Est-ce que Dieu existe ? Sous quelle(s) forme(s) ? Quelle est son influence sur notre vie ? Voilà d'éternelles questions qui ont sans doute intrigué chaque homme et chaque femme depuis la nuit des temps, et tout indique qu'il en sera ainsi pour très longtemps encore. Toutefois, avec tout ce que nous savons aujourd'hui, est-il possible de tirer certaines conclusions, même partielles, à ce sujet ? Sans prendre parti en faveur d'une religion particulière, j'explorerai ce que peut nous apprendre la foi, mais surtout la logique et la rationalité à propos de ces questions fondamentalement mystérieuses.

 
Est-ce que Dieu existe ? Sous quelle(s) forme(s) ? Quelle est son influence sur notre vie ? Voilà d'éternelles questions qui ont sans doute intrigué chaque homme et chaque femme depuis la nuit des temps, et tout indique qu'il en sera ainsi pour très longtemps encore. Toutefois, avec tout ce que nous savons aujourd'hui, est-il possible de tirer certaines conclusions, même partielles, à ce sujet ? Sans prendre parti en faveur d'une religion particulière, j'explorerai ce que peut nous apprendre la foi, mais surtout la logique et la rationalité à propos de ces questions fondamentalement mystérieuses.

Cet essai est divisé en six sections, incluant une conclusion à la fin. La première section définit ce que j'entends par Dieu, et introduit aussi un langage qui est principalement utilisé dans les deuxième et troisième sections portant respectivement sur une méthode inspirée de la démarche scientifique pour rechercher les signes de l'existence de Dieu, et sur les implications métaphysiques des découvertes scientifiques modernes. Alors que les trois premières sections ignorent presque entièrement les différents dogmes religieux, les quatrième et cinquième sections recherchent au contraire ce que peuvent nous apprendre les nombreuses religions humaines. La quatrième section se penche plus particulièrement sur l'acte de foi de ceux qui sont convaincus d'avoir personnellement senti la présence de Dieu, alors que la cinquième partie discute de la foi au dogme d'une Église. Ce texte est écrit à la première personne pour bien montrer qu'il reflète mes propres convictions, et non quelques certitudes absolues.

Quelques définitions personnelles…

Le langage de la physique est particulièrement utile pour décrire l'évolution de l'Univers, et me semble aussi utile pour définir Dieu et son rôle. Je l'utiliserai donc souvent pour la suite du texte. J'ai appelé cette section « définitions personnelles » parce que je ne prétends pas que ces définitions soient rigoureusement conformes aux définitions formelles de la physique. Dans l'ensemble, je pense que l'analogie est tout de même suffisamment bonne pour que le lecteur comprenne mes idées.

Par Univers, j'entends l'ensemble de matière dont le mouvement et l'état sont gouvernés par une ou plusieurs force(s). Les détails de la structure et des états de la matière ne sont pas importants pour la suite (on peut imaginer de quelconques atomes ou particules élémentaires). Ce qui est important par contre, c'est qu'une particule de matière peut être influencée simultanément par plusieurs forces, mais pas obligatoirement par toutes les forces existantes [1]. Si plusieurs forces agissent simultanément sur la matière, l'effet net doit cependant être la somme de toutes ces forces.

Le concept de force étant crucial pour le reste de la discussion, permettez-moi de donner un peu plus de détails à ce sujet. En fait, j'utilise la définition standard de force en physique : la matière se trouvant dans un champ de force sent une « poussée » induite par la force [2]. Un champ de force est quelque chose d'immatériel, représenté en physique moderne par des ondes ou encore des particules qui n'ont pas de masse [3]. La chose cruciale est toutefois que seules les forces (aussi appelées interactions) peuvent influencer le mouvement (l'énergie) ou l'état de la matière. Par exemple, imaginons une particule de matière qui se déplace en ligne droite dans le vide. Sans influence d'une force, la particule continuera son chemin dans la même direction et à la même vitesse pour toujours. Par contre, si la particule passe près d'une étoile, elle subira l'influence de la force gravitationnelle de l'étoile et sa trajectoire sera déviée, et si elle passe entre deux étoiles, elle subira la somme de leurs deux forces. Il en va de même pour toute modification du mouvement de la matière. Ainsi, le mouvement de mes doigts sur mon clavier doit absolument être causé par une force. La biologie et la physique expliquent que cela est dû aux interactions électriques émanant de mon cerveau qui se propagent par mes nerfs jusque dans mes muscles. Sans force la électromagnétique, il serait impossible de faire bouger mes doigts.

