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La brèche dans le Titanic

vieuxcmaq, Jueves, Octubre 5, 2000 - 11:00

Victor Ramos (alternatives@alternatives.ca)

Le retentissant échec du lancement du Cycle du millénaire à Seattle qui réunissait 135 représentants des pays membres de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, constitue une brèche béante dans la structure même du bâtiment amiral de la mondialisation marchande. Seattle a été un échec énorme pour les mondialistes à outrance, pour les intégristes de la pensée unique et la mise a nu, devant tout le monde, des limites et des contradictions de ce modèle. Mais, Seattle a été le triomphe du bon sens, de la prudence et de la force de l'organisation des citoyens ordinaires. C'est aussi la démonstration claire que l'invincibilité du système est un mythe. C'est l'autre mondialisation en marche, celle qui est démocratique, participative et solidaire

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Les multiples causes de l’échec

Dans cette tour de Babel qu’était le sommet de Seattle, personne ne comprenait personne et pas seulement à cause des 60 000 manifestants qui étaient dehors. En réalité, deux principales causes expliquent l’échec. La première est interne, située dans la "moelle" même du modèle compétitif. Voyons de plus près : quelles sont les valeurs de base, les paradigmes qui structurent ce système, que l'on veut mondialiser coûte que coûte. LA CONCURRENCE A OUTRANCE, LE PROFIT MAXIMUM POUR SOI, AUCUNE CHANCE POUR L'AUTRE qui, par définition du modèle, est un concurrent, et à la limite, un ennemi. Cohérent avec ces paradigmes, à l'OMC, "tout le monde est contre tout le monde", "Arrogance américaine, intransigeance européenne et colère des pays émergents négligés dans une querelle des pays riches, le fiasco de la conférence de Seattle était inévitable", écrit le journaliste Claude Soula du Nouvel Observateur. La deuxième cause de l'insuccès est d'ordre externe. La mobilisation des citoyennes et des citoyens en peu de partout dans le monde, localement (Angleterre, Allemagne, France, Japon, Canada) et en se pointant à Seattle, a fait dérailler la conférence de l'OMC. À Seattle même, autour de 60 000 manifestants bien préparés pour les actions de désobéissance civile pacifique ont mis du sable dans les engrenages de la machine de l'OMC. Des organisations, des collectifs, des associations aux intérêts très différents et de différents pays ont travaillé main dans la main (défense du commerce équitable, de l'environnement, contre le chômage structurel, refus de la marchandisation de la culture, etc.) Ils étaient la conscience alerte du reste des citoyens qui les voyaient se faire tabasser, gazer et arroser avec du poivre de Cayenne par les forces policières ressemblant étrangement à "robocop".

Antidémocratique

Comme toute entreprise humaine, la mondialisation marchande se construit sur des mythes. Deux sont tombés par terre. LA MONDIALISATION MARCHANDE, à l'égale que le tristement fameux "Titanic", N'EST PAS INVINCIBLE. La conférence de Seattle devait servir à établir l'agenda des prochaines réunions appelés le "cycle du millénaire" pour avancer dans le sens d'une libéralisation en profondeur du commerce et pour se doter d'une sorte de "charte de droits et libertés" des entreprises de tous les pays pour investir, commercer, spéculer, pour leur plus grand profit, sans les entraves culturelles, sociales et écologiques, etc. Pour toutes les entreprises de tous les pays ? Pas pour toutes ni pour tous. Le modèle qui veut s'imposer n'est pas pour TOUS. Par définition il est pour le bénéfice des "winners" gagnants oui, mais pas nécessairement les meilleurs). C'est surtout pour les plus forts en capital, pour ceux qui ont les meilleurs contacts, les réseaux les plus complexes et forts. Mais, aucun accord important n'a été signé. Les délégués à l'OMC se sont empêtrés dans leurs propres "sacro-saintes" et "infaillibles lois" du marché de la compétition et de l'opportunisme et dans leur incompréhension du fait que marché n'est pas égal à société. Également, les intégristes du supermarché mondial ont été vaincus par l'action directe de milliers des citoyennes et des citoyens de différents pays et par la vigilance de millions de dissidents d'un système qui se veut total et global mais, qui intègre en excluant et inclut en désintégrant…

L'autre mythe qui est tombé par terre a été celui de "l'esprit libre et démocratique" du modèle du tout marché. Les pays dits en développement, se sont vus exclus des discussions importantes. Aucune concession véritable à leurs réclamations de plus d'ouverture des marchés n'a pas été acceptée. À un second niveau, c'était à l'extérieur, devant et derrière les caméras, où les forces policières empêchaient les citoyens de manifester pacifiquement. L'état d'émergence a été déclaré, la Garde nationale a été appelée, des hélicoptères survolaient sur les manifestants, qui ont été durement réprimés et des centaines emprisonnées. La "plus grande démocratie" et la plus importante réunion des mondialistes ont utilisé les procédés des plus minables dictatures… Sera-t-il vrai alors ce qu'affirme cet agent de la haute politique états-unienne ?: "La main invisible du marché ne fonctionnera jamais sans le poing invisible. MacDonald ne peut être prospère sans MacDonell-Douglas […] Le poing caché qui garantit un monde sûr pour la technologie de Silicon Valley s'appelle l'armée, l'aviation, la marine et le corps de Marines des États-Unis. " (Thomas Friedman, conseiller de Madeleine Albright)

L’alternative : la mondialisation civique

Le modèle néo-libéral se croit éternel, invincible et la seule voie possible actuelle et future pour toute l'humanité. C'est toujours la même chansonnette des propagandistes de tout modèle qui veut s'imposer. Quant on nous répète constamment que "la mondialisation est inévitable", qu'"il n'y a rien à faire" d'autre que de se résigner, de s'adapter et de devenir un adepte béat de la nouvelle panacée, il s'agit alors d'un processus d'imposition et de manipulation et pas le résultat d'un acte libre et raisonné. C'est la pensée magique en action, travestie en rationalité, c'est l'intégrisme économique d'une élite, présenté comme contrainte techno scientifique. Devant le manque d'arguments valables pour défendre la mondialisation faite en fonction des intérêts des bourgeoisies financières et des transnationales, on nous sert alors la "raison" de la rationalité économique, supposément neutre et bénéfique pour tous. Devant ce modèle mercantile "inévitable", unique, idéologique et indiscutable, une société civile locale et globale en émergence propose d'autres voies possibles, plurielles, libres et dialogiques. À Seattle a triomphé la sagesse, la liberté et les intérêts de la communauté locale et globale.

