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La Ville de Montréal retarde la fin de l’enquête Villanueva

lacrap, Lunes, Noviembre 29, 2010 - 16:30

La Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) dénonce la décision de la Ville de Montréal de déposer une requête en révision judiciaire visant à empêcher le coroner André Perreault de faire toute la lumière sur les causes et circonstances du décès de Fredy Villanueva. Non seulement cette requête constitue-t-elle une entrave au travail du coroner Perreault, mais elle a également pour effet de retarder la fin de l’enquête du coroner.

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Le 9 août 2008, l’agent Jean-Loup Lapointe a fait feu sur trois jeunes hommes qui se trouvaient devant lui, tuant Fredy Villanueva et blessant Jeffrey Sagor-Métellus et Denis Meas. Dans son rapport, l’agent Lapointe a voulu justifier son geste fatidique en prétendant que les trois jeunes victimes étaient capables de le désarmer.

Pour cette raison, la crainte d’être désarmé invoquée par l’agent Lapointe est une cause et circonstances du décès du jeune Fredy Villanueva.

La CRAP est cependant d’avis que la crainte d’être désarmé exprimé par l’agent Lapointe n’est rien d’autre qu’un mensonge destiné à justifier l’irréparable.

De la même façon que nous croyons que l’agent Lapointe a menti lorsqu’il a écrit dans son rapport que sa partenaire Stéphanie Pilotte n’était pas en mesure de se porter à sa défense. En fait, la preuve entendue à l’enquête publique a plutôt révélée que l’agent Lapointe n’a jamais demandé de l’aide à la policière Pilotte, qui se trouvait pourtant à ses côtés, avant de prendre la décision de faire feu.

La CRAP veut donc faire la preuve que les trois jeunes victimes n’étaient aucunement en mesure de désarmer le policier Lapointe. Il n’est cependant pas possible de démontrer au coroner la fausseté de la prétention de l’agent Lapointe sans faire l’exercice d’examiner les mécanismes de sécurité des étuis à pistolet du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qui protègent les policiers contre les tentatives de désarmement.

La question des mécanismes de sécurité des étuis à pistolet a d’abord été soulevée au cours du témoignage rendu par l’agent Lapointe lors de l’audience du 12 février 2010. À partir de cette date, les différentes tentatives de débattre de cette question se sont continuellement heurtées aux objections de la Ville de Montréal.

Durant ces différentes discussions, la Ville de Montréal a répétée à maintes reprises sa position à l’effet que tout débat sur cette question devra se tenir durant une audience à huis clos, assortie d’une ordonnance de non-publication, afin de protéger le soi-disant « secret » entourant les mécanismes de sécurité des étuis à pistolet du SPVM.

La CRAP a cependant réussi à démontrer, à différentes occasions durant les audiences, que le pseudo « secret » invoqué par la Ville de Montréal en est un qui est très mal gardé. Dès février, la CRAP a lancé ses propres recherches afin de déterminer si les informations que la Ville de Montréal cherche à protéger sont accessibles au public.

Il n’a suffit qu’un peu de patience pour découvrir que les mécanismes de sécurité en question sont connus sous les noms de Automatic Locking System (A.L.S.) et de Self-Locking System (S.L.S.). Ces dispositifs sont d’ailleurs fort répandus chez les manufacturiers d’étuis à arme à feu.

Au cours des mois suivants, la CRAP a pu obtenir différents documents permettant de confirmer qu’elle avait correctement identifié les mécanismes de sécurité, incluant deux documents officiels de la Ville de Montréal.

Le premier est un document daté de mai 2002 rapportant que le Comité exécutif de la Ville de Montréal a décidé de procéder à l’acquisition d’étuis à pistolet du fabricant Safariland, modèle Raptor II.

Le second est un document daté d’août 2009 indiquant une décision du Comité exécutif à l’effet de procéder à l’achat de 300 étuis à pistolet de marque Safariland A.L.S 6360-84-131 et Safariland A.L.S 6360-84-132. « Le choix de l’étui à pistolet à pour but d’assurer une uniformité avec l’ensemble des étuis à pistolet actuellement utilisé par le SPVM et pour permettre un entretien uniforme en cas de bris et/ou remplacement des composantes de l’étui », lit-on dans ce document.

Durant l’audience du 27 octobre 2010, la Ville de Montréal a soudainement décidé de réviser sa position lorsqu’elle a constaté le scepticisme du coroner Perreault face à ses arguments. Quand les avocats de la Ville de Montréal ont vu qu’ils étaient en train de perdre le débat, ils ont fait volte-face et déclarés qu’ils renonçaient à demander un huis clos et une ordonnance de non-publication. Au lieu de cela, la Ville de Montréal a annoncé son intention de s’adresser à un tribunal supérieur afin d’obtenir une ordonnance empêchant tout débat sur cette question durant les audiences de l’enquête du coroner.