Pour discuter de Dieu, il faut toutefois aller au-delà de la physique standard. Ainsi, en postulant l'existence de ma conscience, le mouvement de mes doigts sur mon clavier n'est plus uniquement dû à la seule force électrique, mais aussi à ma conscience qui commande à mon cerveau d'envoyer les influx électriques vers les muscles de mes doigts. Si j'étais inconscient, l'interaction électromagnétique continuerait certes d'exister et d'agir dans mon corps, mais mes doigts n'écriraient aucun mot. Puisque ma conscience influence ainsi la matière qui compose mes doigts, et que seule une force peut influencer la matière, ma conscience doit donc forcément être une force. D'une façon où d'une autre, la force de ma conscience doit pouvoir interagir avec des électrons de mon cerveau pour que la charge électrique des ces derniers déclenche le signal qui se propagera jusqu'à mes doigts. Enfin, si Dieu existe et qu'il a le pouvoir d'influencer notre vie, et donc d'interagir avec la matière, alors il doit être une force lui aussi.

Je viens donc de définir deux différents types de forces. D'une part, les forces « inconscientes » de la physique standard, et d'autres part des forces d'un autre type que sont Dieu ou ma conscience. Nous appellerons ces nouvelles forces : « forces conscientes ». Les forces conscientes influencent la matière d'une façon intelligente, émotive, morale et imprédictible, alors que les forces inconscientes ont une influence invariante et prédictible mathématiquement. Historiquement, les forces conscientes ont été imaginées beaucoup plus tôt que les forces inconscientes car elles sont beaucoup moins abstraites et plus intuitives. Les forces inconscientes ont été découvertes progressivement, avec l'élaboration de la démarche scientifique. Les forces inconscientes sont pratiques car elles sont prédictibles, et c'est sur elles que repose l'ensemble de notre technologie moderne. En revanche, il semble que les forces conscientes soient les vecteurs de l'intelligence dans l'Univers.

Bref, l'Univers est composé de matière dont l'interaction ne peut se faire que par l'intermédiaire de force(s) « conscientes » ou « inconscientes ». Dieu et la conscience ont tous deux été définis comme des forces puisqu'ils peuvent interagir avec la matière. Plus précisément, je parlerai de Dieu comme d'une force consciente, car c'est uniquement sous cette forme que pourrait exister le Dieu sensible aux comportements humains qui est généralement postulé par les divers mythes et religions. Un Dieu inconscient et mathématiquement prévisible n'est pas ce qui m'a intéressé dans cet essai.

Comment répondre à la question posée ?

Pour savoir si Dieu existe, sous quelle(s) forme(s), et quelle est son influence sur notre vie, il faut chercher les signes de sa présence en observant l'Univers autour de nous. Pour observer l'Univers, nous disposons de nos cinq sens, et nous pouvons aussi utiliser des outils comme un microscope ou un télescope. Notez que je ne parle pas ici uniquement d'observations scientifiques, mais bien de l'ensemble des expériences que nous vivons constamment au cours de notre vie.

Donc, comment savoir si Dieu existe ? Ou en d'autres mots, comment connaître la Nature intrinsèque de l'Univers et des forces qui le composent ? Et bien, la réponse est qu'il est impossible de savoir ce qu'est la Nature intrinsèque de l'Univers en utilisant l'observation et la logique d'une manière scientifique… Par contre, il est possible de déduire ce que la Nature intrinsèque de l'Univers n'est pas ! Pour ce faire, il faut considérer l'ensemble de toutes nos expériences de vie -de toutes nos observations- et les comparer logiquement avec nos hypothèses sur la nature de Dieu. Si certaines hypothèses sont incompatibles avec nos expériences, alors elles doivent être considérées fausses, mais toutes celles qui ne les contredisent pas doivent être considérées possibles. Notez au passage qu'une hypothèse possible ne veut pas dire une hypothèse vraie ! C'est là un point essentiel de la démarche scientifique : on peut prouver ce que la Nature n'est pas, on peut aussi démontrer ce qu'il est possible que la Nature soit, mais on ne peut jamais démontrer ce que la Nature est.

