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Littérature de combat

vieuxcmaq, Lunes, Noviembre 27, 2000 - 12:00

Nicolas Lefebvre Legault (compop@qc.aira.com)

Une critique du petit dernier de Chomsky.

Avec un peu de chance, peut-être vous souviendrez-vous de la guerre du Kosovo. Guerre juste, guerre humanitaire, a-t-on dit, mais surtout guerre d'une alliance concentrant les principales puissances militaires de la planète contre un petit État perdu au fond des Balkans. À l'époque (en avril 1999; voir l'Infobourg, vol. 14, no 2), nous avions été entre 50 et 75 à marcher de la place d'Youville au consulat américain sous les bannières du "Front contre le terrorisme des États" pour protester contre "l'intervention" (lire les bombardements) de l'Otan en (ex-)Yougoslavie. Deux livres publiés récemment tendent à nous donner raison, et à expliquer pourquoi nous étions si peu nombreux.

Noam Chomsky, critique bien connu de la politique étrangère américaine, vient de publier aux Éditions Écosociété Le nouvel humanisme militaire, leçon du Kosovo. Ce livre démontre, nombreuses preuves à l'appui, que toute l'argumentation de l'OTAN pour justifier son intervention fut fausse de bout en bout et cachait d'autres intentions. L'auteur souligne notamment l'hypocrisie des arguments voulant qu'il faille intervenir là où on le peut dans les cas d'épuration ethnique (dixit Clinton). Chomsky rappelle par exemple la situation de la Turquie, un pays qui réserve à sa minorité kurde un traitement en tout point comparable à celui qu'ont subi les Kosovars albanais de la part du gouvernement yougoslave. Non seulement les États-Unis et l'Union Européenne ne font rien contre la Turquie, qui est un membre de l'OTAN, mais en plus ils lui vendent des armes pour qu'elle poursuive l'épuration de sa minorité kurde et la soutiennent diplomatiquement dans sa lutte contre le "terro-risme séparatiste" (ce qui aurait équivalu à soutenir Milosevic contre les "terro-ristes séparatistes" de l'UCK). On pourrait également parler de la Colombie, où les États-Unis intervenaient encore récemment avec le "plan Colombie"... du côté du gouvernement (les "méchants")!!!

L'argument le plus fort de Chomsky reste cependant celui voulant que le bombardement de l'OTAN ait considérablement augmenté et accéléré le nettoyage ethnique, que ce nettoyage était prévu et que rien n'a été fait pour accueillir le flot de réfugiés. Pour appuyer son argumentation, il cite le responsable militaire de l'OTAN, le général Clark.

Clark a convenu que le recours aux bombardements avait "grandement accéléré [le] massacre et la spoliation" des Kosovars albanais, que c'était là un résultat "entièrement prévisible" dès le début, que "la direction politique" de l'OTAN n'avait jamais eu "la moindre intention" de mettre fin à "l'épuration ethnique conduite par les Serbes" et que les plans de guerre que les dirigeants lui avaient ordonné de préparer n'étaient d'ailleurs "pas conçus" dans le but d'y mettre fin, "en aucune façon". Par surcroît, le Haut-commissiariat aux réfugiés des Nations unies avait été amputé d'une portion substantielle de son budget peu de temps avant les événements, une conséquence directe du refus des États-Unis de payer leur dette à l'ONU. Autrement dit, le gouvernement américain savait qu'en bombardant, il allait créer une catastrophe humanitaire, et il n'a rien préparé pour y faire face tout en sachant pertinemment que la seule instance internationale capable de remédier à cette catastrophe, c'est-à-dire le Haut-commissariat aux réfugiés, ne disposait plus des fonds nécessaires. Édifiant...

L'opinion, ça se travaille

Un autre livre, traitant quant à lui du traitement médiatique des événements, a été publié par Serge Halimi et Dominique Vidal aux Éditions Agone/ Comeau & Nadeau. Il s'agit de L'opinion, ça se travaille… (les médias, l'OTAN et la guerre du Kosovo). Cet ouvrage, écrit par deux journalistes du Monde diplomatique, nous révèle, preuves à l'appui une fois de plus, que les médias (et une large frange des intellectuels occidentaux) ont volontairement participé à une campagne de propagande en faveur de l'OTAN et des bombardements, allant jusqu'à mentir sciemment.

Le livre s'efforce dans un premier temps de prouver que l'intervention de l'OTAN était illégale sur toute la ligne. En effet, elle allait à l'encontre de la Constitution de la majorité des pays membres (l'article 35 de la Constitution française dans l'exemple cité), du Traité de fondation de l'OTAN (article 5) et de la Charte des Nations unies (article 2, aliéna 3 et 4). De plus, cette intervention était largement illégitime, puisque jamais aucun des parlements des pays membres de l'OTAN ne fut saisi de la question. Pourtant, grâce à une campagne massive d'intox médiatique, on a rendu la guerre légitime (à défaut d'être légale).

En fait d'intox, je n'en soulignerai que deux. La première concerne l'étendue des massacres serbes perpétrés contre des Kosovars albanais. À l'époque, si vous vous souvenez bien, on parlait de centaines de milliers de morts. Or, après des vérifications effectuées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, on n'a pu retrouver que 2 108 cadavres. Pourtant, on ne peut pas faire disparaître des centaines de milliers de cadavres comme si de rien n'était. Pire, les Kosovars eux-mêmes n'ont signalé la disparition que de 4 266 proches. L'origine de l'intox? Les médias, et les pouvoirs, ont pris pour argent comptant les estimations fournit par l'organe officiel de l'Armée de libération du Kosovo (l'UCK), sans jamais, bien sûr, identifier leurs sources.

Autre intox : celle sur l'opposition "démocratique et indépendante" serbe (qui vient d'arriver au pouvoir). Pour la démocratie et l'indépendance, on repassera. En juillet 1999, le Sénat américain a débloqué 100 millions de dollars, qui s'ajoutent à plus de 16 millions déjà dépensés, pour soutenir cette opposition serbe que Gelbart, l'envoyé spécial du Sénat, affirme "contrôler".

Le seul remède : l'esprit critique

En avril 1999, ceux qui, comme les manifestants de Québec, s'opposaient aux bombardements de l'OTAN en ex-Yougoslavie et refusaient de prendre position pour l'un ou l'autre camp, étaient qualifiés d'ultragauchistes, d'insensibles et d'antiaméricains primaires. Pourtant, ce sont peut-être eux qui ont eu raison... Les autres auraient sans doute intérêt à lire ces deux livres, histoire de ne pas se faire reprendre la prochaine fois.

Noam Chomsky, Le nouvel humanisme militaire, leçon du Kosovo, Montréal, Éditions Écosociété, 2000, 332 p.

Serge Halimi et Dominique Vidal, L'opinion, ça se travaille... (les médias, l'OTAN et la guerre du Kosovo), Marseille/ Montréal, Éditions Agone/ Comeau & Nadeau, 2000, 94 p.



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