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Mexique : de Cancún à Vícam, meurtres et miracles de noël au pays de Calderón

Anonyme, Martes, Diciembre 21, 2010 - 14:26

Jean-Pierre Petit-Gras

Pendant qu'on fait semblant de parler environnement à Cancun, les indigènes mexicains organisent la résistance pour défendre la terre mère...

Quelques jours avant le coûteux (et lamentable) spectacle donné à Cancún par les représentants de 193 gouvernements mondiaux, pour un prétendu « sommet sur le climat », des envoyés des peuples, tribus et nations purépecha, nahua, wixárica, coca, odham, yaqui, mayo-yoreme, mixtèque, triqui, tsotsil et otomí, auxquels s'étaient joints des membres de la société civile mexicaine et de divers pays d'Amérique, d'Asie et d'Europe, ont tenu à Vícam, dans l'état de Sonora, le « Premier Forum national pour la défense de l'eau ».

Pour les peuples indiens du Mexique, regroupés au sein du Congrès National Indigène (CNI), « l'eau, notre mère et notre père, est le fondement avec la terre, la chaleur et l'air, de nos vies et de tout ce qui naît et tout ce qui vit ; et par conséquent, ce n'est pas une chose qu'on pourrait vendre et acheter comme le prétend le brutal capitalisme qui assassine notre mère la terre »...
[ voir leur déclaration traduite en français ici ]

Lors d'une précédente rencontre en octobre 2007, dans cette même communauté de Vícam, en territoire Yaqui(1), le CNI avait rejeté « la guerre de conquête et d'extermination capitaliste imposée par les entreprises transnationales et les organismes financiers internationaux, en complicité avec les grandes puissances et les États nationaux ».

Cette année, les indigènes mexicains ont mis les points sur les « i », dénonçant « la destruction et le pillage de notre mère la terre à travers l'occupation de nos territoires pour la réalisation d'activités industrielles, minières, agro-industrielles, d'urbanisation sauvage et d'infrastructure, ainsi que la privatisation de l'eau, de la terre, des forêts, des mers et des côtes, de la diversité biologique, de l'air, de la pluie, des savoirs traditionnels et de tout ce qui naît sur notre mère la terre, en nous opposant à la certification des terres, des côtes, des eaux, des semences, des plantes, des animaux et des savoirs traditionnels de nos peuples dans le propos de les privatiser ».
 
Ils refusent donc toute appropriation privée de l'eau et des autres éléments naturels, en même temps qu'ils proclament leur volonté d'approfondir l'autonomie des peuples indigènes, « en défendant la terre, le territoire, les bois, les eaux, les êtres spirituels et naturels, ainsi que nos propres cultures, et en renforçant nos gouvernements, nos assemblées et nos autorités traditionnelles et agraires »(2).
 
Les participants à la réunion de Vícam n'ont pas fait appel aux gouvernants pour qu'ils deviennent enfin raisonnables, et fassent de nouvelles et impossibles promesses.
 
Les peuples indigènes du Mexique subissent actuellement ce qui est peut-être la pire des agressions de toute leur longue histoire. La guerre de conquête et d'extermination menée contre eux a pour but évident de faire main-basse sur leurs territoires -sur lesquels se trouvent encore, mêlées à d'importantes ressources minières, hydrauliques et forestières, quelques unes des zones les plus riches en biodiversité du pays et de l'Amérique Latine.

Cette guerre prend la forme d'un jeu sinistre entre les mafias et l'Etat, où dirigeants des principaux partis politiques, officiers généraux de l'armée et entrepreneurs privés se partagent et se disputent alternativement les dividendes du trafic de cocaïne provenant d'Amérique du Sud, ceux des productions locales de pavot et de cannabis, ou encore de l'enlèvement et du rançonnage des migrants. Tout cela pour réinvestir leurs énormes bénéfices(3) dans l'agriculture industrielle et les infrastructures routières et touristiques, notamment.
 
Cependant, les peuples indigènes du Mexique continuent d'espérer, de croire à un réveil, en bas et à gauche, de leurs concitoyens et de tous ceux qui par le monde refusent les systèmes politiques, économiques et technologiques conduisant l'humanité vers un désastre irréversible. C'est ce qu'exprime leur parole, patiemment réitérée, adressée à celles et ceux qu'ils nomment leurs «frères et soeurs», partout sur la planète.
 
Meurtres en série...