Nécessité d'avoir des croyances

Puisque la logique et l'expérimentation ne permettent pas de connaître la vraie nature des choses, tous les humains doivent obligatoirement avoir recours à des actes de foi pour prendre des décisions et survivre. La logique humaine ne donne pas accès à la certitude absolue et il nous est nécessaire d'avoir des croyances.

Lorsqu'il s'agit de croire en Dieu ou non, ou en une certaine volonté de Dieu, et de chercher la Nature intrinsèque de l'Univers, il faut se demander si cela est cohérent avec les expériences que nous avons vécues. Personnellement, mes observations m'ont porté à croire qu'il existe minimalement dans l'Univers de la matière, dont tout est constitué. Aussi, le libre-arbitre de ma conscience me donne une impression de réalisme très forte, et c'est pourquoi mon « expérience de vie » me suggère que la matière est influencée par ma propre force consciente, ainsi sans doute que par des forces conscientes différentes et uniques pour chaque être vivant. En plus, il me semble évident qu'une ou plusieurs forces extérieures supplémentaires (les « lois de la nature ») influencent la matière de l'Univers. Je ne crois cependant pas que ces forces extérieures soient des forces conscientes. Au contraire, tout indique que ce se sont des forces inconscientes, prévisibles et immuables.

Indices de l'existence de forces inconscientes

Si Dieu existait, il pourrait en principe se manifester sous la forme de ces forces extérieures que je viens de mentionner. L'histoire des sciences montre toutefois que le recours à la force de Dieu pour expliquer des phénomènes naturels devient de moins en moins nécessaire au cours du temps, tandis qu'un nombre croissant de phénomènes semble adéquatement décrit par des lois mathématiques déterminées empiriquement à l'aide de la démarche scientifique. Sans le prouver complètement, les progrès en science de la nature donnent donc un nombre croissant d'indices que les forces extérieures qui gouvernent l'Univers seraient en fait des forces inconscientes telles que définies plus haut.

Malgré tout, au plus haut niveau, les sciences naturelles ne permettent pas de prouver quoi que ce soit de métaphysique. Par exemple, des centaines d'expériences scientifiques ont mesuré depuis maintenant quelques siècles que la force gravitationnelle exercée sur une masse m située sur la Terre est approximativement F=mg, où g=9.81 m/s^2. Cette expérience a été reproduite des milliers de fois, par toutes sortes de gens, et donne toujours le même résultat. Est-ce que cela prouve que la gravité est bien une force inconsciente prenant la forme F=mg sur la Terre avec g=9.81, et qu'il n'y a pas de composante divine à cette force ? Et bien non. Peut-être que c'est Dieu qui s'amuse à maintenir la valeur de g à 9.81 depuis quelques siècles, et qu'il lui prendra demain l'envie de changer la valeur de g pour 6.66 ou pour une autre valeur. Cela n'est pas exclu par les expériences. Cependant, il n'a pas été nécessaire jusqu'à présent de postuler l'existence d'une force consciente divine pour décrire la gravité.

Cet exemple simple s'applique aussi à l'ensemble des découvertes scientifiques accumulées au cours des siècles, et à toute la technologie moderne qui en découle. Les avions, les ordinateurs, l'Internet, les satellites, les voitures, rien de tout cela ne fonctionnerait si les lois de la physique n'étaient pas en tout point identiques maintenant à ce qu'elles ont été depuis leur découverte. Et s'il n'y a pas de preuve complètement rigoureuse que les forces de la physique moderne sont réellement des forces inconscientes, et que ces forces sont immuables, il y a quand même de forts indices en ce sens !