Un mois plus tard, soit le 26 novembre suivant, la Ville de Montréal a mit sa menace à exécution en signifiant une requête introductive d’instance en révision judiciaire demandant à la Cour supérieure du Québec d’interdire toute discussion, sous quelque forme que ce soit, concernant les mécanismes de sécurité des étuis à pistolet du SPVM.

La requête de la Ville de Montréal compte 30 pages, ce qui inclut des affidavits de Patrick Lalonde, inspecteur au SPVM, Christian Nantel, chef de la Section de l’armurerie du SPVM, et Bruno Poulin, expert-conseil en emploi de la force à l’emploi de l’École nationale de police du Québec.

La CRAP considère que la requête de la Ville de Montréal ne constitue rien de moins qu’une procédure dilatoire destinée à entraver le travail du coroner Perreault.

Les tactiques dilatoires de la Ville de Montréal sont d’autant plus déplorables qu’elles visent à empêcher la tenue d’un débat qui est manifestement d’intérêt public.

Comment peut-on soutenir le contraire quand on sait que l’agent Lapointe s’est permit de déclarer à plus d’une occasion durant son témoignage qu’il pouvait être facile pour un policier de se faire désarmer ? Il n’y a rien de particulièrement rassurant pour le public de savoir que ce même policier qui a tué un jeune homme en prétextant sa crainte de se faire désarmer se promène aujourd’hui dans les rues de Montréal avec une arme à feu chargée sur lui.

L’enquête publique a également révélée que ce n’était pas la première fois que l’agent Lapointe a invoqué la crainte de se faire désarmer pour justifier son recours à la force. En effet, deux ans avant l’intervention policière qui a couté la vie à Fredy Villanueva, l’agent Lapointe avait prétendu avoir craint « d’être désarmé » lors d’une intervention survenue dans un appartement de Montréal-Nord, le 24 juillet 2006. Cependant, contrairement à l’événement du 9 août 2008, cette intervention n’a pas eue de conséquence funeste puisque l’agent Lapointe avait choisi d’utiliser son poivre de Cayenne, et non son arme à feu.

Par ailleurs, la CRAP a apprit que Fredy Villanueva n’est pas le premier citoyen à avoir perdu la vie suite à une intervention policière où un policier a fait état d’une crainte de se faire désarmer. En effet, c’est également le cas de l’intervention policière qui a couté la vie à Otto Vass, survenue à Toronto, le 9 août 2000, soit huit ans jour pour jour avant le décès de Fredy Villanueva.

La cause officielle du décès de Monsieur Otto Vass, 55 ans, a été décrite comme une embolie, soit l’obstruction d’un vaisseau sanguin par un caillot de sang formé à la suite de blessures. Contrairement à l’affaire Villanueva, des accusations criminelles d’homicide involontaire ont été portées contre les policiers impliqués. Au procès, l’un des policiers accusé, l’agent Philip Duncan, a témoigné que M. Vass avait essayé de s’emparer de son arme à feu.

La CRAP tient également à déplorer le fait que la requête de la Ville de Montréal aura pour effet de retarder la fin de l’enquête publique sur le décès de Fredy Villanueva, que certains médias ont déjà décrit comme étant l’une des enquêtes du coroner les plus coûteuses de toute l’histoire du Québec.

En effet, durant l’audience du 26 novembre, le coroner Perreault a indiqué que son enquête ne pourra prendre fin tant et aussi longtemps que le tribunal supérieur n’aura pas rendue sa décision relativement à la requête de la Ville de Montréal.

Nous tenons à souligner que la Ville de Montréal savait depuis le mois de février que la CRAP, ainsi que les avocats représentant les intérêts des victimes, étaient d’avis que le coroner Perreault n’avait d’autre choix que de procéder à l’examen des mesures de sécurité des étuis à pistolet du SPVM afin de mener à bien son mandat.

Si la Ville de Montréal avait déposé sa requête en temps opportun, il y a fort à parier que la décision de la Cour supérieure aurait déjà été rendue à l’heure qu’il est. Au lieu de cela, la Ville de Montréal a attendue que l’enquête du coroner tire à sa fin pour déposer sa requête tardive, espérant peut-être que cette question cruciale finira par être balayée en-dessous du tapis.

Après avoir dépassé le cap des 100 jours d’audience, l’enquête du coroner risque maintenant de déborder en 2011 en raison de la procrastination irresponsable de la Ville de Montréal. La CRAP estime également que la Ville de Montréal doit porter la responsabilité de tout délai additionnel dans le dépôt du rapport du coroner. Naturellement, ce retard va gagner en ampleur dans l’éventualité où la décision de la Cour supérieure serait portée en appel.

Que les défenseurs inconditionnels de Jean-Loup Lapointe se le tiennent pour dit : les manœuvres dilatoires de la Ville de Montréal ne viendront pas à bout de la détermination de la CRAP d’aller jusqu’au bout dans la recherche de la vérité relativement aux causes et aux circonstances du décès du jeune Fredy Villanueva.



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