconnue. J'ai connu l'occupation et je
n'oublierai jamais, jamais. Je veux dire arrêtez votre occupation, arrêtez
votre tyrannie et arrêtez votre tuerie, arrêtez...

Alayyan Zayed, 9 ans: Les soldats israéliens tuent les hommes jeunes et
effrayent les enfants. Ils emprisonnent les soldats palestiniens et tuent
les journalistes. Soutenez-nous et protégez-nous.

Traduit en français par Danièle Ouanès à Montréal.
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