Québec 2001

Maintenant, que faire ? Comme citoyennes et citoyens, nous avons devant nous trois tâches importantes : la première, résister localement et internationalement aux actions rétrogrades et néfastes de la mondialisation marchande, particulièrement aux tentatives de législations liberticides au bénéfice des élites financières et des transnationales. Notamment, nous devons prendre TOUS LES MOYENS LÉGAUX, DÉMOCRATIQUES, TECHNOLOGIQUES ET PACIFIQUES pour combattre dans nos propres pays et globalement les postulats du néolibéralisme et pour influencer les délégués de nos respectifs pays à la Conférence de la ZLEA, Zone de libres échanges des Amériques, qui aura lieu à Québec en avril 2001. En plus, nous devons former le RÉSEAU DES CITOYENS LIBRES DES AMÉRIQUES, RECLA, pour résister de façon coordonnée aux diktats des mondialistes et pour présenter aux citoyennes et citoyens des Amériques une alternative théorique et pratique solide aux postulats idéologiques de la pensée unique. Briser le mur du non-choix du néolibéralisme en présentant d’autres choix. Désarticuler le modèle fermé du marché total par l’élaboration d’un modèle ouvert et pluriel. Pour avril 2001, nous devons nous rendre à Québec en grand nombre pour participer au Sommet des citoyens qui n’est pas seulement contre la mondialisation des conquérants, mais qui propose une autre mondialisation infiniment plus emballant que l'unique, monotone et " inévitable " modèle néolocal. Sommet où nous devons, non seulement résister et critiquer ce modèle, mais surtout mettre en évidence les alternatives politiques et économiques qui se développent comme solution de remplacement au modèle de la nomenklatura mondialiste. Eux écrivent "la fin de leur histoire ". Nous, "le commencement de l’Histoire… "

La deuxième tâche que nous avons comme citoyens est celle d’exiger :
- la transparence de nos gouvernements dans tout le processus
- La participation des membres représentatifs de la société civile dans l'élaboration des positions à défendre afin que l'éventail des intérêts divers de la société, en particulier ceux des jeunes, des chômeurs et des groupes communautaires, soit représenté et pas juste ceux des élites économiques et financières.
- la démocratisation des institutions internationales, en commençant par les Nations unies qui fonctionnent aujourd’hui comme le fief des pays riches et la création des organismes internationaux démocratiques, pour contrôler efficacement les relations commerciales et financières dans le contexte d’un monde complexe et interdépendant. Ces organisations de nouveau type prendront la place des organisations bureaucratiques actuelles telles que le FMI, la Banque mondiale et l’OMC.

Mais, avec la résistance à la mondialisation qui exclut et la démocratisation du processus de négociations et des institutions nationales et internationales, nous sommes toujours sur le terrain, dans l'espace néolibéral et sous l'égide des intérêts, des objectifs stratégiques et des paradigmes de la mondialisation marchande. En d'autres mots, nous sommes à leur remorque, en train de faire acceptable un modèle éthiquement INACCEPTABLE, de présenter comme viable un système NON-MONDIALISABLE à cause de sa dynamique exclusive, de sa non-rentabilité économique GLOBAL et de son impraticabilité sociale et écologique mondiale. Pour passer sur le terrain de la cité, celui des citoyens, selon les paradigmes de la civilité, sur la route viable et réellement mondialisable, il faut faire un pas en avant et utiliser toute notre capacité créative et critique, toute notre capacité d'ouverture vers la nouveauté et les changements importants à vivre personnellement et socialement quant à nos valeurs et à nos modes de vie régis par les dogmes productivistes, "consommistes", individualistes et conformistes.

Notre troisième tâche est celle de défricher notre propre terrain et l’aménager selon NOS VALEURS et en fonction des intérêts de la majorité et non de celle de l’élite ! En d'autres mots, récréer la communauté d'hommes et des femmes libres, responsables et solidaires et sortir de la jungle actuelle des lois du marché qui prédominent et que l'OMC voulait nous nous imposer. Face au fatalisme néolibéral, nous ouvrons d'autres mondes possibles ! Face à l’intégrisme économique, nous pratiquons l'œcuménisme social ! Face à la bureaucratie privée des transnationales, nous mettons de l'avant la démocratie participative ! Face aux nouveaux conquérants, nous les opposons la coopération et la solidarité des citoyens ! En réalité, ce qui est nouveau pour l’espèce humaine n’est pas la compétition et la déprédation mondiales, mais plutôt LA COOPÉRATION ET LE PARTAGE. Ce qui est inédit ce n'est pas les relations en circuit fermé pour la privatisation des profits tirés de toute la planète, mais plutôt la véritable ouverture sur la communauté globale pour partager équitablement les richesses et les connaissances existantes dans la grande famille humaine. De cette façon, nous construirons, ensemble, le village local et le village global du XXIe siècle où hommes et femmes de toute la planète pourront s'épanouir pleinement dans toutes leurs potentialités d'êtres libres, conscients et solidaires.



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