Une dernière fois, il n'y a pas de preuve que les lois de la physique moderne sont vraiment le résultat de forces inconscientes immuables. Toutefois, si on croit à l'existence de telles forces, alors il en découle des conséquences métaphysiques importantes. En effet, dans ce cas, la force de ma conscience peut certes se coupler à la force électromagnétique pour faire bouger mes doigts sur mon clavier, mais elle ne peut toutefois pas annuler l'effet de l'électromagnétisme Ainsi, même si ma conscience « forçait » très fort pour tenter de faire passer ma main à travers mon clavier sans le briser, elle en serait incapable car cela est interdit par l'effet de l'interaction électromagnétique entre les atomes de ma main et de mon clavier. Les forces inconscientes immuables telles que les lois physiques, si elles existent, imposent donc des contraintes qui limitent l'effet que peuvent avoir les autres forces, et en particulier les forces conscientes, sur la matière. Ce qui est intéressant, c'est que ces forces inconscientes immuables limiteraient aussi l'effet que Dieu pourrait avoir sur la matière. La force consciente de Dieu, comme toute force, ne pourrait que se coupler aux autres forces dans son influence de la matière, mais pas annuler leur effet.

Les conséquences de l'existence hypothétique de forces inconscientes immuables sur les pouvoirs de Dieu peuvent être grandes ou infimes, dépendant de nos croyances quant à la nature de ces forces. On peut imaginer que la force de Dieu est telle que les autres forces sont négligeables, telle une fourmi devant un camion, mais on peut aussi croire à certaines contraintes plus fortes, par exemple l'impossibilité pour la matière de se déplacer plus vite que la lumière. De toute façon, le simple fait que les pouvoirs de Dieu ne soit pas absolus est déjà contraire à ce postulent plusieurs grandes religions. Ainsi, il me semble difficile de croire simultanément à l'existence des forces inconscientes immuables postulées par la science et à l'intégralité des doctrines religieuses qui prêchent que Dieu est tout puissant. En général, les indices donnés par l'histoire et les sciences de la nature soulèvent aussi de très forts doutes sur l'infaillibilité des livres saints ainsi que sur un certain nombre de croyances religieuses souvent plus ou moins anecdotiques, pensons par exemple au créationnisme chrétien.

Mes études en sciences de la nature et les travaux de recherche que j'ai eu la chance de réaliser en physique sont des expériences importantes de ma vie qui m'ont amené à croire à l'existence de forces inconscientes immuables semblables aux forces présentement postulées par la physique moderne. Mon expérience personnelle m'a aussi amené à croire que mon libre-arbitre, ainsi que celui des autres, n'est manifestement pas le résultat d'une force inconsciente et mathématique. S'il n'y a pas de preuve scientifique ni de l'existence, ni de la non-existence de Dieu, le concept même de Dieu me semble toutefois inutile et les formes qui lui sont généralement données, arbitraires.

Bien sûr, de nombreuses personnes seront en désaccord avec mes croyances. En général, cela s'explique sans doute par les différences d'expériences de vie d'une personne à l'autre. Exemple important : de nombreuses personnes pensent avoir vécu au cours de leur vie une rencontre directe avec Dieu ! Les conséquences logiques de ces nombreuses « évidences directes » de l'existence de Dieu seront discutées dans la prochaine section.

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[1] Par exemple, la physique prédit qu'un électron est influencé par les forces de gravité et électromagnétique, mais pas par la force forte (ou force nucléaire). Selon la physique moderne, il y aurait seulement quatre forces différentes : la gravité, l'électromagnétisme, la force faible et la force forte.

[2] En plus de son mouvement, l'état de la matière peut aussi être modifié par une force. Par exemple, les interactions fortes et faibles peuvent amener une particule à se désintégrer en plusieurs particules de types différents, mais cette propriété des forces en physique n'est pas utile pour illustrer les idées présentées dans cet essai.

[3] Les experts en physique des particules souligneront que les transmetteurs de la force faible (les bosons W et Z) sont massifs lorsqu'ils sont dans un environnement d'extrêmement haute énergie. À l'extérieur des accélérateurs de particules, les transmetteurs de la force faible n'existent toutefois pas sous leur forme massive, mais sont plutôt dans un état dit « virtuel », sans masse réelle.