Le violeur et assassin de Bárbara Guzmán Arcos, institutrice ch'ol du Chiapas tuée voici trois mois, court toujours. Ceci malgré les innombrables témoignages le désignant, et l'intense mobilisation des organisations de défense des droits humains de sa région.

Marisela Escobedo Ortiz, dont la fille de 17 ans avait elle aussi été assassinée à Ciudad Juárez, dans le nord du pays, et son meurtrier libéré « faute de preuves », vient elle aussi d'être tuée alors qu'elle campait devant le palais du gouverneur du Chihuahua, afin de tenter d'obtenir que la justice se saisisse de l'affaire.

Comme tant d'autres, comme les membres du centre des droits de l'homme Fray Bartolomé de las Casas, au Chiapas, comme des milliers d'activistes connus ou anonymes, elle faisait l'objet de menaces de mort.

Dans la seule ville de Ciudad Juárez, des centaines de femmes ont été assassinées au cours de ces dernières années. Mais ailleurs, qu'il s'agisse des grandes villes ou des régions indigènes, la situation n'est guère différente.

La terreur s'étend sur le Mexique. Comme s'il fallait définitivement mettre son peuple, ses nations et tribus à genoux.

Miracles de Noël ?

Diego Fernández de Cevallos, dirigeant national du P.A.N.(4) enlevé voici 7 mois par une mystérieuse bande, a été libéré, juste avant les fêtes. L'homme politique a publiquement remercié Dieu et la Vierge, et déjà pardonné à ses ravisseurs. Certains ont plus de chance que d'autres.

Quant à Enrique Peña Nieto, gouverneur de l'Etat de Mexico, responsable direct des crimes commis en mai 2006 contre les habitants de San Salvador Atenco, il vient de convoler en juste noces avec une actrice de feuilletons télé. Un bon point pour celui que beaucoup voient déjà candidat du P.R.I.(5) et vainqueur à la prochaine élection présidentielle.

Cadeaux de Noël !

Si vous offrez des livres, et que le pays d'Emiliano Zapata et la Comandanta Ramona vous intéresse, l'excellent livre de Laura Castellanos(6), Le Mexique en armes, paru chez Lux Editeur, recense l'incroyable violence déployée par l'Etat mexicain au cours de ces 50 dernières années.

Duro, compañeros, de Pauline Rosen-Cros, aux éditions Tahin-Party, retrace fidèlement les événements de Oaxaca, en 2006 et 2007.

Le Rendez-vous de Vicam : Rencontre de peuples indigènes d’Amérique, enfin, de Joani Hocquenghem, contient de superbes témoignages sur la première rencontre, celle de 2007, dans la communauté yaqui. Aux éditions de la Rue des cascades.

Déc. 2010 - Jean-Pierre Petit-Gras

 

1 Les Yaquis ont longtemps résisté, les armes à la main, aux conquistadores espagnols et à leurs descendants. Il faudra des opérations conjointes des armées US et mexicaine, et la déportation par le gouvernement du général Porfirio Díaz de milliers d'entre eux vers les champs de sisal du Yucatan, à 3500 km de chez eux, pour en venir à bout... provisoirement. Les Yaquis (Yoreme) sont aujourd'hui 35000 environ.

2 On peut lire en français le communiqué complet du CNI sur le site du CSPCL : http://cspcl.ouvaton.org/

3 Il ne faut toutefois pas oublier que 80% au moins des bénéfices du trafic de drogues profitent aux mafias des pays consommateurs, aux USA ou en Europe. Des mafias devenues extrêmement discrètes, étroitement associées aux montages financiers des établissements bancaires les plus « honorables ».

4 Parti d'Action Nationale, actuellement détenteur du pouvoir fédéral en la personne de Felipe Calderón Hinojosa, élu en 2006 grâce à une fraude à rendre jaloux MM Gbagbo, Loukachenko et Pasqua réunis.

5 Parti de la Révolution Institutionnelle. Implacablement au pouvoir entre la fin des années 1920 et l'an 2000.

6 Laura Castellanos a elle aussi fait l'objet de menaces et d'un inquiétant harcèlement au cours de ces derniers mois.

 


[ EDIT (Mic à titre de validation au CMAQ)
* Par solidarité, j'ai ajouté les liens et amélioré l'espacement entre les paragraphes, et les styles (gras), etc.
* mis dans la section Reportage indép. vu sa nature descriptive et d'actualité.
* sélection des rubriques.]



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